La Paracha Tsav donne un récit détaillé du service du Temple. La plupart des tâches associées au Temple et à son entretien étaient accomplies par les descendants de la famille des prêtres : les Cohanim. Il semblerait donc que la majorité des informations que nous présente la Paracha n’ont que peu d’intérêt pour le Juif « ordinaire », celui qui ne descend pas d’une lignée de Cohanim. Toutefois, tous les Juifs sont, en réalité, considérés comme des Cohanim, comme le déclare le verset : « Et vous serez pour Moi un royaume de prêtres et une nation sainte ». Chacun des détails du service accompli dans le Saint Temple constitue, en réalité, pour nous un enseignement sur la façon de gérer notre vie et établir avec le Divin une relation plus étroite.

L’un des services qui étaient accomplis dans le Temple nécessitait que soit nettoyé l’excès de cendres qui s’était accumulé sur l’autel. Tout d’abord, le Cohen enlevait une pelletée de cendres de l’intérieur de l’autel et la plaçait à l’est de la rampe qui menait au sommet de l’autel. Cela concluait le service de Haramat Hadéchène, le fait de « monter les cendres », qui constituait le rituel d’ouverture du service quotidien dans le Temple. Après cela, le prêtre changeait ses vêtements sacerdotaux et en revêtait d’autres, moins élégants. Puis il apportait le reste des cendres à l’extérieur du Temple, dans un lieu pur consacré.

Le but de ce changement de vêtements apparaît logique. Enlever les cendres était un travail plutôt salissant et porter des vêtements souillés n’était ni approprié ni respectable pour le Cohen. Néanmoins, une analyse rapide des devoirs accomplis par les Cohanim à l’intérieur des limites du Temple révèle que l’ensemble des services réguliers n’était pas plus immaculé. Les prêtres abattaient des animaux pour les sacrifices, récoltaient le sang, l’aspergeaient sur l’autel et enfin nettoyaient les cendres. Chacune de ces tâches pouvait bien évidemment salir les habits du prêtre en charge. Pourquoi donc devait-il se changer pour pouvoir apporter les cendres dans un lieu situé à l’extérieur du camp ?

Rachi, afin de répondre à cette question, propose une illustration : un serviteur ne porterait pas les mêmes vêtements pour cuisiner un repas pour son maître ou pour lui servir du vin. Quand un serviteur se trouve en présence de son maître, on attend de lui une présentation et une formalité différentes. De la même façon, la Torah souhaite tracer une distinction entre le service accompli à l’intérieur du Temple, à proximité directe avec la Présence Divine et le service accompli à l’extérieur de ses limites, là où la Présence Divine n’est pas manifeste.

Pour se conformer à l’explication de Rachi, il aurait semblé plus approprié qu’un autre Cohen accomplisse la tâche d’apporter les cendres à l’extérieur du campement. Après tout, au palais royal, cuisiner et verser le vin ne constitueraient-ils pas deux emplois différents accomplis par deux serviteurs différents ? Mais le fait que ce fût le même Cohen qui accomplît les deux tâches nous donne une perspective sur la réelle signification du service Divin.

Il apparaît fréquemment que certains rôles dans la vie sont imprégnés de distinction et de prestige. Nous les accomplissons dignement, vêtus d’habits recherchés. Quand nous sommes appelés à accomplir de telles activités, nous nous sentons octroyés d’un sentiment d’importance et de dignité. Et puis viennent d’autres fonctions bien moins valorisantes et dignes. Nous les accomplissons loin des feux de la rampe. Elles sont souvent ingrates ou lassantes et n’apportent pas les satisfactions personnelles d’un rôle public. Nous avons tendance à les accomplir, ou du moins à les ressentir, de mauvaise grâce voire à contrecœur. Par rapport à des missions éblouissantes, reconnues publiquement, quel sentiment d’accomplissement peut-on ressentir lorsque l’on débarrasse les ordures ?

Et pourtant, le véritable serviteur de D.ieu sait maîtriser ces deux rôles. Il peut, sans effort, passer du service du Temple, si éminent, où la présence divine se fait tangible, à la tâche plus matérielle de se débarrasser des cendres, qui implique que l’on se retire de l’arène de la sainteté pour pénétrer dans le monde ordinaire. Il peut accomplir les deux avec la même ferveur car il comprend que les deux rôles sont aussi importants l’un que l’autre dans l’accomplissement de la volonté Divine. Son élan personnel pour la gratification de son ego laisse la priorité au désir de D.ieu d’avoir une résidence sur la terre.

Il en va de même dans nos relations personnelles. La fréquentation de certaines personnes semble redorer notre propre blason et promouvoir notre statut social. Nous nous sentons stimulés par leur présence et apprécions leur compagnie. Et puis, il y a les autres, ceux avec lesquels nous ne nous sentons pas très à l’aise. Nous les percevons comme les gens ennuyeux, les rejetés, les pathétiques perdants de notre société. Il se peut qu’ils aient besoin de notre écoute ou de notre empathie mais nous n’avons que peu ou pas de patience pour accéder à leurs demandes. Après tout, nous avons des occupations beaucoup plus importantes qui prennent tout notre temps. Descendre à leur niveau et même « changer nos vêtements » en nous investissant pour eux et tenter de considérer le monde à travers leur vision, est simplement trop nous demander, à nous qui sommes dans une posture sociale à maintenir.

Et cependant, parce que nous sommes une véritable « nation de prêtres », c’est justement la compagnie de ces individus que nous devons rechercher, c’est précisément avec eux que nous devons nouer des relations de réciprocité. Plus nous sommes prêts à nous « abaisser » pour une autre personne, plus D.ieu baisse sa dimension spirituelle pour s’intéresser à nos besoins comme nous en serons témoins dans le futur très proche quand D.ieu, en personne, sortira chacun de nous de son exil personnel et nous conduira tous vers la Rédemption finale.