« Et D.ieu lui apparut dans les plaines de Mamré » – Genèse 18, 1

C’était le troisième jour après qu’Abraham fut entré dans une alliance éternelle avec D.ieu. A l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, à la requête de D.ieu, Abraham s’était lui-même circoncis. Maintenant, alors qu’il était assis à l’entrée de sa tente, D.ieu lui apparut.

Certes, D.ieu s’était déjà manifesté dans le passé à Abraham, mais jamais dans une révélation de cette importance. Le degré de divinité qu’il perçut ce jour-là dépassa tout ce dont il avait été témoin dans le passé. Et contrairement à ses autres expériences avec la révélation divine, lors desquelles il se sentait envahi par la crainte et tombait à terre, Abraham cette fois-ci ne fut pas terrifié par cette manifestation. Il resta assis et s’en pénétra sereinement.

Une fois qu’il fut circoncis, la révélation divine n’était plus de nature à troubler sa sérénitéEt c’est précisément l’objet de la brith mila (l’alliance de la circoncision) : c’est la mitsva qui relie les niveaux les plus hauts avec les plus bas. D’un côté, c’est la mitsva la plus élevée de la Torah. Comme l’exprime Maimonide (Lois de la Circoncision 3:9), « Trois alliances furent établies concernant [l’observance de] toutes les mitsvot de la Torah, alors que treize alliances le furent concernant la circoncision ». D’un autre côté, c’est la seule mitsva qui concrètement s’inscrit dans le corps humain – plus particulièrement l’organe le plus associé au plaisir physique et aux instincts égoïstes – et l’imprègne d’une sainteté extraordinaire. Et c’est par l’intermédiaire de cette mitsva que nous avons la capacité d’imprégner non seulement notre corps, mais notre habitat terrestre tout entier de sens et de divinité.

Ceci explique également pourquoi nos Sages nous disent que les descendants d’Abraham furent récompensés par la Terre d’Israël comme héritage éternel, par le mérite de la circoncision. Car la capacité d’imprégner la terre – avec tout ce qu’elle représente et symbolise en terme de matérialité –  de sainteté, découle de la mitsva de la circoncision.

Avant qu’Abraham ne se circoncise, il n’était pas un « récipient » pour la révélation divine. Le spirituel et le matériel ne pouvaient pas fusionner harmonieusement. Mais, dès qu’il fut circoncis, « D.ieu lui apparut ». La révélation divine n’était plus de nature à troubler sa sérénité.

Qui est « lui » ?

Il est intéressant de noter que le verset ne dit pas que D.ieu apparut à Abraham, mais « D.ieu “lui” apparut… »

À la lecture de ce verset, il nous faut comprendre qu’en tant que descendant d’Abraham, en tant qu’individu ayant été introduit dans « l’Alliance de notre Père Abraham »,1 chacun de nous est un héritier de tout son patrimoine spirituel, y compris du fait que D.ieu se révèle à « lui » le jour de sa circoncision tout comme Il se révéla à Abraham.

« Lui » signifie donc vous et moi.

La différence ? Abraham vit concrètement cette révélation, contrairement à la plupart d’entre nous.

Le cri d’un jeune garçon

« Pourquoi, sanglota-t-il, D.ieu se révéla-t-il à Abraham et pas à nous ?! »Le 20 ‘Hechvan, qui tombe toujours à proximité de la paracha de Vayéra, est le jour de l’anniversaire du cinquième Rabbi de Loubavitch, Rabbi Chalom DovBer (1860-1920). Alors qu’il était un jeune garçon de cinq ou six ans, il se rendit chez son saint grand-père, Rabbi Mena’hem Mendel, le troisième Rabbi, lors du Chabbat Parchat Vayéra, à l’occasion de son anniversaire. L’enfant éclata en pleurs : « Pourquoi, sanglota-t-il, D.ieu se révéla-t-il à Abraham et pas à nous ?! »

Le Rabbi répondit : « Quand un Juif juste, à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, décide de se circoncire, il mérite que D.ieu se révèle à lui. »

L’histoire fut plus tard relatée par Rabbi Chalom DovBer et rendue célèbre par son fils, Rabbi Yossef Its’hak, le sixième Rabbi de Loubavitch.

Mais pourquoi ? Pourquoi répéter une histoire potentiellement déprimante ? Pourquoi nous dire que D.ieu se révèle seulement « à un Juif juste qui décide de se circoncire à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans » ? Pourquoi, à votre avis, la Torah nous raconte-t-elle un épisode que ne semble pas concerner le Juif moyen ?

La sagesse au-delà de ses années

Le petit Chalom DovBer avait bien compris à quel point Abraham était grand par rapport à nous. Mais, arguait-il, Abraham était notre père et, en tant que ses héritiers, nous avons reçu toute la grandeur spirituelle qu’il a accumulée, y compris la récompense qu’il reçut pour avoir courageusement choisi de se circoncire à un âge avancé. Dès lors, pourquoi ne pouvons-nous percevoir D.ieu comme Abraham le put ?

Rabbi Mena’hem Mendel expliqua doucement : Certes, nous avons tous reçu les mêmes sublimes niveaux de divinité que ceux qu’Abraham reçut et intériorisa en ce jour décisif. Mais pour percevoir cette révélation, il nous faut nous-mêmes être méritants. Nous pouvons hériter d’un cadeau, mais le raffinement nécessaire pour le percevoir ne peut pas venir de quelqu’un d’autre : cela, il nous faut l’accomplir nous-mêmes.

Aspirer à voir

La conscience que chacun d’entre nous a été et est l’objet de cette extraordinaire révélation engendre une intense aspiration à la voir concrètement – et nous conduit à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour être dignes de la percevoir. Tout particulièrement en incorporant dans nos vies la leçon essentielle de la circoncision :

À présent nous ne faisons qu’attendre le moment lors duquel nous pourrons concrètement voir la révélation de Machia’hCréer l’harmonie dans notre vie personnelle entre le spirituel et le matériel, imprégner notre être tout entier – et le monde autour de nous – de sainteté, de Torah et de mitsvot.

Et finalement, nous attendons la plus grande des révélations – celle qui sera concrètement vue par chaque être vivant – avec la venue de Machia’h. Et aujourd’hui, alors que nous nous tenons au seuil même de la rédemption et que notre tâche en exil est désormais terminée, nous pouvons dire la même chose de la rédemption : la révélation de Machia’h existe déjà. À présent nous ne faisons qu’attendre le moment lors duquel nous pourrons concrètement voir cette révélation.

Puisse ceci être maintenant, et nous bénirons ensemble D.ieu pour nous avoir « maintenus en vie, sustentés et permis d’arriver à ce moment » !

Basé sur le dernier discours du Rabbi sur la paracha Vayéra, le Chabbat Vayéra 5752 (1991).