« Vous serez saints, car Moi, l’Éternel votre D.ieu, Je suis saint. »

Lévitique 19, 1

Ce verset, qui ouvre la paracha de Kédochim, contient certaines des leçons les plus importantes pour notre vie.

Il dissipe des mythes essentiels à propos de D.ieu.

Il nous enseigne le sens du véritable amour.

Il révèle notre immense potentiel.

Il nous donne la force et l’inspiration pour changer le monde.

Ce verset est simple, d’une déroutante simplicité : « Vous serez saints, car Moi, l’Eternel votre D.ieu, Je suis saint. » Mais cette simple déclaration porte en elle des significations multiples, comme l’illustre un curieux Midrache.

Ce Midrache déclare :

Quand le verset nous ordonne « Vous serez saints », nous pourrions penser que nous, êtres humains, pouvons être aussi saints que D.ieu Lui-même. C’est pourquoi le verset spécifie « car Moi, l’Eternel votre D.ieu, Je suis saint » : Kedouchati lemaalah mikedouchatkhem – Ma sainteté (celle de D.ieu) est au-dessus de (c’est-à-dire plus grande que) votre sainteté (humaine). »

Que veut nous dire le Midrache ? Pourquoi donc, en premier lieu, considérerions-nous que les êtres humains peuvent être aussi saints que D.ieu ? Et à quoi sert de souligner que nous ne sommes pas aussi saints que Lui ? Le verset nous dit d’imiter la sainteté de D.ieu et de sanctifier notre vie. Dans ce contexte optimiste et motivant, quel intérêt y a-t-il de nous rappeler que nous ne pouvons pas être aussi saints que D.ieu, ce qui va totalement à l'opposé de l’intention du verset qui compare notre sainteté à celle de D.ieu ?

Ces questions, parmi d'autres, ont mené les maîtres 'hassidiques à donner de ce verset une lecture novatrice, qui nous permet de porter sur nous-mêmes un regard révolutionnaire :

Ce Midrache ne doit pas être lu comme une question et une réponse, mais plutôt comme une déclaration factuelle :

« Vous serez saints » signifie que vous atteindrez la sainteté de D.ieu. Et la source de la force de parvenir à ce niveau de sainteté est (comme poursuit le verset) « car Moi, l’Éternel votre D.ieu, Je suis saint » et J’ai le pouvoir de communiquer Ma sainteté à vous autres, humains.

La raison en est – et c’est là la nouvelle lecture de ce Midrache –  parce que Kedouchati lemaalah : « Ma sainteté qui est au-dessus, En-Haut », mikedouchatkhem : « provient de votre sainteté », lorsque nous, êtres humains, sanctifions notre vie, nous sanctifions D.ieu.

Non seulement nous pouvons être aussi saints que D.ieu, mais nous pouvons réellement générer la sainteté de D.ieu !

Les implications de cet enseignement sont fascinantes – et portent très loin.

Notre perspective conventionnelle sur les relations des hommes avec D.ieu est linéaire : D.ieu est le Créateur et nous sommes les créatures. D.ieu est « le Père Tout-Puissant dans les cieux » et nous sommes de simples mortels sur terre. D.ieu donne et nous recevons. Nous sommes des sujets et D.ieu est le Roi.

Mais en réalité, notre relation avec D.ieu est bien plus complexe. Quel aurait été l’intérêt de créer des êtres humains qui seraient des créatures dépendantes qui ne font que recevoir ? D.ieu se sentait-Il « inconfortable » pour créer des sujets qui Le serviraient ?

D.ieu créa l’être humain « à Son image » comme un « partenaire » égal dans la création. D.ieu choisit d’avoir une véritable relation avec nous, dans laquelle chacun apporte et reçoit. Dans cette relation, nous contribuons autant, voire plus, que nous ne recevons.

Nos Sages nous disent à ce propos que les bonnes actions des justes sont plus importantes que la création par D.ieu du ciel et de la terre. Parce que D.ieu créa la matière à partir de l’esprit, et nous créons l’esprit à partir de la matière.

Oui, D.ieu a choisi d’être « vulnérable » et « dépendant » de nous. Nous avons la force de sanctifier ou de profaner D.ieu dans cet univers. « Aime D.ieu » est interprété comme signifiant « fais que D.ieu soit aimé des autres ». Nous, hommes, sommes les représentants de D.ieu sur terre. En tant qu’enfants de D.ieu, notre comportement fait en sorte qu’Il paraisse bon ou mauvais. Quand nous agissons de manière exemplaire, nous obtenons que D.ieu soit aimé par tous ceux qui nous observent, nous et l’image divine à l’intérieur de nous.

Cette approche récuse la conception que beaucoup de gens ont de la religion et de D.ieu. Nous et D.ieu sommes impliqués ensembles, comme partenaires, dans le scénario de la vie. Nous avons besoin l’un de l’autre. D.ieu a choisi d’avoir besoin de nous et Il s’est soumis à l’influence de notre comportement : celui-ci peut démentir Son existence et gâcher ce qu’Il a investi en nous. Ou nous pouvons illuminer notre environnement avec le divin.

C’est là l’essence de la plus puissante des mitsvot : la mitsva de Kidouch Hachem, sanctifier D.ieu. Et son contraire : le grave péché de profaner D.ieu.

Les six millions de Juifs tués dans la Shoah, et tous ceux qui furent jamais tués parce qu’ils étaient juifs, sont appelés kédochim (comme le nom de cette paracha), « les sanctifiés ». En mourant au nom de D.ieu, ils ont sanctifié D.ieu, bien plus, tellement plus, que les barbares qui furent leurs bourreaux ne profanèrent D.ieu.

Une victime de la Shoah exprima cela lorsqu’elle dit à l’animal nazi qui allait la mettre à mort : « Je remercie D.ieu de ne pas m’avoir créé comme toi... »


Ainsi, voici quelques-uns des puissants messages de ce verset : « Vous serez saints, car Moi, l’Éternel votre D.ieu, Je suis saint. »

  1. La représentation de D.ieu comme figure d’un puissant « père » dans les cieux qui attend de nous « foudroyer », nous, ses impuissants sujets n’est rien d’autre qu’un mythe. D.ieu n’est pas dans un endroit et nous dans un autre. Nous sommes liés, unis dans une relation, dans la symbiose et la synergie d’un partenariat. D.ieu est « l’investisseur » et nous sommes « le producteur », développant des produits à partir des ressources dont Il nous a dotés.

Nous dépendons de D.ieu pour la vie, la santé et toutes les bénédictions. La présence consciente de D.ieu et Sa sainteté dans l’univers dépendent (kavyakhol) de nous. Nous avons le pouvoir de sanctifier D.ieu et de Le faire aimer par les hommes, ou, tragiquement, l’opposé.

  1. Cette relation/ce partenariat complexe est le modèle optimal du véritable amour. Le véritable amour implique la vulnérabilité. Il n’est pas affaire de contrôle, mais de complémentarité : s’attacher à un partenaire, dans une relation mutuellement dépendante.

En aucun cas cela compromet-il l’indépendance de chacun des partenaires. Au contraire : cette vulnérabilité bien placée accroît l’indépendance. Le fait que D.ieu se permette d’être « vulnérable » et nous permette de sanctifier ou profaner Sa présence est un signe de l’indépendance absolue de D.ieu et de Sa confiance que Son pari sera gagnant et que l’image divine en nous l’emportera.

Se protéger sous le masque de « l’invulnérabilité » et l’absence de dépendance vis-à-vis des autres est plus un signe de faiblesse que de force. En amour, le plus grand signe de force est d’avoir la possibilité d’être vulnérable, et de célébrer cette vulnérabilité, avec la confiance et la foi en son/sa partenaire.

  1. Et quel est notre potentiel ? Nous avons le pouvoir d’être comme D.ieu ! En nous conférant Sa sainteté, Il nous a dotés de la capacité d’être divins. Bien plus, la sainteté d’En-Haut dépend de nous. Le sort de la présence de D.ieu dans la vie est entre nos mains.

« Soyez saints » nous parle de notre potentiel infini. Nous avons le pouvoir de ne pas simplement être de bons êtres humains et de faire de notre monde un lieu meilleur, mais de sanctifier D.ieu, de rendre le mortel immortel et de changer le monde pour toujours.

Comment vous vous comportez à n’importe quel instant peut soit sublimiser soit défigurer non seulement l’univers entier, mais aussi D.ieu !

Nous avons malheureusement été témoins de trop de cas où la divinité fut dégradée par l’homme, avec les conséquences funestes que cela eut. De fait, l’un des plus grands obstacles aujourd’hui lorsque l’on discute d’idéaux spirituels est constitué par les stéréotypes négatifs qui furent engendrés par des années d’abus et  de distorsion d’expériences religieuses. 

Lorsque nous rejetons D.ieu, est-ce D.ieu que nous rejetons ou la manière dont D.ieu nous a été présenté ?

  1. Finalement, « Kedochim tihyou », « Soyez saints » est notre appel à transformer l’univers. Nous avons été chargés d’une immense responsabilité et d’un énorme don. Nous autres, humains, sommes les seuls à pouvoir changer le cours de l’histoire.

Tous nos choix soient sanctifient soit polluent notre environnement.

Qu’y a-t-il de plus motivant que de savoir que le destin de l’univers, et le destin de D.ieu Lui-même, dépendent de nos actions ?

Ce sont là certaines des leçons de ce verset.

Tout cela dans un simple verset...