« D.ieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour le travailler et le garder » (Genèse 2,15). « Le travailler » – ce sont les commandements positifs ; « et le garder » – ce sont les interdictions.
Zohar
Nous vivons dans un monde binaire : un monde dans lequel chaque objet a un pôle positif et un pôle négatif ; un monde dans lequel chaque force a un mode actif et un mode latent ; un monde dont la logique qui le définit est construite sur deux possibilités fondamentales : oui et non.
Les mitsvot (commandements divins) de la Torah sont également moulées dans ce double moule. Les mitsvot se divisent en deux catégories générales : les commandements positifs (mitsvot assé), qui énoncent les activités (faire la charité, mettre les téfiline, etc.) que D.ieu désire que nous fassions ; et les interdictions (mitsvot lo taassé), qui énoncent les activités (le vol, le mélange de la viande avec le lait) que D.ieu désire que nous ne fassions pas.
La Torah ne se conforme pas à la nature des vies qu’elle instruit. De fait, dans la mesure où la Torah est le plan de D.ieu pour la création, c’est tout le contraire qui est vrai : parce que la volonté divine comprend des éléments positifs et négatifs, l’univers qui a vu le jour pour mettre en œuvre cette volonté est également polarisé par la positivité et la négativité, par l’activité et la passivité.
Le but de D.ieu dans la création, disent nos sages, est qu’Il a désiré avoir une demeure dans les royaumes inférieurs.
Avant la création de la réalité par D.ieu, il n’y avait évidemment rien qui puisse entraver ou obscurcir Son être exclusif. Il n’y avait pas de dimensions inférieures, c’est-à-dire de réalités éloignées de Lui, ni de dimensions élevées, c’est-à-dire de réalités conscientes de Lui et qui Lui étaient soumises. D.ieu voulut créer un monde – une réalité distincte de la sienne (du moins dans sa propre perception) – qui s’élèverait au-dessus de sa propre définition pour reconnaître Sa vérité et y être réceptif. Le niveau le plus bas de cette réalité est le monde physique, le plus immanent, le plus égocentrique et le plus spirituellement obtus de tous. C’est donc le monde matériel qui est au centre de la création de D.ieu, l’arène dans laquelle Son désir d’une demeure dans les dimensions inférieures peut se réaliser.
Nous faisons du monde une demeure pour D.ieu en observant les mitsvot. Chaque fois que nous engageons une ressource ou une force physique pour accomplir une mitsva (un morceau de peau d’animal transformé en téfiline, de la farine et de l’eau cuites en matsa pour Pessa’h, l’esprit humain engagé dans l’étude de la Torah), nous la débarrassons de sa corporalité et de son opacité spirituelle et la transformons en un instrument de la volonté divine. Avant la mitsva, l’objet physique proclamait : « J’existe » ; maintenant, il proclame : « J’existe pour servir D.ieu ». Avant la mitsva, l’objet physique manifestait la bassesse du matériel ; maintenant, il abrite le divin, faisant preuve de réceptivité et de soumission envers son Créateur.
Selon le Zohar, les 248 commandements positifs de la Torah sont « les organes de D.ieu ». Chez l’être humain, un organe est un instrument de l’âme, un véhicule pour la réalisation physique de ses propriétés métaphysiques. L’âme possède le potentiel de la vue, mais elle ne peut physiquement voir que par l’intermédiaire de l’œil ; c’est dans l’œil que réside la faculté de vision de l’âme et c’est l’œil qui facilite son action sur les objets physiques. Il en va de même pour l’oreille, la bouche, le cerveau, le cœur, etc., chaque organe et membre du corps humain manifeste une faculté ou expression de l’âme humaine. C’est pourquoi le Zohar décrit métaphoriquement les mitsvot comme des organes de D.ieu : c’est par l’intermédiaire des mitsvot que les diverses expressions de la réalité divine se manifestent sur la terre physique.
Il est évident que l’âme ne se limite pas à ce que manifestent ses différents organes, individuellement ou collectivement. Le miracle de la vie est que la chair peut servir de conduit à l’esprit ; cependant, il y a une limite à la part du moi spirituel que la chair peut actualiser. La vie physique n’exprime qu’une pointe d’iceberg de la profondeur et de l’étendue de l’âme humaine. Il en va de même pour le prototype divin sur lequel l’homme est modelé : bien que D.ieu ait décrété que quelque chose de Son essence soit présent dans chaque acte conforme à Sa volonté, la réalité divine va au-delà de ce qui est incarné par les objets physiques et les actions des mitsvot.
C’est pourquoi, en plus de nous accorder les commandements positifs, D.ieu nous a également ordonné les interdictions. Tout acte humain, aussi noble ou transcendant soit-il, est fini et équivoque ; aucun acte de l’homme ne peut capturer l’absolu, la transcendance et l’infini qui sont la marque du divin. L’interdiction, cependant, met en œuvre la volonté divine non pas en faisant, mais en ne faisant pas, et en tant que telle, elle n’est pas compromise par les déficiences de l’acte mortel. Un non-acte est absolu et sans équivoque : il n’y a pas de limite à la mesure dans laquelle une personne n’a pas fait quelque chose. En décrétant qu’une quantité de non-actions devaient constituer l’accomplissement de Sa volonté, D.ieu nous a accordé la capacité de nous lier à Sa vérité sans être encombrés par les limites de l’effort humain.
Pourquoi, alors, pourrait-on demander, avoir besoin des commandements positifs ? Si l’accomplissement le plus pur et le plus parfait de la volonté divine est le non-agir des mitsvot lo taassé, pourquoi D.ieu n’a-t-il pas fait de la vie une affaire entièrement passive, un exercice d’abstinence ?
La réponse est aussi évidente que la question. Une vie consacrée à l’accomplissement passif de la volonté divine serait exempte des défauts de l’activité humaine, mais elle serait également dépourvue de sa créativité et de sa passion. D.ieu désira plus que le simple fait que Ses créatures soient parfaites. De fait, la réalité la plus parfaite est l’état de néant absolu qui précéda la création ! Ce n’est donc pas la perfection que D.ieu rechercha en créant un monde, mais la quête dynamique de la perfection dans laquelle s’est lancé un monde imparfait. Ce n’est pas un monde spirituel que D.ieu a voulu créer – aucun monde ne pourrait être plus éthéré que le néant d’avant la création –, mais une dimension corporelle et basse, qui allait se recréer elle-même en une demeure pour Lui.
En même temps, Il souhaitait offrir à ce monde la possibilité d’un contact pur et naturel avec Lui, un lien avec Sa vérité quintessentielle qui transcende les limites de l’activité mortelle. Ainsi, en plus de l’impératif de faire, de développer, de transformer et de créer, Il nous a également demandé de renoncer, de se défaire du désir et du moi dans l’accomplissement de Sa volonté.
D’où les mitsvot assé et les mitsvot lo taassé – une Torah en deux colonnes, composée de ce qu’il faut faire et ne pas faire, un mandat pour une relation active et passive avec D.ieu. D’où un monde divisé par l’affirmatif et le négatif, l’être et le néant, le dynamisme et la sérénité.
Basé sur les enseignements du Rabbi de Loubavitch
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