« Et voici les noms des enfants d’Israël venus en Égypte » — Exode 1, 1

Commentant ce verset, le Midrache Rabba1 explique que la mention des noms des tribus d’Israël au moment de leur descente en Égypte est due au fait que ces noms sont liés avec la délivrance du peuple juif.

Ce Midrache est a priori surprenant. En effet, la délivrance d’Égypte n’est pas mentionnée dans cette paracha, ni même dans la suivante, mais seulement dans la paracha Bo. Pourquoi la Torah mentionne-t-elle donc les noms des tribus en liaison avec la délivrance ici, dans la paracha de Chémot qui a pour thème la descenteen Égypte et le début de l’exil ?2

En outre, ce Midrache précise que la mention du nom de Yossef fait référence à la délivrance messianique, au sujet de laquelle il est écrit : « D.ieu étendra de nouveau (yossif) Sa main ».3 Il nous faut dès lors comprendre le lien qui relie la descente en Égypte relatée dans notre paracha et la délivrance messianique, ainsi que l’enseignement qu’il convient d’en tirer pour notre service de D.ieu aujourd’hui.

En réalité, la descente en Égypte constitua elle-même l’une des étapes du processus de la délivrance. Ce fut une descente seulement en apparence, alors qu’intrinsèquement, cela constitua le point de départ de la délivrance d’Égypte ainsi que de la délivrance messianique finale. C’est la raison pour laquelle le Midrache affirme que ces noms sont mentionnés ici « au nom de la délivrance ». Tel est en outre notre rôle en tant que Juifs aujourd’hui : faire apparaître, au sein même de l’exil, la délivrance messianique.

Quand est-il fait mention de la sortie d’Égypte ?

La Michna citée dans la Haggada de Pessa’h relate que le jour où Rabbi Éleazar ben Azaryah fut nommé Nassi (chef du Sanhédrine), il déclara :

Je suis comme âgé de soixante-dix ans, mais je n’ai pas eu le mérite de démontrer que la sortie d’Égypte doit être mentionnée la nuit, jusqu’à ce que Ben Zoma déduise (aujourd’hui) du verset « Afin que tu te rappelles le jour de ta sortie du pays d’Égypte tous les jours de ta vie »4 que si « les jours de ta vie » fait référence aux jours, le terme « tous » vient « amener » (inclure) les nuits. Les Sages, eux, enseignent que l’expression « les jours de ta vie » fait référence à ce monde-ci et que le terme « tous » vient « amener » (inclure) les temps messianiques.

(Michna Berakhot 1:12)

Dans une lecture plus profonde, cette Michna vient préciser à quel moment il est nécessaire de « sortir d’Égypte » d’un point de vue spirituel, c’est-à-dire dépasser les limitations imposées par la condition corporelle afin de mieux s’attacher à D.ieu :

Si en période de « jour », c’est-à-dire lorsque règne une grande clarté spirituelle, il est évident qu’il faut en profiter pour « sortir d’Égypte » et s’élever dans sa relation avec D.ieu, Ben Zoma vient ajouter que cette démarche doit aussi avoir lieu en temps de « nuit », lorsque règne l’obscurité de l’exil.

L’enseignement des Sages va encore plus loin : même aux temps messianiques, lorsque la délivrance sera totale et absolue, la sortie d’Égypte sera encore mentionnée, bien qu’elle ne fut qu’une délivrance partielle, car elle constitue l’origine et le point de départ du concept même de délivrance, y compris de la délivrance messianique. En outre, la sortie d’Égypte présente l’atout d’avoir été le théâtre de la soumission du mal (alors que la délivrance messianique verra sa disparition totale).

Ainsi, si lors des temps messianiques la délivrance finale et la révélation de l’Infini divin constitueront l’essentiel, on continuera néanmoins d’évoquer la sortie d’Égypte pour souligner que la délivrance messianique était recelée même par des situations marquées par les limitations, telles que l’exil, et qu’elle est donc indissociable de ces périodes de l’Histoire.

La sortie d’Égypte fut une délivrance incomplète alors que la délivrance messianique sera absolue. L’enseignement des Sages révèle que la mention de la sortie d’Égypte aujourd’hui contient en soi les temps messianiques : même aujourd’hui, en temps d’exil, nous devons évoquer et ainsi « amener » les temps messianiques.

Nous pouvons dès lors comprendre les paroles du Midrache selon lesquelles les noms des tribus d’Israël sont mentionnés à leur descente en Égypte « en référence à la délivrance d’Israël » car il faut être conscient au moment où l’on entame l’exil que, non seulement celui-ci mène à la délivrance, mais qu’il est une partie de la délivrance elle-même !

Révéler la réalité

La leçon qu’il convient de tirer de ce qui précède est claire :

On a rappelé de nombreuses fois les paroles de mon beau-père, le Rabbi (précédent, Ndlr), Nassi de notre génération, selon lesquelles, au-delà du fait que « toutes les échéances ont été dépassées », les Enfants d’Israël ont fait Téchouva et ont tout achevé, y compris « le polissage des boutons » et il faut seulement que D.ieu ouvre les yeux des Juifs afin que ceux-ci voient que la délivrance est déjà présente.

Si au moment où nos ancêtres entrèrent en Égypte, ils avaient la conscience qu’il s’agissait d’une étape du processus de la « délivrance d’Israël » et si le rôle de chaque Juif au fil des âges fut de faire pénétrer la délivrance à l’intérieur des situations d’exil, à plus forte raison après l’abondance de toutes nos actions au cours de l’exil et de tous les Tsadikim du peuple juif de toutes les générations jusqu’à, dans ces dernières générations, le travail de nos Rabbis et Nessiim de la lignée de David de la tribu de Yéhouda, ce qui inclut l’action de mon beau-père, le Rabbi au cours des soixante-dix ans de sa vie ici-bas (5640-5710 – 1880-1950), à plus forte raison à l’heure actuelle, après que nous avons tout achevé, y a-t-il la promesse absolue de la Torah qu’il y aura assurément « Tous les jours de ta vie... pour amener les temps messianiques ».

Concrètement

Concrètement parlant, la tâche qui incombe aux Juifs aujourd’hui est « d’amener les temps messianiques », de révéler enfin immédiatement et concrètement que la situation de « descente en Égypte » dans l’exil est en fait une situation de « délivrance d’Israël », par le fait que l’on se prépare soi-même et que l’on prépare les autres aux temps messianiques.

Ce qui inclut aussi, en relation avec la Hiloula du Rambam le 20 Tévet, que l’on renforce son étude du Michné Torah du Rambam, notamment en rejoignant le cercle de ceux qui étudient trois chapitres par jour, ou un chapitre, ou le Sefer Hamitsvot, et en particulier, dans le Michné Torah lui-même, l’étude des deux derniers chapitres consacrés aux lois relatives au Machia’h.

Puisse D.ieu faire que la simple prise de décision en ce sens nous vaille déjà la rétribution : l’accomplissement des paroles du Rambam à la fin de son livre, la révélation d’« un roi de la lignée de David, qui étudie la Torah et pratique les Mitsvot comme le faisait son aïeul David... qui poussera tout le peuple juif à aller dans la voie de la Torah et à la renforcer, qui livrera les guerres de D.ieu » qui est alors « présumé être le Machia’h », puis « Machia’h avec certitude » par le fait qu’« il aura réussi et aura construit le Temple en son endroit et rassemblé les exilés d’Israël... Il ordonnera le monde entier pour servir D.ieu de concert, etc. »

Jusqu’à ce que, comme conclut le Rambam, « La connaissance de D.ieu remplira le monde comme les eaux recouvrent les fonds marins » (Isaïe 11, 9).

Adapté du discours du Rabbi du
Chabbat Chémot, le 21 Tévet 5752