Vue d’ensemble

La lecture spéciale du maftir du Chabbat qui précède Pourim est appelée Zakhor (« souviens-toi »). Dans cette lecture (Deutéronome 25,17-19), il nous est ordonné de nous souvenir et de ne jamais oublier les actions d’Amalek, la nation qui attaqua le peuple juif avec la haine pour seule motivation. La Torah nous ordonne d’éradiquer Amalek lorsque les circonstances nous le permettent.

La haftarah raconte l’histoire d’une époque où Amalek fut presque éliminé, mais pas totalement.

Pour la première fois dans leur histoire, les Juifs étaient unis sous la domination de leur propre roi. C’était aussi la première fois depuis leur installation dans le pays qu’une armée juive à l’échelle nationale put être mobilisée. Le roi, qui était également le commandant en chef, fut alors informé qu’une importante mission lui était confiée. Le temps était venu qu’Amalek soit anéanti une fois pour toutes.

Cette instruction avait été transmise au roi Saül par le prophète Samuel. Saül devait diriger une armée, faire la guerre aux Amalécites, et ne laisser aucune trace d’eux. Cela incluait également leurs possessions. Saul, cependant, manqua à accomplir intégralement ces instructions. Saül et ses hommes avaient épargné un certain nombre d’animaux de bel aspect qui étaient venus à leur rencontre, ainsi qu’Agag, le roi ennemi. Ils pensèrent qu’ils pouvaient faire une exception, car ces animaux étaient de nature à être offerts en sacrifices de reconnaissance à D.ieu. Mais quelle que fût leur intention en épargnant Agag et les animaux, cela était contraire à l’instruction explicite de D.ieu.

Malheureusement, ce n’était pas la première fois que Saul s’était fourvoyé de la sorte. Précédemment, avant que Saül ne combatte les Philistins, Samuel lui avait ordonné d’attendre pour attaquer que lui-même arrive et qu’il fasse un sacrifice à D.ieu. Après une attente de sept jours, le peuple commença à déserter et à se cacher, craignant une attaque majeure des Philistins. En désespoir de cause, Saül commença à offrir lui-même le sacrifice, et c’est à ce moment que Samuel arriva.

Saül avait démontré qu’il n’était pas l’homme le plus indiqué au sein du peuple d’Israël pour être leur roi. Bien que Saül fût autrement extrêmement vertueux, la Torah avertit qu’un roi ne peut pas « s’écarter du commandement à droite ou à gauche ». À ce moment, après la guerre avec Amalek, Samuel réprimanda Saül pour sa conduite, en commençant par faire mention des animaux dont il entendait les cris. Saül, cependant, ne comprenait pas ce qui n’allait pas. Il avait obéi à tout ce que D.ieu avait dit, ces animaux et Agag étant des exceptions compréhensibles. C’est seulement après que Samuel eut expliqué à Saül l’erreur fondamentale qu’il commettait qu’il comprit : « D.ieu désire-t-Il les holocaustes et les offrandes de paix autant que l’obéissance à la voix de D.ieu ? Sache, l’obéissance vaut mieux qu’un sacrifice, et la soumission que la graisse des béliers ! »

Saül comprenait maintenant, et demanda que son péché soit pardonné. Samuel expliqua que D.ieu avait déjà écarté Saül de la royauté, car son règne était fondamentalement vicié. Il accepté toutefois d’honorer Saül devant le peuple et de ne pas le dénoncer publiquement. La haftarah conclut avec la mise à mort d’Agag, roi d’Amalek, par Samuel, en punition des actes terribles qu’il avait commis comme roi.

Annihilation totale

Le haftarah décrit l’instruction de D.ieu à Saül pour anéantir non seulement le peuple d’Amalek, mais aussi leurs animaux et leurs biens. C’est pour avoir failli à cette mission que D.ieu retira la royauté à Saül.

Une analyse des récits et des commandements bibliques révèle que la destruction totale d’un lieu ou d’un groupe humain n’est généralement pas confiée aux mains de l’homme. En général, la Torah permet à un roi ou à une cour de justice de punir un individu pour une action qu’il a perpétrée. La punition collective est habituellement interdite, car c’est une injustice envers ceux qui sont innocents.

Certes, il y a beaucoup de cas dans la Torah où un châtiment général est tombé pour le péché des dirigeants ou de la majorité d’un groupe. Citons Sodome et Gomorrhe, où des villes entières furent été détruites – hommes, femmes, enfants et tout le reste – pour les péchés de la majorité de leurs habitants. Pendant la rébellion de Kora’h contre Moïse, les familles entières et les biens de Kora’h et de ses adeptes furent engloutis par la terre. L’application de cette forme de punition, cependant, est habituellement réservée à D.ieu. Seul Lui, avec Ses raisons qui sont pour nous insondables, peut l’administrer. Pour employer les mots du Midrash concernant l’histoire de Kora’h : « Vois à quel point la dissension peut être désastreuse ! Le tribunal terrestre ne punit que celui qui [a atteint l’âge de la majorité et] porte les signes de la puberté, et tribunal céleste ne punit qu’à partir de vingt ans, alors qu’ici, même les nourrissons ont péri. »1

L’une des exceptions à cette règle eut lieu ici. D.ieu ordonna à l’homme – à Saül et son armée – de détruire complètement tout reste d’Amalek et de tout ce qui lui appartenait. Pourquoi ce cas était-il différent ? N’était-ce pas un acte qui outrepassait les prérogatives humaines ?

Une explication possible peut être trouvée dans les mots du Sefer Ha’hinoukh dans son explication de la mitsva de détruire Amalek :

« Parmi les racines de ce commandement, il y a la nécessité d’inscrire dans nos cœurs que quiconque afflige Israël est méprisé devant D.ieu, béni soit-Il ; et que sa chute et son malheur seront proportionnés à son mal et au grand préjudice qu’il a causé avec ses tromperies. Comme nous le voyons avec Amalek : en raison du fait qu’il commit un grand mal envers Israël – qu’il fut le premier à leur faire du mal – [D.ieu], béni soit-Il, nous a ordonné de “d’effacer sa mémoire de la surface de la terre” et de la déraciner complètement. »

En d’autres termes, la raison pour laquelle D.ieu ordonna aux Juifs de faire cela était pour leur propre bien. Si Amalek avait été détruit par une catastrophe naturelle ou par un autre ennemi, ce message aurait pu être perdu pour les Juifs. Du fait que D.ieu voulait que les Juifs apprennent cette leçon, Il leur commanda de faire quelque chose qui relève habituellement seulement de Sa juridiction.

La bonté des Kénéens

« Saül dit au Kénéens : “Partez et séparez-vous des Amalécites, car je pourrais vous anéantir avec eux ; et cependant vous avez agi avec bonté à l’égard des enfants d’Israël, à l’époque où ils quittèrent l’Égypte.” Alors les Kénéens se séparèrent d’Amalek. »

Qui étaient ces Kénéens, et quand avaient-ils agi avec bienveillance envers Israël ?

Jethro, le beau-père de Moïse, est appelé dans la Torah par sept noms différents. L’un d’eux est « Kéni ». Le message de Saül fut envoyé aux descendants de Jethro. Sa référence à la « bonté » témoignée envers Israël après l’Exode peut être comprise de différentes manières :

1. Après leur rencontre avec Moïse au puits, les filles de Jethro rentrèrent chez elles et dirent à leur père : « Un Égyptien nous a sauvés des mains des bergers, et il a même tiré de l’eau pour nous et donné à boire aux brebis. » Les filles de Jethro avaient été maltraitées par les bergers locaux et Moïse s’était porté à leur secours. « Alors où est-il ?, demanda Jethro. Invitez-le et qu’il mange du pain. » C’est cet acte d’hospitalité envers le futur chef d’Israël qui constitua la « bonté » à laquelle Saül fit allusion.2

2. Quand Jethro vint rejoindre son gendre et le peuple juif, le verset raconte qu’il fit une offrande à D.ieu qui fut suivie d’une fête à laquelle Moïse, Aaron et les anciens d’Israël furent invités. Cet acte de bienveillance envers les dirigeants du peuple fut considéré comme s’il l’avait fait pour tout le peuple, et devint quelque chose que les Juifs tinrent en grande estime au cours des générations ultérieures.3

3. Certains commentaires considèrent cela comme une référence à la préoccupation que Jethro manifesta pour les affaires de Moïse et du peuple. La Torah raconte comment Moïse se montra jugeant le peuple du matin au soir, fatiguant ainsi à la fois lui-même et le peuple. Ce fut sur le conseil de Jethro qu’une hiérarchie de juges fut nommée, permettant le bon fonctionnement du système judiciaire. Les Juifs furent très reconnaissants pour cette sollicitude.4