Qu’est-ce qui fait un héros ?

Dans la Paracha de cette semaine, la Torah discute des lois de la guerre et de certains des impératifs moraux qui s’appliquent même sous le feu. Plus précisément, nous lisons les exemptions qui autorisent un soldat à quitter le front. L’une d’entre elles est « l’homme qui a peur et dont le cœur est lâche ». La Torah stipule qu’« il doit s’en aller et retourner chez lui » et rejoindre le service civil, de peur que sa lâcheté ne fasse « fondre le cœur » de ses compagnons d’armes et ne les démoralise (Deutéronome 20,8).

Il est intéressant de noter que, selon Maïmonide, cette exemption ne s’applique qu’aux guerres facultatives menées pour des raisons politiques ou territoriales (mil’hemeth ha-reshout), mais pas aux guerres obligatoires où la Torah elle-même nous ordonne d’aller au combat (mil’hemeth mitsva), comme une guerre d’autodéfense ou les guerres pour conquérir la Terre Promise.

Mais quelle est la logique ici ? Pourquoi cette distinction ? Si le problème est que la peur du lâche aura un effet négatif sur ses compagnons de combat, alors c’est une réalité psychologique. Quelle différence cela fait-il que la guerre soit mandatée par D.ieu ou par les dirigeants juifs de l’époque ? Il est certain qu’un lâche est un lâche, quelle que soit la guerre !

Cependant Maïmonide nous fait part d’une analyse frappante de la nature humaine. La peur et l’anxiété sont amplifiées lorsque plus d’une option s’offre à nous. Lorsque nous avons le choix de nous battre ou non, lorsque la guerre n’est pas strictement commandée par D.ieu et qu’il s’agit d’une décision gouvernementale, on peut très bien choisir de battre en retraite. En revanche lorsqu’il n’y a pas le choix, lorsque la guerre est une mitsva de D.ieu non négociable, alors même les trouillards deviennent des héros.

J’aime citer le célèbre philosophe américain John Wayne, qui a dit un jour : « Le vrai courage n’est pas l’absence de peur. Le vrai courage, c’est d’avoir une peur bleue et de se mettre en selle quand même. » Voilà un sage cow-boy. Les quelques intrépides qui se lancent sans hésiter dans tous les défis qui leur sont proposés sont en effet d’étranges exceptions dans notre peuple. La plupart des gens normaux éprouvent de la peur dans des situations effrayantes. Ceux qui ont du courage ne se défilent pas devant la peur et l’affrontent.

Je peux vous raconter de nombreuses histoires de gens ordinaires qui sont devenus des héros. Comment ? En surmontant leurs peurs et en faisant ce qu’il fallait faire. Le père de mes amis, Pinné Merkel, s’est un jour précipité dans une synagogue en feu du vieux quartier de Doornfontein, à Johannesburg, pour sauver les rouleaux de la Torah de l’arche sainte. Les pompiers l’ont averti de ne pas le faire, mais il est entré quand même. Pinné n’était pas un homme religieux. Mais pour lui, sauver les rouleaux de la Torah était quelque chose qui devait être fait, et un Juif ordinaire est devenu un saint héros.

Le fils d’un fidèle de ma synagogue, Hugh Raichlin, n’est pas médecin. Il est avocat. Mais lorsque sa femme était en travail et que les choses se sont dramatiquement accélérées, il a accouché son propre enfant dans la voiture sur le parking de la maternité. Il ne cherchait pas à faire preuve d’héroïsme. Il n’avait pas le choix, et l’héroïsme l’a trouvé.

Quand quelque chose doit arriver, on trouve un moyen de le faire arriver. On prend son courage à deux mains et on agit vaillamment.

Mon propre père, qu’il se porte bien, était un fumeur invétéré (D.ieu merci, il a abandonné cette habitude depuis longtemps). J’étais souvent étonné de voir que, bien qu’il ne pût jamais se passer d’une cigarette entre ses doigts six jours par semaine, il était capable d’arrêter de fumer chaque Chabbat. Six jours durant, il ne pouvait pas attendre deux minutes, mais une fois par semaine, il attendait pendant 25 heures ! Comment ? La réponse est que, pour lui, respecter le Chabbat était tout simplement un engagement non négociable ; il n’avait donc pas le choix et a persévéré. Mais dès que le Chabbat était terminé, lui et ses collègues fumeurs respectueux du Chabbat se ruaient sur le paquet le plus proche.

Cela s’applique à la vie, au mariage, aux affaires, à tout. Si quelque chose est si important pour nous que le perdre serait impensable, nous découvrons que nous pouvons vraiment trouver une solution après tout. Dans notre vie juive également, lorsque nous acceptons qu’une mitsva particulière est un principe sacré et inviolable, nous l’observerons quel que soit le défi.

Alors, trouillards de tous pays, unissez-vous ! Faisons ce que nous savons devoir faire. C’est ainsi que les gens ordinaires deviennent des héros.