Si tu trouves le nid d’un oiseau, dans un arbre ou sur le sol, avec des oisillons ou des œufs et que la mère couve les oisillons ou les œufs, ne prends pas la mère avec ses petits. Fais partir la mère et ne prends que les petits... (Deutéronome 22, 6)

Na’hmanide écrit que, dans son sens le plus simple, la raison de cette mitsva est de nous enseigner la compassion.

Prendre l’oisillon sous les yeux de sa mère causerait à celle-ci un chagrin aigu. L’amour et la compassion d’une mère pour sa descendance sont, selon les mots de Maïmonide, « non une fonction de l’intellect ou de la parole, mais une fonction du processus de la pensée qui existe chez les animaux comme chez les hommes ».

En accomplissant cette mitsva, nous nous exerçons à ressentir de l’empathie pour toutes les créatures de D.ieu.

Selon le Zohar, ce commandement possède également un profond impact cosmique en ce qu’il éveille la miséricorde divine pour le peuple juif.

Lorsqu’une mère oiseau est chassée de son nid, elle crie son amertume et son désespoir d’être séparée de ses petits.

L’ange qui règne sur cette espèce adresse alors devant le trône céleste la plainte suivante : « D.ieu miséricordieux, pourquoi Ta Torah a-t-elle ordonné un acte si inhumain ? »

Les anges qui règnent sur les autres espèces d’oiseaux s’associent à cette récrimination, protestant contre le même sort réservé à leurs oiseaux.

D.ieu réprimande alors toutes les créatures célestes :

« Les anges responsables des oiseaux se plaignent de la détresse des oiseaux. Mais un seul d’entre vous a-t-il exprimé une quelconque préoccupation pour l’angoisse de Mes fils et de la Chekhinah (la Présence Divine) ?

« La Chekhinah est en exil. Elle est éloignée de Son nid et de Sa maison, le Saint Temple. Mes fils, les oisillons, résident seuls parmi leurs ennemis, les nations du monde. Mais aucun d’entre vous ne pleure pour éveiller Ma compassion pour eux !

« Eh bien, pour Moi-même, alors, Je les délivrerai ! »

Le saint Zohar relate une histoire miraculeuse, d’un épisode où la compassion divine fut révélée par le biais de ce commandement.

Rabbi Éléazar, le fils de Rabbi Chimon Bar Yo’haï, marchait avec ses collègues quand une colombe apparut. La colombe informa Rabbi Éléazar que son beau-père, Rabbi Yossi, était tombé gravement malade.

Rabbi Éléazar ordonna à la colombe d’aller assurer Rabbi Yossi que, dans trois jours, il guérirait miraculeusement et qu’alors, lui-même viendrait avec ses collègues célébrer chez lui sa guérison.

Peu de temps après, la colombe revint les informer que, puisque Rabbi Éléazar avait annulé le décret divin menaçant son beau-père, l’ange de la mort avait pris un autre Rabbi Yossi : Rabbi Yossi de Pékiyin.

Devant ces événements tragiques, Rabbi Éléazar décida de se rendre à Pékiyin pour consoler la famille de Rabbi Yossi et participer en personne aux funérailles de ce grand sage.

Lorsqu’ils arrivèrent, les rabbins apprirent que Rabbi Yossi avait laissé derrière lui deux jeunes enfants, un fils et une fille. L’épouse de Rabbi Yossi, la mère de ces deux enfants, était elle-même décédée peu de temps auparavant, et ils étaient donc désormais doublement orphelins.

Dans la pièce où reposait le défunt, son fils ne laissait personne s’approcher du corps de son père. Il avait allongé sa tête près de celle de son père et pleurait amèrement. Regardant vers les cieux, il s’exclama :

« Maître de l’Univers ! Tu as écrit dans Ta sainte Torah ces mots :

« Si tu trouves le nid d’un oiseau, dans un arbre ou sur le sol, avec des oisillons ou des œufs et que la mère couve les oisillons ou les œufs, ne prends pas la mère avec ses petits. Fais partir la mère et ne prends que les petits…

« Maître de l’Univers ! Selon Ta Sainte Torah, nous devons laisser vivre la mère et certainement pas prendre la mère et laisser les enfants abandonnés !

« Toi, D.ieu, Tu dois accomplir les paroles de Ta Sainte Torah. Ma sœur et moi-même sommes deux petits oiseaux. Ma mère est morte et notre père a alors pris sa place pour s’occuper de nous.

Selon Ta Torah, cher D.ieu, Tu peux prendre ma sœur ou moi, mais Tu ne peux enlever mon père bien aimé ! »

En entendant les poignantes paroles de cet enfant innocent, les collègues de Rabbi Éléazar se mirent à pleurer.

Mais, soudain, la pièce devint silencieuse, car un pilier de feu apparut, planant au-dessus du lit du défunt. Tous les présents s’enfuirent et les collègues de Rabbi Éléazar, terrorisés, voulurent en faire de même.

Rabbi Éléazar les calma, en disant : « Un grand miracle est sur le point d’avoir lieu. »

Émanant du pilier de feu, une voix céleste se fit entendre : « Heureux es-tu, Rabbi Yossi, d’avoir mérité un fils sage dont la plainte justifiée a percé les portes du ciel et est parvenue devant le Trône de Gloire de D.ieu

« Un nouveau verdict a été prononcé. Toi, Rabbi Yossi, tu vivras vingt-deux années supplémentaires, pour que tu puisses avoir le privilège d’enseigner à ce sage enfant. »

Alors, aussi soudainement qu’il était apparu, le pilier de feu disparut et les yeux de Rabbi Yossi s’ouvrirent.

Rabbi Éléazar s’exclama à l’adresse de ses amis : « Combien sommes-nous privilégiés d’avoir vu de nos propres yeux le miracle du réveil des morts ! »

Puis Rabbi Éléazar bénit ensuite Rabbi Yossi : « Comme tu es fortuné d’avoir vécu le miracle de la résurrection des morts par le mérite de la sagesse de ton jeune fils ! »

Entre-temps, le garçon s’était évanoui devant l’intensité des événements. À son réveil, sa joie fut intarissable et il se jeta au cou de son père, le couvrant de baisers.

Rabbi Éléazar demeura trois jours dans cette maison pour célébrer ce miracle. Au cours de son séjour, il demanda à Rabbi Yossi de décrire ce qu’il avait vu dans les cieux.

Rabbi Yossi répondit : « Je ne peux révéler aux hommes ce que j’ai vu. Je ne peux dire qu’une seule chose : lorsque mon fils était en train de supplier, de pleurer et de protester devant D.ieu du plus profond de son être avec une sincérité absolue et qu’il se référait à la mitsva de chasser la mère de l’oisillon, trois cent mille chaises divines s’ébranlèrent lorsque trois cent mille tsaddikim (personnes vertueuses) se levèrent dans les cieux, suppliant D.ieu de me renvoyer parmi les vivants ! »


« Et ceux qui sont dans la poussière reviendront à la vie » (Isaïe 26, 19)

Il ne fallut pas plus que le cri sincère d’un jeune orphelin aspirant à retrouver son père. La tendre voix du jeune fils de Rabbi Yossi de Pékiyin perça les cieux et arriva auprès du Trône de Gloire pour accomplir un miracle inespéré.

Certainement, alors, les cris sincères de chacun d’entre nous, les enfants orphelins de D.ieu, peuvent atteindre également les cieux et nous valoir l’avènement de l’Ère de Rédemption que nous attendons depuis si longtemps. Certainement, nos sincères supplications amèneront aussi les centaines de milliers de tsaddikim à révolutionner les cieux pour que cet avènement se réalise.

Alors, nous ne connaîtrons plus les tristes cris de l’orphelin, ni les terribles souffrances de l’exil, car tout le bien de la création deviendra manifeste et révélé.