Liberté !
Ce Chabbat à la synagogue, après avoir lu la paracha de cette semaine qui conclut le Livre de l’Exode, nous lirons dans un second rouleau de la Torah la « Parachat Ha’hodech ».
Ce passage, extrait de la section « Bo », relate comment D.ieu donna à Moïse la charge de transmettre au peuple d’Israël le commandement divin de célébrer le Roch ‘Hodech, puis l’ordre de compter les mois à partir de Nissan, et enfin les instructions détaillées relatives à l’agneau pascal et à sa consommation avec de la matsa et du maror la nuit de la Plaie des Premiers-nés.
Ce sont-là les toutes premières mitsvot qui furent données au peuple juif, avant le Don de la Torah, et avant même la Sortie d’Égypte.
Il est facile de comprendre pourquoi le sacrifice pascal est mentionné : c’est à travers celui-ci que nous avons été délivrés.
Mais que vient faire ici le Roch ‘Hodech, la sanctification du nouveau mois à la vue de la nouvelle lune ? Pourquoi la toute première mitsva qui nous fut donnée devait-elle être celle-ci ?
Bien sûr, c’était une nécessité technique : comme l’agneau devait être pris le 10 Nissan, gardé jusqu’au 14, sacrifié et préparé le 14 et consommé la nuit suivante, il fallait bien s’accorder sur ce qui constituait le 1er jour du mois. Était-ce quand la lune disparaît ? Quand elle apparaît de nouveau ? Si le coucher du soleil intervient pile entre ces deux moments, ce ne sera pas considéré comme étant le même jour. Il était donc nécessaire que D.ieu montre à Moïse à quel moment exactement le nouveau mois doit être sanctifié.
Cependant, tout enseignement de la Torah possède un « corps » – son aspect législatif et technique – et une « âme » – son aspect moral et spirituel, révélé dans la partie profonde de la Torah. La ‘Hassidout enseigne ainsi que la Sortie d’Égypte ne fut pas une simple « libération d’otages », mais la naissance d’un peuple dont le destin allait transcender la nature. Un peuple dont le rôle serait de transformer le monde dans ses fondements mêmes, pour le mener vers une ère où l’Infini divin se révélera au sein de la création de manière manifeste et accessible à tous.
C’est pourquoi pour que le commandement de l’agneau pascal puisse exercer son effet libérateur, il fallait être d’abord attachés à des forces qui transcendent la nature tout en s’y trouvant. C’est-ce qui est exprimé dans la mitsva de Roch ‘Hodech : c’est la même lune qui disparaît et réapparaît chaque mois, et même lorsqu’elle s’est totalement occultée, elle est toujours là dans le ciel. Mais c’est une nouvelle lumière qu’elle projette chaque fois qu’elle renaît. Si, comme le dit l’Ecclésiaste, « il n’y a rien de nouveau sous le soleil », c’est qu’une lumière intrinsèquement nouvelle n’appartient pas à la création. C’est un nouvel apport divin qui est projeté sur le monde, et qui permet de faire progresser celui-ci de manière fondamentale. C’est cela, une véritable « libération ».
Avec cet ordre divin, la capacité de le mettre en œuvre fut révélée en nous, de sorte que chaque acte de notre quotidien – qu’il s’agisse d’un rite religieux, d’un acte de bienveillance ou même de ce qui constitue les « banalités » de la vie – est un acte de libération. Si nous vivons avec la conscience que tous les actes qui jalonnent notre vie participent du projet divin, nous mériterons d’en voir l’aspect rédempteur dans notre vie, avec la joie de savoir que nous contribuons à faire émerger la réalité messianique universelle dans laquelle « le monde entier sera plein de connaissance de D.ieu comme la mer recouvre le fond des mers » (Isaïe 11, 9). Puisse cela se concrétiser très rapidement.
Chabbat Chalom !
Emmanuel Mergui
au nom de l’équipe éditoriale de Chabad.org