En 2005, Amazon.com a indiqué que leur best-seller n° 1 de tous les temps était un livre intitulé « Who Moved My Cheese? An Amazing Way to Deal with Change in Your Work and in Your Life », titre que l’on peut traduire par « Qui a déplacé mon fromage ? Une manière étonnante d’affronter les changements dans votre travail et votre vie ».
Le livre est une parabole assez simple, présentée à travers l’histoire amusante de quatre personnages qui vivent dans un labyrinthe et recherchent des fromages pour se nourrir et être heureux.
Le fromage est une métaphore pour ce que vous voulez avoir dans la vie, que ce soit un bon travail, une relation amoureuse, de l’argent, une possession, la santé ou la tranquillité d’esprit.
Et le labyrinthe est l’endroit où vous cherchez l’objet de votre désir : l’organisation où vous travaillez, ou la famille ou la communauté dans laquelle vous vivez.
Dans l’histoire, les personnages sont confrontés à, et doivent finalement apprendre à composer avec, des changements inattendus, sous la forme du déplacement du fromage.
Bien que le livre soit agréable à lire, et qu’il contienne quelques profonds messages sur la vie, je pense qu’il laisse la question de son titre sans réponse. Un titre plus approprié aurait pu être : « Que faire face à un fromage mobile ? »
Il se trouve, cependant, que je connais un livre, un peu plus ancien mais également un best-seller, en fait le plus grand best-seller de tous les temps, qui répond à la question « Qui a déplacé mon fromage ? »
La brouette
Il y a deux mots qui sont souvent associés et qui sont généralement perçus comme synonymes alors qu’ils ne le sont pas.
Ces deux mots sont « foi » et « confiance ». En hébreu, émouna et bita’hone.
Une manière d’expliquer la différence entre ces deux concepts est que le premier est la croyance que D.ieu existe, alors que le second en est la connaissance ou, plus précisément, la conséquence de cette connaissance dans l’esprit, le cœur et l’action.1
On raconte une histoire à propos du célèbre maître ‘hassidique, Rabbi Lévi Its’hak de Berditchev, qui, à la surprise de son beau-père, devint un ‘hassid peu après son mariage.
Incapable de comprendre ce qui avait poussé son gendre à rejoindre le ‘Hassidisme, il lui demanda sans ambages : « Qu’as-tu maintenant en tant que ‘hassid que tu n’avais pas auparavant ? »
« La foi en D.ieu » fut la réponse laconique, mais sérieuse.
Incrédule, le vieil homme s’exclama : « Mais enfin, tout le monde croit en D.ieu ! »
Et pour prouver la véracité de ses propos, il demanda à la servante : « Crois-tu en D.ieu ? »
« Bien sûr ! » répondit-elle.
Rabbi Lévi Its’hak répliqua alors : « Elle dit que D.ieu existe ; moi je sais qu’Il existe. »
Pour Rabbi Lévi Its’hak, D.ieu représentait plus qu’une idée théorique. Il était concret et réel.
En fait, s’il fallait douter de quelque chose, ce devait être de sa propre existence, pas de celle de D.ieu. La connaissance qu’évoquait Rabbi Lévi Its’hak n’était pas d’ordre théorique et abstrait, mais pratique et s’exprimait dans une conviction et un engagement tangibles.
Il ne s’agissait pas de ce qu’il approuvait, mais pour qui il s’engageait.
Considérez le voleur évoqué dans le Talmud qui s’agenouille devant D.ieu, priant pour sa réussite, avant d’aller cambrioler. Un tel comportement n’est-il pas contradictoire ? S’il croit en D.ieu, comme le suggère sa prière, comment peut-il commettre un acte interdit par D.ieu, et, pire encore, prier pour réussir ?
Parce qu’il a la foi (émouna), mais qu’il manque de confiance (bita’hone).
Bien que dans l’esprit de notre pieux voleur, D.ieu existe quelque part, de quelque façon, sa vie personnelle doit néanmoins avancer. Il doit mettre du pain sur sa table.
Pour celui qui a confiance en D.ieu, cependant, D.ieu est intimement impliqué dans notre vie. Loin d’être absente, Sa Présence est manifeste et Son intérêt pour nous est engagé. C’est pourquoi c’est sur Sa bénédiction, et non sur nos efforts, que nous comptons pour réussir.
Si croire en D.ieu semble un exercice facile, c’est que cela a été outrancièrement simplifié.
Certains prétendent que placer sa confiance en un Être Suprême et en Sa Providence revient à chercher la facilité dans la vie, comme utiliser des béquilles au lieu de marcher par soi-même. Mais la véritable confiance exige un engagement et des efforts immenses. Car remettre véritablement son sort entre les mains de D.ieu, pas seulement en parole ou en acte, mais aussi dans l’esprit et le cœur, est aussi contre-intuitif que le saut à l’élastique.
Votre vie ne tient qu’à un fil. Et vous ne voyez pas physiquement la ligne de vie qui vous retient par derrière (ou par dessus), pendant que le monde défile à vos côtés à la vitesse de l’éclair.
Cela ne peut pas être facile.
Ceci peut être plus amplement illustré par une parabole :
Bien avant que ne se développe l’industrie du spectacle, le funambulisme était une forme commune de divertissement.
Un jour, un célèbre maître de cette pratique se rendit dans une contrée particulière. La rumeur de sa venue se propagea rapidement et un très grand public se rendit à la représentation. C’est dans le plus grand silence que l’artiste grimpa sur l’arbre à partir duquel il allait commencer son dangereux spectacle.
Mais juste avant de s’y engager, il s’adressa à la foule : « Qui parmi vous croit que je peux faire la traversée sans problème ? »
La foule manifesta bruyamment sa certitude. Il posa une nouvelle fois la question et recueillit la même réponse.
Alors, il sortit des branches une brouette et demanda plus doucement : « Lequel d’entre vous est volontaire pour être assis dans la brouette pendant que je traverse ? »
On aurait pu entendre une mouche voler.
La foi est la réponse bruyante de la foule. La confiance, c’est monter dans la brouette.
Chabbat et la Chemita
Il y a deux mitsvot qui sont souvent associées et qui sont généralement perçues comme identiques alors qu’elles ne le sont pas.
C’est le Chabbat et la Chemita. Le septième jour de la semaine est Chabbat, et l’année sabbatique agricole qui a lieu tous les sept ans est la Chemita.
À propos de Chabbat, il est écrit2 : « Six jours durant le travail sera fait, mais le septième jour sera saint pour vous, un jour de repos complet pour D.ieu. »
À propos de la Chemita, il est écrit3 : « Six années durant tu ensemenceras ton champ, et six années durant tu travailleras ta vigne et tu en recueilleras le produit, mais la septième année, la terre aura un repos absolu, un Chabbat pour D.ieu. »
S’agit-il de variations sur le même thème ? Pas exactement.
Le Chabbat, nous honorons D.ieu, en tant que Créateur du monde ; durant la Chemita, nous célébrons D.ieu en tant que Maître du monde.
Nous nous reposons le septième jour de la semaine pour attester du fait que D.ieu à amener (et continue d’amener) notre monde à l’existence. Et nous nous reposons la septième année pour reconnaître le fait qu’Il en dirige tous les aspects.
C’est pourquoi, nous nous abstenons le Chabbat de toute activité créatrice, comme le fit D.ieu à la fin de la toute première semaine de la Création.4 Cela exprime notre foi qu’il n’existe qu’un seul et véritable Créateur.
Durant la Chemita, créer est toutefois permis.5 C’est travailler la terre qui ne l’est pas. Car l’année sabbatique vient nous enseigner qu’il n’existe qu’un seul Propriétaire et Administrateur6 à notre monde.7
Dans les mots de Rachi8 : « D.ieu dit : “Je n’ai pas exclu ceux-là [les produits qui poussent seuls] de votre utilisation ou de votre alimentation, mais plutôt que vous ne devez pas agir en tant que leurs propriétaires... »
Chabbat évoque le récit de la Création alors que la Chemita est une affirmation de la Providence Divine. Cela veut dire que, en théorie, un déiste pourrait observer le Chabbat et pas la Chemita.
Pour revenir à notre fromage, Chabbat nous aide à nous concentrer sur qui le crée ; la Chemita nous aide à identifier qui le fait bouger.
Que puis-je en retirer ?
Il est intéressant d’observer que le mot hébraïque pour « sécurité » est bita’hone, confiance. Croire en D.ieu peut apporter un sentiment de ferveur religieuse. Avoir confiance en Lui, apporte un sentiment de sécurité.
Il est également révélateur que, sur le dollar américain qui est un symbole de subsistance, de sécurité et de prospérité pour tant de gens, sont inscrits les mots « In G.od we trust », « En D.ieu nous plaçons notre confiance ».
Nous ferions bien de porter ce message dans nos cœurs, pas seulement dans nos poches.
Basé sur une lettre du Rabbi du 6 Tichri 5733 (1973) ainsi que sur Likoutei Si’hot vol. 26
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