Rabbi Eliyah (Eliyahou) ben Abraham Mizra'hi, à qui on a donné le nom abrégé de « Rom », est connu de tous ceux qui approfondissent l'étude des écrits de Rachi sur le 'Houmach (le Pentateuque). Il est souvent mentionné dans le commentaire de « Siftei 'Hakhamim » que contiennent la plupart des 'Houmachim, à la suite de Rachi.

Rabbi Eliyah est né à Constantinople aux alentours de l'an 5210 (1450), soit il y a plus de cinq siècles. Il y mourut à l'âge d'environ 75 ans. Il fut un disciple de Rabbi Eliyah Halévi, de même que de Rabbi Juda Mintz de Padoue, en Italie.

Avant de devenir Grand-Rabbin de sa ville natale, il dirigea une grande Yéchiva où il enseigna le Talmud et les Codes de la Loi à un grand nombre d'étudiants. À quelques-uns d'entre eux il donnait aussi des cours de mathématiques, d'al­gèbre et d'astronomie, ce qui les aidait à comprendre certaines lois de la Torah,

Une machination

À cette époque, le célèbre Rabbi Moché Kapsali, qui fut un érudit éminent et un homme d'une grande piété, était

Grand-Rabbin de Constantinople. Il vi­vait fort modestement, s'imposait des jeûnes fréquents et se couchait à même le sol. Il s'acquitta de ses fonctions avec une énergie peu commune. Représentant officiel des Juifs auprès du Sultan, et responsable de la collecte de tous les impôts qui incombaient à la commu­nauté, Rabbi Moché en faisait supporter la plus grande partie par les riches juifs ; et ce, malgré qu'il leur imposât également la charge financière de diverses institu­tions toraniques ou charitables. Cela ne pouvait que lui créer beaucoup d'ennemis ; ils travaillèrent à son éviction. Re­courant à la calomnie, ils se plaignirent de lui au Gaon Rabbi Joseph (MaHaRiK) qui était Grand-Rabbin de Manitoba (Italie). Ce dernier, apparemment sans enquêter à fond sur l'affaire, écrivit une lettre aux dirigeants de la communauté de Constantinople, où il les engageait" à ne plus reconnaître comme Grand-Rabbin Rabbi Moché, et à en nommer un autre. Cela souleva une violente controverse, à laquelle beaucoup de rabbins participèrent, les uns pour, les autres contre Rabbi Moché.

Rabbi Eliyah Mizra'hi voulut prendre le parti de Rabbi Moché, bien qu'il eût la quasi-certitude de lui succéder au cas où Rabbi Moché serait contraint de re­noncer à sa charge. Mais le maître de Rom, Rabbi Juda Mintz, lui adressa une lettre où il lui défendait d'intervenir dans cette querelle. Rabbi Eliyah dut s'incliner. Plus tard, le Maharik se rendit compte de son erreur ; sans raison, il avait soupçonné et attaqué le saint Rabbi Moché. Il lui envoya alors son fils Rabbi Perets jusqu'à Constantinople afin qu'il lui exprimât les regrets de son père et lui demandât son pardon, que Rabbi Moché accorda de tout cœur.

À la mort du célèbre Rabbi Moché Kapsali, en l'an 5254 (1494), Rabbi Eliyah Mizra'hi fut nommé pour lui suc­céder comme Grand-Rabbin de Constan­tinople et de toute la Turquie. Il occupa cette haute charge jusqu'à sa mort.

Rabbi Eliyah non seulement remplit les fonctions de chef spirituel des diffé­rentes communautés dont il avait la charge, mais aussi il fut, à l'instar de son prédécesseur Rabbi Moché Kapsali, le représentant officiel des Juifs à la cour du Sultan. En sa qualité de 'Hakham Bachi (Grand-Rabbin), Rabbi Eliyah était membre de la Cour Suprême, au même titre que le Mufti (chef spirituel des musulmans) et le Patriarche grec (chef spirituel des chrétiens). À la mort de Rabbi Eliyah, le siège au sein de la Cour Suprême fut supprimé à la requête des Juifs eux-mêmes, et particulièrement du gendre de Rom, Rabbi Mechoulam.

À cette époque, un grand nombre de karaïtes désiraient se rapprocher du Ju­daïsme. Eux qui, depuis des siècles, for­maient une secte séparée, et croyaient en la Loi Écrite (TaNaKh) seule, à l'exclu­sion de la Loi Orale (Talmud, etc.) s'étaient coupés des Juifs et avaient leurs propres communautés et leurs propres « érudits ». Rabbi Eliyah Mizra'hi et d'autres rabbins, qui ne voulaient pas entendre parler d'un rapprochement quel­conque avec les karaïtes, repoussèrent leurs avances. Mais quand Rabbi Eliyah se rendit compte que certains d'entre eux étaient prêts à se repentir sincèrement, il changea d'attitude et se montra compréhensif à leur égard.

Son œuvre

L'œuvre la plus importante de Rom est son « Séfère Mizra'hi » qui contient des explications profondes du commentaire de Rachi sur le 'Houmach. Tous les passages difficiles de ce commentaire y sont examinés ; en outre, l'auteur y ré­pond aux objections soulevées par le Ramban sur ce même commentaire. L'ou­vrage fut publié après sa mort par son fils Rabbi Israël, à Venise, en l'an 5286 (1526).

Rabbi Eliyah Mizra'hi écrivit égale­ment des Réponses (Chééloth Outechouvoth HaRom) et des ouvrages sur les mathématiques et l'astronomie.

Ses œuvres connurent un succès si du­rable qu'elles inspirèrent divers commen­taires aux auteurs des générations ulté­rieures.

Rabbi Eliyah Mizra'hi fut considéré comme l'un des plus grands rabbins et l'un des plus éminents érudits de son temps. La communauté de Constantinople était à l'époque l'une des plus importan­tes et des plus nombreuses, particulière­ment après l'expulsion des Juifs d'Espa­gne (le 9 Av en l'an 5252-1492).

Rabbi Eliyah fit tout ce qui était en son pouvoir pour aider les pauvres réfu­giés d'Espagne et du Portugal, comme l'avait fait son prédécesseur Rabbi Moché Kapsali. Grâce à lui, beaucoup de Marranos émigrèrent à Constantinople, et trouvèrent en lui l'ami sincère dont ils avaient tant besoin dans leur détresse.