La destruction de Jérusalem n'est pas la seule calamité que nous pleurons à Tichea beAv. Cinquante-deux ans plus tard, la place forte de Béthar, au sud-ouest de la ville, non loin de la Méditerranée, fut capturée et détruite par le général romain Sévère après un siège de deux ans et demi. Voici dans quelles circonstances cette catastrophe nationale eut lieu :

Le cruel et tyrannique empereur Hadrien s'était engagé dans une politique de persécution qui mit à très dure épreuve la patience des Juifs conquis. Il était décidé à briser et à humilier l'esprit indompté de ces hommes. Parmi les nombreuses mesures prises contre eux, l'une d'elles prévoyait l'érection d'une cité païenne sur l'emplacement même de Jérusalem; une autre interdisait la circoncision des enfants juifs et la pratique des préceptes fondamentaux de la Torah.

La tactique de guérillas

Ce qui restait du peuple juif, sous la conduite inspirée de Rabbi Akiba, alors se révolta. Un chef militaire se leva. Ce fut Siméon bar Coziba – nommé Bar Cokhba (« l'Étoile ») par Rabbi Akiba, selon la prédiction biblique : « Issue de Jacob, une étoile s'avancera » – qui, par ses hauts faits et son héroïsme, insuffla à ses frères la foi en la mission Divine dont il était chargé, et qui consistait à délivrer le peuple juif du joug romain.

Adoptant la tactique de guérillas, les légions juives formées en hâte harcelèrent avec succès les troupes du cruel gouverneur de la province de Judée, Tinius Rufus, Jérusalem tomba entre les mains des rebelles. La construction nouvellement commencée des temples et des édifices romains non seulement s'arrêta, mais les structures déjà érigées furent rasées au sol. Un autel fut édifié pour remercier D.ieu de Son aide. Tout le peuple juif, uni, se serrait derrière Bar Cokhba prêt à poursuivre la guerre sainte pour la libération. Quelque temps après, l'empereur romain se rendit compte qu'il fallait réagir énergiquement s'il voulait empêcher la révolte de s'étendre. Il rappela son meilleur général Sévère qui commandait les légions romaines en Bretagne, et l'envoya à la tête d'une puissante armée, en Terre d'Israël afin d'écraser la rébellion des Juifs.

L'expédition s'avéra difficile pour les légions romaines. Bar Cokhba était trop bon stratège pour affronter à découvert les troupes entraînées de Sévère. Il se borna à lancer des attaques-surprises soigneusement préparées, des incursions nocturnes, et à provoquer de petits engagements. Cela ne manqua pas de lasser la patience des Romains, sans parler de la panique où les jetait un ennemi imprévisible, inlassable et qu'ils rencontraient partout. Ils cherchèrent par tous les moyens une occasion pour en finir une fois pour toutes, mais à chaque bataille sérieuse qu'ils espéraient, les Juifs, qu'ils croyaient enfin acculer au combat, leur glissaient entre les doigts. L'issue devenait si incertaine que l'empereur Hadrien lui-même vint de Rome diriger les opérations. De longs mois se passèrent et de rudes et implacables combats eurent lieu avant que Jérusalem succombât. Sur son emplacement même, la ville romaine d'Eolia Capitolina fut fondée.

La faute de Bar Cokhba

Pendant ce temps, le gros des forces de Bar Cokhba et la population juive des petites villes et villages s'étaient fortifiées dans la citadelle de Béthar, juchée sur un piton pratiquement inaccessible. Hadrien qui l'ignorait reprit le chemin de Rome, laissant le soin de cette dernière conquête à Sévère, ne doutant pas que la forteresse serait une proie facile pour les vétérans qui constituaient les légions romaines.

Béthar, surpeuplée, était reliée à Jéricho et à Lydda par des passages souterrains. Une quantité suffisante de nourriture passait à travers eux pour permettre à Bar Cokhba de résister. L'eau potable ne manquait pas, et la détermination et le courage de la population allaient croissant.

Les Romains tentèrent de prendre la place forte d'assaut, mais ils furent repoussés et durent battre en retraite à plusieurs reprises, avant de réussir à ouvrir une brèche dans les puissantes murailles qui la protégeaient. Ils manœuvrèrent en vain dans le but de contraindre à une bataille en règle les troupes de Bar Cokhba. Sévère commençait à se lasser de cette longue inactivité forcée, ou des insignifiantes attaques contre Béthar. Finalement, alors qu'il songeait déjà à abandonner le siège, un Samaritain lui proposa un plan grâce auquel, avec l'aide de ce dernier, ils arriveraient à pénétrer dans Béthar.

Empruntant un passage secret, le Samaritain s'introduisit clandestinement dans la ville et se rendit à la maison de Rabbi Elazar Hamodaï. Le saint homme n'avait pas cessé de prier et de jeûner depuis le début du siège. Et aussi longtemps qu'il priait et observait le jeûne, l'implacable machine de guerre des Romains se trouvait bloquée devant les murs de la place forte. Le rusé Samaritain le savait. Une fois dans la maison de Rabbi Elazar, il se plaça derrière lui et feignit de murmurer quelque chose à son oreille. Comme il fallait s'y attendre, le Sage n'y fit même pas attention et continua à prier. Cela suffit cependant pour donner naissance à des rumeurs qui s'enflèrent à mesure qu'elles circulaient ; et l'on en arriva à affirmer qu'un Samaritain suspect avait rendu visite au saint homme, et que tous deux conspiraient pour provoquer la chute de la ville. Le Sage dut se présenter devant Bar Cokhba pour s'expliquer. Il n'avait rien à se reprocher. Le grand général entra alors dans une si violente colère que, perdant tout contrôle, il frappa le vénérable Sage. Le vieillard, extrêmement affaibli par plusieurs mois de jeûne, tomba et rendit le dernier soupir. C'est alors qu'une voix venue du Ciel se fit entendre annonçant la chute prochaine de Béthar.

Le châtiment divin

Désormais, la situation ne fit que se détériorer. La stratégie des Romains, jusqu'alors si facilement tenue en échec, s'avéra tout à coup d'une étonnante efficacité. L'ennemi monta à l'assaut de la forteresse, ouvrit une brèche dans ses murs et, s'y infiltrant, l'investit sans peine. Les Romains massacrèrent plusieurs dizaines de milliers de Juifs pris au piège dans ce dernier refuge de la rébellion. Bar Cokhba lui-même tomba en combattant. Et Sévère, le fier général romain, en arriva à admettre que ce fut par l'effet d'un châtiment divin que l'inexpugnable forteresse était tombée entre ses mains.

Aussi cher que coûta cette révolte aux Romains, elle coûta bien plus cher aux Juifs à qui il ne fut même pas permis d'enterrer leurs morts, et dont le sang forma de longs ruisseaux qui coulèrent jusqu'à la mer.