Pensez-vous que la question « Comment allez-vous aujourd’hui ? » puisse être une question religieuse ? Et qu’elle joue un rôle important dans un récit biblique majeur ?
Dans la Paracha de cette semaine, Vayéchev (Genèse 37-40), nous lisons l’histoire dramatique de Joseph : la tunique de rêve en technicolor, la rivalité fraternelle dans la famille de Jacob, et la descente de Joseph en Égypte, vendu comme esclave. Après avoir été faussement accusé par la femme de son maître qui se vengeait de lui pour avoir dédaigné ses tentatives de séduction, le jeune Joseph se retrouve incarcéré dans une prison égyptienne. Il y rencontre le sommelier et le boulanger du pharaon et interprète correctement leurs rêves respectifs. Plus tard, lorsque le pharaon lui-même sera perturbé par ses propres rêves, le sommelier se souviendra de Joseph et celui-ci sera extrait du cachot et amené à la cour royale. L’analyse de ses rêves satisfera le monarque, et le jeune esclave hébreu sera catapulté au sommet et nommé vice-roi d’Égypte.
Comment le salut de Joseph commença-t-il ? Il commença lorsque Joseph, emprisonné, remarqua que le sommelier et le boulanger avaient l’air quelque peu déprimés. « Le matin, Joseph s’approcha d’eux, il les vit, et voici qu’ils étaient troublés. Il demanda aux fonctionnaires de Pharaon [...] Pourquoi avez-vous si mauvaise mine aujourd’hui ? » (Genèse 40,6-7). Ils lui racontèrent leurs rêves inquiétants, il les interpréta correctement, et le reste appartient à l’histoire.
Mais pourquoi fallut-il que Joseph leur demandât quoi que ce soit ? Pourquoi était-il si étrange que des gens en prison aient l’air tristes ? La tristesse est certainement la norme dans les cachots. Ne s’attendrait-on pas à ce que la plupart des détenus aient l’air malheureux ?
Selon le Rabbi de Loubavitch, la réponse est que Joseph faisait preuve d’un sens élevé de l’attention et de la préoccupation pour ses semblables. Arraché à son père et à sa vie familiale, emprisonné dans un pays étranger, personne ne lui en aurait voulu de s’apitoyer sur son sort. Pourtant, lorsqu’il vit ses compagnons d’infortune être particulièrement troublés, il fut assez sensible pour prendre le temps de s’enquérir de leur bien-être. En fin de compte, non seulement les aida-t-il, mais son propre salut découla de cette rencontre fatidique. S’il s’était dit : « J’ai mes propres problèmes, pourquoi me soucier d’eux ? », il aurait pu croupir indéfiniment en prison.
Parfois, dit le Rabbi, un simple « Comment allez-vous aujourd’hui ? » peut prendre une dimension historique.
Cette histoire nous engage tous à s’efforcer d’être un peu plus amicaux, à saluer les gens, peut-être même à sourire plus souvent.
Il y a quelques années, après avoir étudié dans le Talmud comment l’un des grands sages a affirmé qu’il n’avait jamais laissé quelqu’un d’autre le saluer en premier, prenant toujours les devants pour saluer d’abord toute personne qu’il rencontrait, j’ai pris la résolution personnelle d’essayer de mettre cette approche en pratique. Chaque Chabbat, je fais plusieurs kilomètres à pied pour aller et revenir de notre synagogue, ici à Johannesburg. Je croise de nombreux autres piétons, pour la plupart des habitants noirs du quartier. Rarement l’un d’entre eux m’avait salué, mais maintenant c’est moi qui leur dis « Bonjour ». Ils répondent toujours, même si je dois avouer que certains ont l’air plutôt surpris. Dans un pays où, pendant de nombreuses années, ils n’ont pas été reconnus comme des citoyens à part entière, un simple « Bonjour » peut devenir une expérience très humanisante. À l’inverse, je suis parfois désagréablement surpris lorsque, ironiquement, un autre Juif passe à côté de moi sans même faire un signe de tête.
Lorsque nous rencontrons une personne que nous connaissons et que nous lui demandons « Salut, ça va ? », attendons-nous la réponse ? Essayez cette expérience. La prochaine fois que l’on vous demandera comment vous allez, répondez « Mal ! ». Voyez si l’autre personne vous écoute et vous répond, ou si elle continue son chemin, sans se soucier de votre réponse.
Outre les nombreuses qualités exceptionnelles de Joseph que nous devrions essayer d’imiter, Joseph nous rappelle dans ce passage plutôt simple qu’il faut s’intéresser sincèrement au bien-être des autres. Et que leur demander sincèrement comment ils vont ne devrait pas nous sembler être indigne de nous, ni être inhibé. Qui sait ? Cela pourrait changer non seulement leur vie, mais aussi la nôtre.
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