La prière la plus célèbre du judaïsme, le Chema Israël, provient de la Paracha de cette semaine. Chema Israël Hachem Elokénou Hachem E’had, « Écoute, Israël, l’Éternel est notre D.ieu, l’Éternel est Un » (Deutéronome 6,4). « Et tu aimeras l’Éternel ton D.ieu », poursuit le verset, « de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton méod ».

Rachi, le grand commentateur biblique, interprète cette dernière phrase – « de tout ton méod » – comme signifiant « de toutes tes ressources », c’est-à-dire « de tout ton argent ». Cela soulève bien sûr la question suivante : si l’on nous a déjà ordonné d’aimer D.ieu « de toute notre âme » – ce qui, selon les commentaires, signifie que nous devons être prêts à donner notre vie pour D.ieu –, alors pourquoi cet ordre plutôt banal concernant l’argent ? Sûrement, si nous sommes prêts à donner notre vie pour D.ieu, alors contribuer notre argent n’est qu’une petite chose ?

Rachi explique qu’en fait, il existe des individus qui accordent plus de valeur à leur argent qu’à leur vie. Ces personnes ont besoin qu’on leur dise d’aimer D.ieu avec tout leur argent.

Jack Benny, le célèbre animateur américain d’autrefois, avait l’habitude de plaisanter avec autodérision sur sa frugalité. Un jour, il a raconté qu’il marchait dans une rue de New York, tard dans la nuit, lorsqu’il sentit soudain un métal froid et dur pointé dans son dos et qu’une voix bourrue aboya : « Ton argent ou ta vie ! » Comme il ne répondait pas immédiatement, l’arme dans son dos s’enfonçait plus profondément dans sa chair et la voix de derrière devenait plus menaçante : « Ton argent ou ta vie ! » Benny répondit : « Je réfléchis, je réfléchis. »

Il y a en fait pas mal de situations réelles aujourd’hui qui prouvent que ce n’est pas une blague. Il ne manque pas de personnes, des entrepreneurs privés en Irak aux fermiers blancs au Zimbabwe, qui poursuivent des opportunités commerciales et des carrières qui mettent leur vie en danger.

La Torah insiste donc sur le fait que nous devons aimer D.ieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre vie et de toutes nos ressources – tout ce que nous apprécions et chérissons le plus, nous devons être prêts à le consacrer à D.ieu par amour.

J’ai parlé de ce concept lors des cérémonies de Pidyone Habène (le « rachat du premier né »), où l’on assiste à un dialogue très étrange entre le père et le Kohen. Selon la loi de la Torah, tout premier-né appartient à D.ieu, ou au représentant désigné de D.ieu, le Kohen. Le Kohen demande donc au père du nouveau-né : « Que préfères-tu : ton fils premier-né ou les cinq shekels d’argent que tu es obligé de me donner pour son rachat ? »

Quelle question absurde est-ce là ? C’est « À prendre ou à laisser » ? Quel père normal va donner son fils quand il peut le garder pour le petit prix de cinq pièces d’argent ? Personne n’attend la réponse du père dans un suspense haletant.

En réalité, il s’agit d’une question très sérieuse. Le ministre sacerdotal de D.ieu demande au père de cet enfant : « Dans la vie de votre fils nouveau-né, qu’est-ce qui sera le plus important ? Est-ce que ce sera l’enfant ou le shekel ? Accorderez-vous une grande importance aux finances ou au temps passé en famille ? Élèverez-vous cet enfant en mettant l’accent sur le matérialisme ou sur des choses plus importantes ? » Il s’agit en fait d’une très bonne question, à laquelle les parents doivent réfléchir sérieusement avant de répondre.

Combien de bourreaux de travail connaissons-nous qui sont tellement occupés à gagner leur vie qu’ils en oublient de vivre. Rappelez-vous, on n’a jamais entendu personne se lamenter sur son lit de mort : « Oy, si seulement j’avais passé plus de temps au bureau ! »

Le Chema nous rappelle donc que quelles que soient nos valeurs fondamentales, elles doivent être orientées vers D.ieu et Son service.

Même pour ceux qui ne sont pas excessivement économes, l’argent est un problème. La réalité est qu’il n’est pas bon marché d’être juif, et certainement pas de vivre de manière juive. Qu’il s’agisse du prix plus élevé de la nourriture casher et de l’éducation juive, ou des dépenses supplémentaires liées à la préparation de Pessa’h, à la construction d’une Soukka ou à l’acquisition de tefiline et de mezouza, toutes ces choses exigent un engagement financier de notre part. Lorsque nous prenons cet engagement avec amour et que nous ne nous plaignons pas du coût élevé d’être juif, nous observons la mitsva d’aimer D.ieu avec tout notre « méod » – notre argent et nos ressources.

Mais ne vous inquiétez pas. D.ieu nous aime aussi.