Il y a longtemps, Salomon, le plus sage de tous les hommes, a dit : « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. »1
Toute personne impliquée dans le travail communautaire sait qu’être sous les feux de la rampe est une arme à double tranchant. S’il est agréable d’être connu et respecté, les personnalités très en vue ont également tendance à faire parler d’elles à table. « Avez-vous vu la nouvelle voiture du rabbin ? Et les nouvelles boucles d’oreilles de la rabbanit ? »
J’ai donc trouvé réconfortant de lire que Moïse lui-même fut également soumis à cette critique.
Lorsqu’il s’est agi de construire le Tabernacle, le Sanctuaire dans le désert, les gens avaient beaucoup à dire sur Moïse. En examinant de près le verset « Ils regardaient Moïse »,2 le Midrash cite des remarques plutôt sarcastiques sur le grand homme.
Qu’est-ce que les gens regardaient exactement ?
« Regarde ce cou... ces jambes... Moïse mange et boit ce qui nous appartient. Tout ce qu’il a est à nous ! »
Et un autre d’ajouter : « Qu’attendiez-vous ? Un homme chargé des travaux du Sanctuaire ne devrait pas s’enrichir ? »
Dès qu’il entendit cela, Moïse dit : « Sur votre vie, dès que le Sanctuaire sera achevé, je vous rendrai pleinement compte. »3
Moïse, le plus grand prophète de tous les temps, fut-il vraiment soupçonné de s’enrichir sur la collecte collective ? D’avoir pillé le trésor du Tabernacle ? L’homme qui nous a fait sortir d’Égypte, qui a fendu la mer, qui nous a apporté les Dix Commandements et bien d’autres choses encore, fut accusé de fraude et de détournement de fonds ? Cela semble incroyable !
Vous voulez me dire que si Moïse avait acheté un nouvel animal, certains disaient : « Quoi, il a acheté le dernier modèle, cet âne surpuissant ? » Et si sa femme Tsippora s’achetait une nouvelle robe, ils s’écriaient : « Eh, vous avez vu ce qu’elle portait au mariage hier soir ? Cette tenue a dû lui coûter une fortune aux Galeries Lafayette ! »
Eh bien, il semble que ce n’était pas très loin de cela.
Si Moïse sortait tôt de sa tente, ils disaient : « Pourquoi le fils d’Amram part-il si tôt ? Peut-être que tout ne va pas bien à la maison ? » S’il partait tard, ils disaient : « Que croyez-vous ? Il passe son temps à concevoir de mauvais plans et à comploter contre vous. »4
Bien sûr, Moïse savait qu’il était absolument et complètement innocent de tout méfait. Mais la Torah elle-même déclare : « Et tu seras pur et innocent devant D.ieu et devant Israël. »5 Et le Talmud en déduit que « non seulement le comportement d’une personne doit être innocent et irréprochable aux yeux de D.ieu, mais celle-ci doit également s’assurer qu’elle est au-dessus de tout soupçon aux yeux des hommes. »6
Et ainsi, dans ce qui fut très probablement le tout premier audit officiel de l’histoire, la Parachat Pekoudei rapporte comment Moïse ordonna une comptabilité méticuleuse de l’or et des matériaux précieux collectés auprès des Israélites pour la construction du Tabernacle.7
Quelques 33 siècles avant que les termes de « responsabilité », de « transparence » et de « bonne gouvernance » n’entrent dans le langage courant, le premier dirigeant national du peuple juif avait institué un tel système.
Cela me rappelle une autre histoire scandaleuse où les gens critiquaient, non pas Moïse, mais un leader du mouvement ‘hassidique. Un petit malin annonça en présence du Gaon de Vilna qu’il avait vu, de ses propres yeux, le maître ‘hassidique « manger de la viande et boire du vin le jour de Ticha BeAv et même danser avec des filles » ! Et devinez quoi ? C’était absolument vrai ! Vraiment ? Oui. C’était Ticha BeAv qui tombait un Chabbat, donc le jeûne était reporté au dimanche, et il était donc obligatoire de prendre un repas fastueux. Et la jeune fille ? Elle n’avait que quelques jours et était tenue sur un plateau.8
Lorsque des rabbins comme moi lisent que le plus grand des grands a été calomnié et diffamé, il est plus facile de le supporter lorsque nous entendons ces commentaires « anodins » qui peuvent souvent enterrer quelqu’un ; ces murmures pas si silencieux à propos de nous ou de nos familles. Si cela a pu arriver à Moïse et aux plus grands leaders des ‘hassidim, pourquoi devrais-je être épargné ?
Bien sûr, il y a une incohérence flagrante ici. Les mêmes personnes qui se plaignaient du fait que Moïse s’enrichissait grâce à leurs dons n’avaient absolument rien à dire sur leurs contributions à la construction du Veau d’Or. Alors qu’ils soupçonnaient Moïse de s’être servi dans la caisse, personne ne s’est demandé pourquoi leurs piles de bijoux en or n’avaient abouti qu’à la création d’un petit veau. Tout cet or pour un petit veau ? Pas de problème. Personne n’a exigé d’audit à ce sujet. Mais le Tabernacle ? Soudain, ils voulaient savoir où était passé tout l’or. « Vous feriez mieux d’être capable de rendre compte de chaque centime de dépenses ! »9
En y réfléchissant, cela reflète assez bien nos propres incohérences humaines, n’est-ce pas ? Je connais un type qui peut dilapider cent mille dollars en deux heures au casino, mais qui, lorsqu’on lui demande de faire un don à la shoul, veut voir le budget et le bilan et savoir comment le moindre centime est dépensé, « et, au fait, avons-nous vraiment besoin d’autant de cacahuètes et de raisins secs au Kiddouch ? ».
Cette semaine, nous apprenons le leadership, la transparence et la responsabilité. Et c’est ainsi que les choses doivent être. Mais il y a une autre leçon à tirer, et c’est celle de la cohérence. Oui, la transparence dans la gouvernance de nos shouls, de nos institutions religieuses et communautaires est très importante, et nous ne devons trouver aucune excuse. Mais soyons également cohérents et avisés dans nos propres dépenses.
Commencez une discussion