Des Juifs meurent, par milliers. Beaucoup se sont laissé séduire par les filles de Midian qui les ont entraînés d’abord à la débauche, puis à l’idolâtrie la plus abjecte. La colère de D.ieu éclate et un fléau surnaturel commence à décimer le peuple. Un homme va sauver la situation. Ce n’est pas Moïse, ni Aaron, mais Pin’has, petit fils d’Aaron, dont il n’a pas encore été question dans le récit biblique.

Pin’has tue Zimri, prince de la tribu de Siméon, qui, aux yeux de tous, avait pris pour épouse une princesse midianite et s’était isolé dans sa tente avec elle. Au péril de sa vie, Pin’has traverse le camp des Siméonites armé d’une lance, pénètre dans la tente du prince et les tue, lui et sa courtisane, mettant ainsi un terme à la profanation du nom divin. Immédiatement le fléau s’interrompt. Le peuple d’Israël est sauvé de l’anéantissement, une fois de plus, et c’est à Pin’has qu’il doit cette fois-ci son salut.

Que retient l’histoire juive de Pin’has ? Est-il l’archétype du vengeur sanguinaire ou du héros de la paix ? Est-il celui qui a tué, sans procès, un coupable ou bien celui qui a sauvé des millions de Juifs ? Pin’has, donneur de mort ou sauveur de vies ?

Immédiatement, des railleurs se mettent à l’œuvre : voilà bien le digne descendant – par sa mère – d’une lignée de gens cruels et violents ! À la première occasion, il a laissé libre cours à sa sauvagerie en faisant justice lui-même !

C’est pourquoi la Torah coupe court à ces calomnies en présentant Pin’has comme le « fils d’Éléazar, fils d’Aaron le Cohen ». L’acte de Pin’has fut un acte salvateur, un acte de paix qui mit fin à la profanation du nom de D.ieu et ainsi au fléau qui décimait le peuple. Un acte digne d’un descendant d’Aaron qui, comme son aïeul, « aimait la paix et poursuivait la paix ».

Mais ce n’est pas la seule leçon que cette généalogie nous enseigne. Car celle-ci n’est pas seulement mentionnée après l’acte de Pin’has, mais dès le début du récit de l’incident, à la fin de la paracha précédente : « Et Pin’has, fils d’Éléazar, fils d’Aaron le Cohen vit... » Si la seconde mention de son ascendance nous édifie sur la valeur de son geste et sa résultante, la première mention nous éclaire sur la motivation de Pin’has.

D’emblée son analyse de la situation n’était pas celle d’un vengeur excédé devant un affront au Créateur. Aaron, son illustre grand-père, était un être pétri d’amour du prochain, qui avait été jusqu’à endosser la responsabilité du Veau d’or dans l’espoir que le peuple soit épargné. Pin’has en était le digne petit-fils : devant la souffrance de ses frères qui mouraient à ses côtés, il se tortura l’esprit pour trouver une solution et parvint à retrouver dans les profondeurs de sa mémoire la loi que Moïse avait naguère enseignée et que D.ieu avait fait oublier à tous, y compris Moïse lui-même. Pour sauver ses frères, il fit ce qu’il fallait faire, mettant sa propre vie en danger.

Aujourd’hui, alors que le peuple juif et le monde en général sont victimes d’une confusion des valeurs sans précédent qui résultent en un danger tant matériel que spirituel, nous avons l’enseignement du « Moïse de notre génération » qui nous engage à agir pour que tous les Juifs, enfants et adultes, bénéficient pleinement de leur héritage.

Il est temps d’agir.

Adapté d’un discours du Rabbi de Loubavitch prononcé en 1988.
(Torat Mena’hem Hitvaadouyiot 5748 vol. 4, p. 71-75)