Un Sage et sa conduite

Le Talmud relate1 :

Quand Oula arriva [à Babylone, venant d’Erets Israël]… Rava lui demanda : « Où as-tu passé la nuit ? »

[Oula ] lui répondit : « A Kalnebo. »

[Rava] répondit: « N’est-il pas écrit2 : “et tu ne mentionneras pas le nom d’autres divinités” ? »

[Oula] répliqua : « Rabbi Yo’hanan enseigne ce qui suit : “[le nom de] toute fausse divinité rappelé dans la Torah peut être mentionné.” » 

Apparemment, une question se dégage : bien qu’il soit permis de mentionner le nom d’un faux dieu mentionné dans la Torah, il semble néanmoins que ce n’est pas souhaitable. De plus, nos Sages soulignent3 l’importance du raffinement dans le langage, notant comment, dans plusieurs passages, la Torah ajoute des mots supplémentaires4 plutôt que d’utiliser le terme taméh (« impur »). Oula aurait certainement pu trouver un autre moyen pour répondre à la question de Rava, sans citer le nom de ce faux dieu. 

La force de la Torah

Cette difficulté peut être résolue en considérant l’explication de l’enseignement de Rabbi Yo’hanan proposée par les Yéreïm5 : « Puisque la Torah mentionne [le nom d’une fausse divinité], celle-ci est annihilée. Pour la même raison que la Torah la mentionne, nous avons le droit de le faire. »

La déclaration des Yéreïm ne peut se comprendre au sens simple et littéral. Car il existe de faux dieux auxquels se réfère la Torah, par exemple Baal Péor, mentionné à la conclusion de la Paracha de cette semaine,6 dont le culte s’est perpétué longtemps après sa mention dans la Torah.7 Il faut donc comprendre que le fait que la Torah cite un faux dieu enlève l’importance de ce dieu aux yeux de la personne étudiant cette partie de la Torah. Les mots de la Torah lui véhiculeront l’impression de la futilité du service des idoles en démontrant que ces divinités ne sont d’aucun bénéfice pour ceux qui les révèrent et que, lorsque les Juifs ont erré et les ont servies, ils en furent sévèrement punis.

Pour aller plus loin, chaque Juif désire observer la Torah et toutes ses Mitsvot,8 et s’éloigner des fausses divinités. Le fait d’étudier la Torah réveille ce désir profond, inspirant le Juif à se dévouer à la Torah et à nier toutes autres formes de culte.

Et « pour la même raison que la Torah mentionne [un faux dieu] nous avons le droit de le faire ». Quand un Juif étudie la Torah et s’y identifie, il exploite le potentiel divin qu’elle contient. Cela lui donne la force de mentionner un faux dieu pour annihiler son influence.

Une transition spirituelle

Nous pouvons désormais comprendre l’attitude d’Oula. Nos Sages statuent9 : « Un Juif vivant en diaspora sert des faux dieux dans la pureté. » Car, en Erets Israël, la Providence Divine est révélée de façon plus ouverte, alors qu’en diaspora, elle est cachée à l’intérieur de l’ordre naturel. Tout comme le service des idoles implique qu’il faille courber la tête devant elles, celui qui vit en diaspora doit soumettre sa pensée aux forces qui gouvernent l’ordre de la nature.10

En quittant la sainteté d’Erets Israël et pénétrant en Babylonie, Oula perçut la transition spirituelle et ressentit le besoin d’intensifier la négation des fausses divinités. Rassemblant la force de la Torah qu’il avait acquise de par son étude en Erets Israël, il mentionna le nom de cette idole avec l’intention d’annuler son influence. 

Annuler et transformer

Cette discussion éclaire une question soulevée par la lecture de la Paracha de cette semaine : Balak. Balak était un homme mauvais, un roi immoral11 qui haïssait le peuple juif et souhaitait sa destruction. Pourquoi, dès lors, son nom a-t-il été immortalisé en devenant le nom d’une Paracha ? Nos Sages déclarent12 qu’une personne ne doit pas être nommée d’après un homme mauvais. Certes règle est certainement également valable pour le nom de la Paracha !

Mais la discussion évoquée plus haut éclaircit cette intention. Appeler une Paracha « Balak » est un moyen d’annihiler les forces qui lui sont associées. Comme le relate la Paracha, le projet de Balak fut complètement déjoué. Ainsi, le nom Parachat Balak est-il désormais une éternelle source d’influence positive, désarmant toute force cherchant à nuire au Peuple Juif.

Le récit de notre Paracha raconte que non seulement le plan de Balak échoua, mais que Bilaam, engagé par Balak pour maudire le Peuple Juif, prononça de très puissantes bénédictions qui deviendront manifestes avec l’avènement de Machia’h. Aussi le nom de Balak n’évoque-t-il pas seulement à la négation du mal, mais aussi sa transformation en une influence positive. 

Les fruits d’un engagement inconditionnel

Certaines années, la Parachat Balak est lue conjointement avec la Parachat ‘Houkat. Car c’est l’engagement absolu impliqué dans le nom ‘Houkat, (un ‘Hok étant un statut auquel nous obéissons inconditionnellement) qui rend possible la transformation du mal en bien. Quand une personne révèle l’étincelle de divinité de son âme et l’exprime par une dévotion illimitée à la Torah, elle influence son environnement, annihilant les influences indésirables et les transformant en bien.13

Et, à mesure que ce schéma s’étend à travers le monde, nous nous approchons de l’accomplissement des prophéties mentionnées dans la lecture de la Torah de cette semaine14 : « Une étoile sortira de Yaakov et un bâton se lèvera en Israël, écrasant tous les princes de Moav et dominant tous les descendants de Cheth. »

Adapté de
Likoutei Si'hot vol. 18, p. 300ff.
vol. 23, p. 166ff.