Il fallut 42 étapes pour que les Juifs passent d’Égypte en Israël, sur une période qui dura 40 ans. Chaque étape du voyage était exclusivement déterminée par décret divin : la nuée qui planait sur le campement juif commençait à se déplacer. Le camp tout entier empaquetait alors ses affaires et se mettait en route, suivant le pilier de nuée le jour et la colonne de feu la nuit. Quand la nuée s’arrêtait, ils s’arrêtaient et quand elle se mettait en marche, ils la suivaient. C’est ce qui se passa pendant les 42 étapes et départs qui les conduisirent vers Israël.

La Torah déclare : « Voici les étapes (massei) des Enfants d’Israël qui quittèrent la terre d’Égypte... » (Nombres 33, 1). On peut se poser la question de savoir pourquoi le verset déclare « Voici les étapes » à la forme plurielle : ils ne sortirent pas d’Égypte à chacune des 42 étapes. Il est sûr qu’après la première halte du voyage, une fois qu’ils furent arrivés à Ramsès, ils n’allaient plus quitter l’Égypte mais Ramsès, et ainsi de suite. Après ce premier arrêt, les 41 suivants ne se faisaient-ils pas dans la direction d’Israël plutôt que par rapport à la sortie d’Égypte ? La réponse simple que l’on peut avancer est que tant qu’une personne n’arrive pas à son but ultime, Israël (au sens spirituel tout comme au sens matériel), elle est toujours dans le processus de quitter l’Égypte.

Toutefois, le verset possède une signification encore plus profonde : il se réfère aux voyages de la vie de chaque individu. Plus encore, la vie de toute personne peut être analysée à travers le prisme de ces 42 voyages des Juifs depuis l’Égypte vers Israël. En d’autres termes, il est possible d’identifier le voyage à travers la vie de chaque individu des 42 étapes du voyage décrit dans la Torah.

Le mot « Égypte », en hébreu Mitsrayim, est également dérivé du mot qui signifie « limites » ou « contraintes ». En hébreu, métsar veut dire « détresse ». Cela vient du mot tsar, « étroit ».

Chacun et chacune est confronté dans sa vie à des situations que la Torah qualifie de limitées et d’étroites. Ce sont des circonstances où la personne sent que quelque chose l’empêche de se comporter de manière adéquate. Pour sortir de cet espace restreint, il lui faut déployer une certaine énergie. Et quand elle réussit à échapper à ce confinement, c’est comme si elle avait quitté ce lieu pour un espace grand ouvert. Quand vous vous libérez d’un problème, vous poussez un soupir de soulagement : « Je suis sorti de cette passe difficile ! »

Le verset signifie donc que la vie du Juif, qui commence à sa naissance, consiste en une succession de passes difficiles suivies de soulagement et de développement. Cela veut dire qu’à chaque moment de notre vie, à chaque étape de notre vie, nous rencontrons certains obstacles et certaines épreuves à surmonter. Ce sont les passes difficiles. Bien sûr, ces situations n’ont pas pour but de nous étouffer ou de nous pousser à l’abandon. Au contraire, en surmontant ces difficultés, nous nous renforçons et agrandissons notre conscience de D.ieu.

Cela peut être comparé à une armée. Quand vous commencez l’entraînement de base, on vous fait courir dix kilomètres, porter des fardeaux, passer par des situations difficiles. Pourquoi ? Parce que ce n’est qu’une fois que vous avez surmonté ces difficultés que vous devenez un bon soldat. Si vous ne l’aviez pas fait, il ne vous serait jamais venu à l’idée que vous étiez capable de le faire. Quand vous surmontez des difficultés, vous construisez votre force. Tout comme cela est vrai de situations physiques, cela l’est également dans le domaine spirituel.

Dans ce contexte, « l’Égypte » ne désigne pas un territoire, un pays nommé Égypte ; cela se réfère aux étapes d’étroitesse et de développement par lesquelles nous passons tous dans notre voyage vers la perfection spirituelle, représentée par la Terre d’Israël.

Telle est la vie. Ce qui peut être difficile à l’âge de cinq ans est une plaisanterie à dix ans, et ce qui est difficile à dix ans est une plaisanterie à vingt ans. La personne qui vient de se marier se débat dans sa première année de mariage pour s’habituer à sa nouvelle vie. C’est difficile. Mais quand des gens sont mariés depuis 25 ans et marient leurs propres enfants, ils affrontent des problèmes et des difficultés d’un tout autre ordre. Et puis viennent les soucis liés à l’âge plus avancé et au fait d’être grands-parents. Chaque étape de la vie a ses propres caractéristiques. D.ieu nous place constamment dans de nouvelles situations, et nous devons les affronter et grandir à travers elles. Et puis nous passons à une autre étape et à une autre encore et ainsi de suite. C’est une succession de situations d’étroitesse.

Quand cela finit-il ? À la fin de la vie. En d’autres termes, le commencement est l’Égypte, la naissance, et l’arrivée en Israël à l’issue de la quarante-deuxième étape a lieu quand la personne achève son voyage dans ce monde et parvient à la terre du Monde Futur. Jusqu’alors, la vie de l’homme est une série d’étapes, chacune étant étroite par rapport à celle qui la suit, et les épreuves changent et se compliquent à mesure que vous les traversez. Ceci à un niveau individuel.

Tout ceci se passe également chaque jour. Il y a en cela, bien sûr, différents niveaux. La nation connaît ses propres étapes, et l’individu les siennes. Chaque jour, l’être humain traverse ces étapes depuis le moment où il se lève jusqu’à ce qu’il se couche le soir.

Le fait d’être perpétuellement en voyage peut susciter deux réactions : la première rend la personne très arrogante au point qu’elle puisse dire « Regardez le chemin que j’ai parcouru. Je me rappelle à quel niveau j’étais il y a des années, et maintenant que je me suis battu et que j’ai travaillé dur, je me suis hissé à un niveau bien supérieur. » À cette personne, la Torah répond, « Ne sois pas si arrogante. Il est possible que tu aies traversé vingt-deux étapes. C’est magnifique, mais il t’en reste encore vingt. Tant que tu seras en vie, tu ne pourras pas te satisfaire du nombre d’étapes qui tu as traversées. »

Et puis, il y a la personne qui déprime. Elle dit, « Mon D.ieu, c’est terrible. Je suis encore à un niveau si bas. Comment pourrais-je jamais arriver au niveau de cette autre personne ? Regarde-la. Elle a tellement mieux réussi que moi. A quoi bon même essayer ? » Pour cette personne, il y a aussi un mot d’encouragement. Selon qui vous êtes et la façon dont vous abordez la vie, la Torah a un message pour vous. Ce qu’elle répond à cette personne, c’est : « Ne désespère pas, parce que D.ieu n’a jamais attendu que quelqu’un passe de l’Égypte à Israël d’un seul coup. Dès le début, la Torah nous prévient que notre voyage se fera en 42 courtes étapes. Personne ne devrait jamais désespérer, parce que tant que l’on s’efforce d’avancer, tant que l’on n’abandonne pas et que l’on ne s’arrête pas de courir, on reste dans la course. D.ieu est Celui qui peut lire le cœur de chacun. Il est Celui qui donne les points. Vous ne pouvez jamais vous comparer à qui que ce soit d’autre parce que vous ne savez pas d’où l’autre est parti et quels sont ses handicaps. La chose importante est de savoir qu’il faut continuer à avancer. Avancer d’une étape à l’autre et laisser D.ieu faire les évaluations. »

À celui qui dit avec désespoir : « Regardez tout le chemin qu’il me reste à parcourir », la Torah répond : « Ne renonce pas. Regarde toute la distance que tu as déjà parcourue. Encore un peu, encore un petit effort et tu atteindras la prochaine étape. N’entreprends pas tout le voyage en une seule fois. Avance pas à pas, étape par étape. Fixe-toi comme but la prochaine halte. »

Viendra un temps où nous parviendrons tous en Erets Israël. Chacun de nous vivra sa rédemption personnelle et le peuple juif dans son ensemble atteindra aussi la rédemption. Puisse cela avoir lieu rapidement, de nos jours !