L’histoire des bénédictions volées est souvent comprise comme une lutte entre les deux frères pour l’héritage d’Abraham et d’Isaac, dans laquelle Isaac choisit à tort Ésaü comme héritier légitime et où Rebecca, connaissant la vraie nature de son fils aîné, élabore un plan pour que Jacob se trouve au chevet d’Isaac au moment décisif.
Pourtant, une lecture plus attentive du récit de la Torah indique qu’Isaac était parfaitement conscient de la différence entre ses deux enfants. Jacob s’est presque trahi quand, lorsque son père l’interrogea sur la façon dont il avait réussi à trouver du gibier aussi rapidement, il répondit : « L’Éternel ton D.ieu a amené la chose à moi. » Isaac savait qu’Ésaü ne parlait pas de cette façon et il soupçonna immédiatement que le fils qui se tenait devant lui était Jacob plutôt qu’Ésaü.
De fait, lorsque nous parvenons à la fin du récit, il apparaît assez clairement qu’Isaac n’a jamais eu l’intention de léguer l’héritage spirituel d’Abraham – la promesse divine de faire de sa postérité une grande nation et de leur donner la Terre Sainte en héritage éternel – à Ésaü.
Quand Ésaü découvre que Jacob a reçu les bénédictions, il supplie Isaac : « Bénis-moi aussi, mon père ! » « Mais j’en ai fait ton maître, explique Isaac. Je lui ai donné [les bénédictions] du blé et du vin. Que puis-je à présent faire pour toi, mon fils ? » « N’as-tu donc qu’une seule bénédiction, mon père ? sanglote Ésaü. Bénis-moi, moi aussi, mon père ! » Finalement, Isaac bénit Ésaü que « De la graisse de la terre sera ta demeure, et de la rosée du ciel au-dessus » (la graisse de la terre et la rosée du ciel ayant eux-mêmes déjà été concédées à Jacob), et lui promet que si les descendants de Jacob fautent et deviennent indignes de leurs bénédictions, ils perdront leur domination sur les descendants d’Ésaü dans les affaires matérielles. C’est le mieux qu’il pouvait faire pour son fils aîné bien-aimé.
Mais dans le chapitre suivant, nous lisons comment Isaac appelle Jacob auprès de lui... et le bénit. « Puisse D.ieu Tout-Puissant te bénir, dit Isaac, te rendre fécond et te multiplier, et tu deviendras une nation nombreuse. Et puisse-t-Il t’accorder la bénédiction d’Abraham, à toi et à ta postérité, afin que tu possèdes le pays de votre résidence, que D.ieu a donné à Abraham. » – des bénédictions qui n’avaient pas été incluses dans celles données à l’un ou l’autre de ses fils.
Ainsi, Isaac n’a jamais eu l’intention de faire d’Ésaü le père du peuple d’Israël. Il n’a jamais songé à lui léguer la Terre Sainte et ne l’a jamais considéré comme l’héritier de « la bénédiction d’Abraham ». Il y avait à la base deux bénédictions distinctes en Isaac (Ésaü semble avoir pressenti cela quand il s’écria : « N’as-tu donc qu’une seule bénédiction, mon père ? »), destinées à ses deux fils : Jacob devait recevoir l’héritage spirituel d’Abraham, tandis qu’Ésaü devait recevoir les bénédictions du monde matériel.
Isaac souhaitait que s’établisse un partenariat entre ses deux fils : Jacob l’érudit, détaché des choses de ce monde, se consacrerait à la quête spirituelle, tandis qu’Ésaü mettrait sa ruse et sa maîtrise des choses matérielles au service du développement constructif du monde, en soutien des saintes activités de Jacob et en harmonie avec elles.
Rebecca n’était pas d’accord : les deux mondes devaient être donnés à Jacob. Il ne peut pas y avoir « deux domaines », car le monde matériel ne doit pas être confié aux matérialistes. Seul celui qui est ancré dans la sagesse divine peut savoir comment faire bon usage du monde de D.ieu. Seul celui qui possède une vision spirituelle et un système de valeurs sera en mesure de maîtriser la réalité physique plutôt que d’être maîtrisé par elle.
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