Chaque paracha de la Torah renferme un principe original (un ‘hidouch) qui lui est propre exclusivement. Celui de la paracha Ki Tissa est qu’il est possible d’y voir toute la Création, tous les aspects de l’Œuvre divine.

Certes, les Sages ont déclaré concernant la Torah « Tourne et retourne-la en tout sens, car tout y est contenu »1, c’est-à-dire qu’il est possible, en méditant profondément, de retrouver dans tout sujet de la Torah l’ensemble de la Création. Toutefois cela peut s'avérer un exercice extrêmement laborieux.

En revanche, dans la paracha Ki Tissa, cela est clairement perceptible, même par une approche superficielle, comme nous allons le voir.

Une base universelle triple

Le Saint bénit soit-Il a fixé que toute chose soit composée de trois parties :

  1. son commencement qui est sa « tête », son idée maîtresse,
  2. son milieu, c’est-à-dire la chose en elle-même,
  3. sa fin qui est sa finalité et sa plénitude.

La réalité universelle suit ce même schéma :

  1. la Torah : l’origine et le commencement de toute chose et l’objectif de la création du monde,
  2. la création du monde et le travail de l’homme afin de l’amener à sa finalité,
  3. la conclusion et la perfection de toute l’existence dans la délivrance messianique.

Ces trois étapes sont représentées par les trois premières lettres de l’alphabet hébraïque :

  1. le « Aleph » du premier mot des Dix Commandements « Anokhi » qui représente la Torah,
  2. le « Beth » de « Béréchit » : « Au commencement, D.ieu créa le ciel et la terre », représentant l’évolution du monde, et
  3. le « Guimel » de « Guéoulah », la Délivrance messianique.

Le monde en lui-même est aussi structuré de cette façon :

  1. la volonté divine de créer le monde,
  2. la création du monde, et
  3. la perfection de la création à l’ère messianique.

Dans les termes de la Kabbalah, cela s’exprime ainsi :

  1. au début il n’y avait rien d’autre qu’une Lumière Infinie (Or Ein Sof),
  2. puis D.ieu contracta Sa Lumière et ne laissa filtrer dans la Création qu’une Lumière limitée (Tsimtsoum),
  3. ceci afin que la révélation divine dans toute sa plénitude puisse se faire dans ce monde matériel.

Trois étapes

Dans la mesure où le monde a été créé selon la volonté divine exprimée dans la Torah, il est logique de retrouver dans celle-ci cette même structure en trois parties :

  1. la Torah débute par « Béréchit » (« Au commencement »2), ce qui souligne que le monde a été créé pour la Torah qui est appelée « Réchit » (un principe premier).
  2. la Torah relate ensuite l’ensemble des évènements et des commandements, dont l’objet est de raffiner le monde.
  3. la Torah se conclut par la vision accordée par D.ieu à Moïse « jusqu’au dernier jour »,3 la vision de la délivrance messianique.

Cette structure se retrouve également dans le traité de Michna des « Pirkei Avot », les « Maximes des Pères » :

  1. le début par « Moïse reçut la Torah au Sinaï »4 : la Torah.
  2. « Et il l’a transmise à Josué » : la transmission de la Torah de génération en génération.
  3. La conclusion des Pirkei Avot : « L’Éternel régnera à tout jamais »,5 c’est-à-dire la pleine réalisation du but de la création du monde dans la Délivrance messianique.

Dans notre paracha

Et tout ceci apparaît également dans notre paracha, car le processus de la transmission des Tables de la Loi se décompose également en trois étapes :

  1. Les premières Tables, façonnées par D.ieu Lui-même.
  2. Le bris des premières Tables, suite à la faute du Veau d’Or, qui symbolise la descente dans le monde pour le raffiner et le purifier, car le but de toute descente est l’élévation qui s’ensuit.
  3. Les deuxièmes Tables : les enfants d’Israël se repentent, Moïse remonte sur le mont Sinaï et revient avec les deuxièmes Tables.

Les deuxièmes Tables furent façonnées par Moïse et non par D.ieu. Mais, après la déchéance dramatique liée au Veau d’Or et à la destruction des premières Tables, il se devait d’apparaître une qualité encore supérieure à la situation qui prévalait auparavant : c’est ainsi qu’en même temps que les secondes Tables, Moïse reçut la Torah orale.

Pas véritablement une chute

Il est cependant difficile de comprendre comment, en les considérant comme les étapes d’un même processus, on peut mettre sur un même plan le don des premières Tables émanant de D.ieu Lui-même et l’adoration du Veau d’Or qui constitua une faute terrible.

L’explication de cela est qu’il devrait normalement être pour les Juifs foncièrement impossible de transgresser la volonté divine, car celle-ci est leur volonté profonde. Cependant, D.ieu dans Sa grande bonté a rendu la faute possible, afin que les Juifs puissent parvenir à cette grande élévation qui ne vient qu’après la chute.

Ainsi, la chute ne peut être que temporaire et transitoire, comme l’exprime le verset « Pour un court instant Je t’ai délaissée. ».6 Ce n’est qu’une déchéance superficielle et en apparence seulement, dont l’unique objet est l’élévation qui s’ensuivra et qui sera éternelle et illimitée ! Plus encore, il y aura alors une succession infinie d’élévations, comme le dit le verset « Ils iront de force en force pour paraître devant D.ieu à Sion ».7

Telle fut la nature de la faute du Veau d’Or : l’unique raison de cet événement fut l’élévation qui le suivit et qui s’illustra par le don des deuxièmes Tables. C’est la raison pour laquelle les trois étapes apparaissent dans une paracha dont le nom est « Tissa – Tu élèveras », car elles ont toutes pour objet de mener à une élévation : celle des premières Tables, celle du dévoilement de la gloire divine à Moïse (consécutive à la faute du Veau d’Or) et celle des deuxièmes Tables.

On peut donc diviser la paracha en trois étapes :

  1. « Ki tissa ète roch – Quand tu élèveras la tête »8 : la « tête », le « aleph » de toute chose,
  2. la faute du Veau d’Or, et
  3. la conclusion de la paracha par le don des deuxièmes Tables.

C’est pour cette raison que les trois fêtes de pèlerinage sont mentionnées à la fin de la paracha, car elles font également allusion à ces trois étapes :

  1. Pessa’h, la « fête du printemps », la première des fêtes, est liée à un grand dévoilement divin.
  2. Chavouot, la deuxième fête, relève plus du travail de l’homme.
  3. Enfin Souccot, « la fête de la récolte », est liée à la conclusion de la mission du peuple juif et au rassemblement (« la récolte ») de tous les Juifs lors de la Délivrance messianique.

Foi et abnégation

De tout cela découle un enseignement à l’adresse de chaque Juif : chacun doit savoir qu’il a la force d’accomplir tout ce qui est nécessaire.

Et ceci s’exprime en premier lieu dans sa vie quotidienne :

  1. Dès qu’il se réveille le matin, il dit la prière de « Modé ani » à travers laquelle il reconnaît D.ieu, s’annule devant Lui et s’unit à Lui au point où sa première expression est « Modé – reconnaissant » et seulement dans un deuxième temps exprime-t-il sa propre existence : « ani – je suis ». Cela constitue le « Aleph » de sa journée.
  2. « Beth » : au cours de la journée, il s’affaire au contact du monde, il travaille honnêtement et sanctifie le monde.
  3. « Guimel » : arrivent la conclusion et le bilan de son labeur lors de la prière de Arvit et de la lecture du Chéma qui précède le coucher.

La vie tout entière suit aussi cette répartition :

  1. d’abord le début de sa mission dans la vie,
  2. puis le milieu de sa mission
  3. et enfin la conclusion de celle-ci dans la perfection, en particulier dans notre génération où l’accent est mis sur la nécessité de conclure le travail et d’amener concrètement la Délivrance messianique !

(Adapté du discours du Rabbi de Loubavitch
du Chabbat Ki Tissa 5752)