‘Haïm revient d’un long voyage à Minsk. « Minsk est une ville folle ! » dit-il à ses amis.

« Pourquoi donc ? » demandent-ils.

« Eh bien, à Minsk, j’ai trouvé un socialiste, un communiste, un sioniste, un bundiste, un gauchiste, un réac, un religieux dévot, un humaniste laïc, un esprit fermé et un libre penseur ! »

Ses amis ne comprennent pas : « Mais tu nous décris une communauté normale, avec des gens différents qui ont des idées différentes ? »

« Ah, dit ‘Haïm, vous ne comprenez pas : tout cela était la même personne ! »

* * *

Nous sommes une nation qui se dispute. Beaucoup.

Depuis l’histoire ancienne, quand Abraham et Moïse ont disputé avec le Divin, au présent où les murs des synagogues et des lieux sociaux juifs résonnent des joutes verbales sur le plus large éventail de sujets, depuis la question de savoir à-quel-point-fait-il-vraiment-froid-dehors jusqu’à la solution à la faim dans le monde.

Voilà la vie telle que nous la connaissons : je dis oui et tu dis non.

Mais alors, nous entendons les cris réclamant la paix : « Pourquoi faut-il toujours se disputer ? », « Tous les problèmes découlent de la discorde ! », « Si nous étions tous d’accord d’être d’accord, la vie serait si simple et harmonieuse ».  Tu parles.

D’où provient cette notion que nous devrions tous penser de la même façon ? Où dans la Torah ou dans le bon sens trouve-t-on la moindre allusion à cela ?

Oui, il y a des principes fondamentaux qui ne sont pas discutables. Il est interdit de tuer. Nous devons croire en un seul D.ieu. L’adultère est interdit, le Hamas est une organisation terroriste et le négationnisme est l’œuvre de Satan et ne saurait être un thème de débat universitaire. Là-dessus, nous sommes tous d’accord (il vaut mieux !).

Mais pratiquement tout le reste, depuis « le rôle du gouvernement » jusqu’à « la différence entre un manager et un dirigeant », la multitude de questions qui permettent à nos experts, nos journalistes et nos animateurs de talk-shows de garder la bouche ouverte et les poches remplies, ces débats font partie d’une société saine.

Cette semaine, nous lisons l’histoire du don de la Torah au mont Sinaï. Au verset 19,2, nous lisons qu’après son arrivée au Sinaï : « Israël campa là, face à la montagne. »

Rachi explique : « Pour tous les autres campements, le verset dit vaya’hanou [“et ils campèrent” au pluriel], ici il dit vayi’hane [“et il a campé” au singulier]. Car tous les autres campements furent marqués par les disputes et les querelles, alors qu’ici, ils ont campé comme un seul homme, d’un seul cœur. »

Remarquez que Rachi utilise l’expression « un seul cœur ». Aucune mention d‘« un seul cerveau ». Il n’existe aucune preuve que, au nom de la paix, les Juifs abandonnent leurs opinions !

Fermer les bouches par crainte que « cela provoque un conflit » n’est pas et n’a jamais été un concept juif.

Notre histoire est pleine de rabbins et d’enseignants qui débattent, argumentent et défendent leurs idées. Le Talmud n’est qu’un microcosme de centaines d’années de débat sur une multitude de sujets. C’est une partie de notre psyché. Les Juifs débattent, et c’est une bonne chose.

Certes le débat doit rester dans le domaine de la discussion objective, où l’enjeu est le message, et non pas le messager. Bien que nous puissions contester les idées et être en désaccord avec l’opinion d’autrui, nous devons toujours avoir du respect pour notre adversaire, en tant qu’être humain et en tant que Juif. Mais dans le cadre d’un juste débat, nous sommes des membres à vie de ce club.