Cette paracha est souvent lue près du 20 Av, le yahrtseit (l’anniversaire du décès) du père du Rabbi qui fut un éminent sage et kabbaliste et également un rabbin de communauté actif en Russie pendant les années les plus sombres de l’oppression stalinienne.

Il arriva que dans le cadre d’un recensement, le gouvernement russe envoya à ses citoyens un questionnaire dont l’une des questions était : « Croyez-vous en D.ieu ? »

Beaucoup de Juifs étaient enclins à répondre négativement à cette question parce qu’ils craignaient d’éveiller les soupçons du gouvernement et/ou de perdre leur emploi. Quand le père du Rabbi apprit cela, il donna un sermon passionné, expliquant que nier sa croyance en D.ieu équivalait à l’hérésie. Quels que fussent les risques, chaque Juif avait le devoir de répondre affirmativement.

Dans l’assistance se trouvait un employé du gouvernement dont la femme avait déjà rempli le formulaire de recensement pour lui, déclarant qu’il ne croyait pas en D.ieu. Les mots du père du Rabbi le motivèrent si puissamment qu’il s’en fut au bureau de recensement demander aux autorités de corriger le formulaire. Il voulait être enregistré en tant que croyant.

Plus tard, lorsque le père du Rabbi fut arrêté, ses interrogateurs lui demandèrent comment il avait osé faire de telles déclarations. Il répondit que ses paroles étaient totalement à l’appui du gouvernement. « Les Juifs croient fondamentalement en D.ieu, dit-il à ses interlocuteurs. Je ne faisais que les exhorter à dire la vérité et à ne pas mentir au gouvernement. »

Parachat Eikev

Cette lecture de la Torah contient les versets : « Qu’est-ce que l’Éternel ton D.ieu, te demande ? Seulement de craindre D.ieu... de marcher dans Ses voies et de L’aimer. » Nos Sages interprètent cette citation de manière non littérale, notant que le mot hébreu מה traduit par « que » ressemble au mot מאה qui signifie 100. Dans cette optique, le verset signifie que D.ieu désire 100 du peuple juif. 100 quoi ? 100 bénédictions. C’est la source du devoir pour chaque Juif de réciter 100 bénédictions chaque jour.

En apparence, le sens simple des versets et l’interprétation qu’en donnent nos Sages sont à des années-lumière l’un de l’autre. Le verset nous dit d’avoir une relation affective avec D.ieu, de l’aimer et de le craindre, et de chercher à imiter Ses voies, tandis que nos Sages évoquent une obligation rituelle de réciter des bénédictions et de s’assurer que nous en récitons 100 chaque jour.

Mais si l’on se penche sur la question plus profondément, on peut se rendre compte qu’avec leur interprétation, nos Sages ne sont pas en train d’annuler le sens simple de ces versets, mais de nous fournir un moyen d’intérioriser et d’appliquer leur message dans notre vie quotidienne.

Craindre et aimer D.ieu et suivre Ses voies sont de nobles vertus. Comment une personne peut-elle faire de ces vertus des facteurs réels de sa vie et non pas seulement des idéaux vers lesquels elle s’efforcerait de tendre ? En récitant 100 bénédictions par jour.

Explication : Nos ​​Sages ont déclaré : « Il est interdit de tirer profit de ce monde sans réciter une bénédiction au préalable. » Et Maïmonide écrit : « Nos Sages ont institué de nombreuses bénédictions comme expressions de louange et de gratitude à D.ieu, et comme manière de demander, de sorte que nous nous souviendrons toujours du Créateur... et Le craindrons. »

Lorsqu’une personne récite une bénédiction avant de manger, elle exprime – ou du moins elle a l’occasion d’exprimer – une reconnaissance fondamentale de la présence de D.ieu dans sa vie. D’ordinaire, une personne mange sans réfléchir sur comment et pourquoi la nourriture s’est retrouvée devant elle. C’est un acte très simple, presque bestial. Nous mangeons parce que nous avons faim, sans penser à autre chose.

Nos Sages nous disent d’agir différemment, de prendre un moment avant de manger pour réfléchir et contempler la dynamique spirituelle profonde qui s’exerce lorsque nous mangeons. La Torah dit (également dans la Paracha de cette semaine) : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche de D.ieu. » Ce verset explique que la nourriture qu’une personne consomme existe parce que D.ieu y a investi Son énergie par le biais de Sa parole. Tout comme au début de la création D.ieu a parlé et créé le monde, de même, à tout moment, Il porte le monde à l’existence par Sa parole.

Quand une personne mange, elle ne retire pas seulement sa vitalité de la matière physique de la nourriture, mais aussi de l’étincelle divine que la parole de D.ieu y a investie. En récitant une bénédiction sur sa nourriture, en louant D.ieu chéhakol nihiyah bidvaro, « par la parole de Qui tout est créé », il prend conscience de ce processus.

De même, quand une personne se soulage, elle récite une bénédiction par laquelle elle reconnait la sagesse infinie qui fut investie dans la création du corps humain. Quand elle voit un éclair ou entend le tonnerre, elle récite une bénédiction dans laquelle elle déclare que ce phénomène qui apparaît comme un fait naturel est en réalité une expression du divin. Et dans ses prières, lorsqu’elle demande à D.ieu sa subsistance, elle reconnait que sa réussite n’est pas le résultat de ses seuls efforts, mais dépend de la bénédiction de D.ieu.

De la même manière, toutes les bénédictions que nous récitons visent à intégrer la conscience de D.ieu à notre conscience opérationnelle et ainsi de susciter notre amour et notre crainte envers Lui.

Regarder à l’horizon

C’est à l’ère du Machia’h qu’il sera possible de vivre avec la conscience de D.ieu de la façon la plus absolue, lorsque « la terre sera remplie de la connaissance de D.ieu comme les eaux recouvrent le fond de l’océan ». Bien que notre environnement matériel continuera d’exister, il sera imprégné de la connaissance de D.ieu. Où que nous allions, quoi que nous fassions, nous serons conscients de Sa présence.

Le catalyseur permettant d’accélérer la venue de cette époque est de nous conduire de la même manière dès aujourd’hui. Bien que nous ne puissions pas réellement voir ou sentir la révélation de D.ieu en toutes choses, nous pouvons apprécier Sa présence sur le plan intellectuel. Et il ne s’agit pas seulement d’une connaissance abstraite, mais du genre de connaissance qui affecte le cœur et l’esprit. Ceci est réalisé par la récitation de bénédictions dans toutes nos différentes activités.

Lorsque nous nous conduisons de cette manière, nous faisons une impression sur les autres. Car l’une des choses les plus rares et donc les plus attractives aujourd’hui, ce sont les gens qui ont des sentiments spirituels sincères et intériorisés. Ce processus continuera donc naturellement à se propager, contribuant à créer un cadre permettant à la présence de D.ieu d’être ouvertement révélée.