En Thaïlande, à Bangkok, le Rav Kantor et son épouse ont entrepris d’organiser une vie juive pour la communauté juive locale, mais aussi pour les nombreux touristes juifs et israéliens qui visitent ce pays. Et effectivement de nombreux jeunes, venus découvrir la philosophie bouddhiste, mais aussi les drogues et les plaisirs éphémères retrouvent grâce à eux des racines qu'ils n'avaient pas pensé à rechercher.

D'habitude, avant Souccot, l'ambassade israélienne fournissait à la communauté juive le Loulav et l'Etrog nécessaires pour la fête. Mais une année, rien ne fut envoyé. Très angoissé, trois jours avant la fête, le Rav Kantor téléphona à son collègue, le Rav Avtzon de Hong-Kong, pour qu'il lui envoie les quatre plantes traditionnelles.

Rav Avtzon lui fit parvenir très rapidement un Loulav (la branche de palmier) un Etrog (un cédrat) et des Hadassim (des branches de myrte), mais... point de Aravot, les branches de saule. La veille de la fête, le Rav Avtzon réussit à se procurer des Aravot. Mais comment les faire parvenir en Thaïlande ?

Un riche homme d'affaires iranien, Avraham Kashani qui était un des plus chauds supporters de Rav Kantor, proposa de prendre à sa charge les frais de voyage de n'importe quelle personne en possession d'un visa qui serait prête à apporter les Aravot à Bangkok : la bagatelle de 1 800 dollars, pour acheminer quelques « feuilles » ! Rav Avtzon trouva un volontaire.

Cependant, il eut un accrochage en voiture en se rendant à l'aéro­port et il rata son avion. Le prochain vol était prévu pour 15 heures et il n'y avait pas une place de libre. Et la fête commençait à 18 heures. Finalement, il réussit in extremis à trouver une place dans cet avion qui devrait mettre deux heures pour arriver à Bangkok.

Bangkok est connue pour ses terribles embouteillages dans lesquels on peut rester bloqué parfois près de quatre heures. Pour éviter que le voyageur soit pris dans l'heure de pointe qui coïncidait avec l'heure d'arrivée de l'avion, on envoya un cour­sier en moto pour le chercher ; en effet un motard peut, en slalomant, passer à travers tous les embouteillages.

Mais, catastrophe ! Le roi du Siam avait justement choisi de sortir à ce moment-là et, bien entendu, toutes les rues étaient fermées à la circulation, y compris à notre motard ! Des coups de téléphone furent donnés à droite, à gauche, la panique était totale.

Le voyageur chargé de ses étranges branches de feuillage eut l'idée géniale de prendre le métro.

Finalement, quelques minutes avant le début de la fête, le Rav Kantor reçut en mains propres la précieuse boîte et l'ouvrit en tremblant d'émotion. Il dit plus tard qu'à ce moment il se sentait comme Rabbi Lévi Its'hak de Berditchev. Les feuilles étaient toutes sèches, recourbées et presque en miettes !

Il consulta à toute vitesse un maximum de livres avant de pouvoir les déclarer cachères. Mais, finalement, elles étaient bel et bien dignes de la Mitsva. Ce fut une grande leçon pour tous les Juifs de Bangkok. Bien qu'ils aient toujours su que chaque Juif est important, cette aventure leur confirma que d'avoir les trois espèces « nobles » (le Loulav, l’Etrog et les Hadassim) ne servait à rien tant qu'il n'y a pas les humbles Aravot, les feuilles de saule, même si elles sont desséchées.

De même, le peuple juif ne peut être complet tant qu'il manque un seul Juif, aussi « desséché » spirituellement soit-il. Nous aussi, nous devons être prêt à le chercher, aussi loin soit-il, même s'il doit nous en coûter 1 800 dollars...