Et ils se dirent les uns aux autres : « ...Construisons pour nous une ville et une tour dont le sommet atteindra les cieux ; et nous ferons pour nous-mêmes un nom, de peur que nous soyons éparpillés sur la surface de toute la terre…»

Et D.ieu les dispersa de là sur la surface de la terre et ils arrêtèrent de construire la ville. C’est pourquoi son nom fut Babel (confusion), car c’est là que D.ieu confondit le langage du monde... (Genèse 11, 3-9)

Quelle fut donc leur faute ? Les raisons pour lesquelles ils se mirent à construire une ville avec une tour « dont le sommet atteindra les cieux » paraissent fort compréhensibles. L’humanité commençait à peine à se reconstruire après le Déluge qui avait balayé la race humaine dans son intégralité, à l’exception de Noé et sa famille. Pour que l’humanité renaissante survive, l’unité et la coopération étaient d’une importance vitale. Ainsi cherchèrent-ils à construire une ville commune qui les souderait en une communauté unique. En son cœur, ils projetèrent d’ériger une tour qui serait visible de très loin, un repère pour ceux de la ville qui s’égareraient à l’extérieur et un monument qui renforcerait l’engagement de tous au but commun : la survie. Tout ce qu’ils voulaient était de « faire pour nous-mêmes un nom », c’est-à-dire d’assurer la continuité de la race humaine.

Et pourtant, leur projet de préserver l’humanité se dégrada en un rejet de toutes les vertus censées caractériser l’humanité et en une rébellion ouverte contre leur Créateur et l’objet de leur création. Leur quête d’unité résulta en un éclatement de l’humanité en clans et en factions et au début de presque quatre mille ans d’incompréhension, de xénophobie et de massacres s’appuyant sur les divisions de races, de langues et de cultures. Mais où donc faillirent-ils ?

De fait, leur démarche en elle-même était erronée : ils voyaient la survie comme une fin en soi. « Faisons un nom pour nous-mêmes », dirent-ils ; faisons en sorte qu’il y ait des générations futures qui liront nos exploits dans leurs livres d’histoire. Mais pourquoi survivre ? Dans quel but l’humanité doit-elle vivre sur terre ? Quel est le contenu de ce nom et de cet héritage qu’ils s’efforcent de préserver ? Sur cela, ils ne dirent, ne pensèrent et ne firent absolument rien. Pour eux, la vie elle-même était un idéal, la survie en soi était une vertu.

C’était le commencement de la fin. Dans le monde physique, aucun système ne peut tolérer un vide pendant longtemps, et cela est également vrai pour les réalités spirituelles : si une âme ou une cause n’est pas pénétrée d’un contenu positif, la corruption finira par s’y infiltrer.1 Un nom et un édifice creux finissent par devenir une tour de Babel.

Après le Déluge

Jamais la leçon de la tour de Babel n’a été aussi pertinente pour notre peuple qu’elle ne l’est aujourd’hui. Nous sommes, nous aussi, une génération qui lutte pour se reconstituer après les persécutions nazies qui ont cherché à nous anéantir. Le souci de reconstruction et de survie sont au premier plan de nos préoccupations, et tous ensemble, avec l’aide du Tout-Puissant, nous y parvenons.

En un tel moment, il est fondamental de ne pas réitérer l’erreur des bâtisseurs de Babel. Il nous faut reconstruire, mais notre objectif doit être bien plus que d’acquérir un nom encore plus durable, une ville encore plus grande, une tour encore plus haute. Pour survivre, il nous faut donner du sens à notre survie, réaffirmer le « pourquoi » de notre existence. Nous devons pénétrer notre nom de valeur, notre ville de sens et couronner la tour de notre résurgence avec la finalité divine pour laquelle nous avons été créés.2