Plein de mauvais sentiments, Titus arracha le rideau du Beth Hamikdache, et s'en servant comme d'un sac, y enveloppa les vases sacrés. Puis, ayant détruit le saint Temple et Jérusalem, il reprit le chemin de Rome.
Il était en mer quand il essuya une tempête si violente qu'il se fallut de peu que son navire ne naufrageât. Il fut pris de terreur en pensant que le Tout-Puissant pouvait lui tenir rigueur d'avoir rasé le Beth Hamikdache. Il se ressaisit cependant et lança d'une voix dont la brutalité révélait la peur toujours présente : « Il semble que le Dieu des Juifs ne soit puissant que sur les mers. C'est dans les flots qu'il fit périr les Égyptiens, par les eaux que Sisséra connut une sanglante défaite. S'il est réellement si puissant que cela, pourquoi n'attend-Il pas que je sois sur la terre ferme pour lutter avec moi ? »
Du ciel une voix se fit entendre que lui répondit : « Misérable, fils de misérable, triste produit de la graine d'Esaü ! Une seule parmi les plus petites de Mes créatures, un moucheron, suffira pour t'abattre ; et ce sera, comme tu le désires, sur terre et non sur les eaux ! »
La tempête se calma, et Titus arriva sans encombre à Rome. Tous les Romains se portèrent à sa rencontre ; ils venaient honorer le fils de Vespasien qui avait conquis et détruit Jérusalem et son saint Temple. Un banquet somptueux fut organisé en l'honneur du général victorieux. On y mangea, on y but et l'on chanta les louanges du héros incomparable.
Les réjouissances battaient leur plein quand un moucheron qui voletait autour de la tête de Titus pénétra tout à coup dans une de ses narines. Celui-ci voulut l'expulser, mais tous les efforts qu'il fit ne servirent qu'à enfoncer l'insecte plus profondément dans son nez. Quelques jours après, une infection se déclara ; des douleurs à la tête apparurent qui, de légères, devinrent vite intolérables. Aucun des médecins consultés n'y trouva un remède. Titus commença à souffrir. Son supplice devait durer pas moins de sept ans.
Un jour qu'il passait à proximité d'un atelier de forgeron qui tapait avec force de son marteau, il se sentit soudain soulagé. Il s'arrêta et constata que le vacarme intense de l'atelier était cause de ce bien-être subit. Lui qui, en raison des douleurs lancinantes, était convaincu que la mouche toujours vivante dans son cerveau ne cessait de le perforer, pensa que le bruit fait par le forgeron calmait l'odieux insecte. Il décida d'avoir recours à ce moyen pour soulager ses souffrances. Et, chose curieuse, cela lui réussit. Un forgeron vint donc tous les jours faire avec son marteau le vacarme indispensable. Celui qui venait le plus souvent était un païen. Titus trouvait juste de rémunérer ses efforts. Mais quand, par hasard, le païen étant empêché de se rendre au palais, on faisait appel à un forgeron juif, Titus refusait de le payer, arguant du fait que ce dernier était largement récompensé par la vue de ses souffrances.
Cela dura trente jours. Puis le bruit cessa soudain de faire son effet. Pour Titus, la mouche s'était accoutumée au vacarme, qui ne la dérangeait plus dans son oeuvre destructrice. Les douleurs reprirent de plus belle. Elles le torturèrent sept ans durant, comme nous l'avons dit. Il connut enfin une mort horrible.
Les lumières de 'Hanouccah
Les lois imposées par les Romains en Erets Israël étaient d'une dureté sans égale. Les empereurs, froidement cruels et assoiffés de sang, persécutèrent les Juifs par tous les moyens en leur pouvoir. Ces derniers tentèrent souvent de secouer le joug en se soulevant et en affrontant un ennemi infiniment plus puissant qu'eux. Ils firent preuve de beaucoup d'héroïsme. Mais l'heure de la délivrance n'a pas sonné. Les Juifs durent subir les exils les plus cruels.
L'empereur Trajan eut un fils juste le jour de Tichea beAv, quand les Juifs pleuraient sur la destruction du saint Temple. Ce prince ne vécut pas longtemps ; il mourut juste avant la célébration de 'Hanouccah par les Juifs. Et ceux-ci de se consulter : « Devrons-nous allumer les bougies de 'Hanouccah ? Il y aurait pour nous un grand danger à le faire ». Ils résolurent enfin que quoi qu'il arrivât, ils ne transgresseraient pas cette sainte Mitsva. Et ils allumèrent les Lumières de 'Hanouccah.
La femme de Trajan fut informée que lorsqu'elle avait mis au monde son enfant, les Juifs se désolaient ; et maintenant que ce dernier était mort, ils allumaient des bougies. L'impératrice en fut outrée. Son mari était absent de Rome, il faisait la guerre aux Barbares. Elle lui écrivit l'incitant à abandonner sa lutte contre ces derniers et à diriger plutôt son action contre les Juifs dont il fallait mater la rébellion.
Trajan s'embarque sur une galère à destination d'Erets Israël. Il compte l'atteindre en six jours ; mais des vents favorables le font arriver en la moitié du temps prévu. Il fait irruption dans un Beth Hamidrache (une maison d'étude de la Torah) et constate que les Juifs sont en train d'étudier le verset qui dit : « L'Éternel vous enverra une nation lointaine... qui arrivera aussi rapide que l'aigle. »
– Je suis cet aigle ! leur dit Trajan, et il fit assassiner tous les Juifs de la ville. Le sang juif coula à flots et le ciel se lamenta : « Pour ceux-là Je pleure. »
« Pour ceux-là Je pleure »
Ce même Trajan captura un jour deux guerriers juifs qui avaient combattu héroïquement contre lui. C'étaient deux frères, ils se nommaient Lulianus et Papus. « Vous descendez de la nation dont sont issus 'Hananiah, Mishaël et Azariah que votre Dieu a sauvés de la fournaise où les avait fait jeter Neboukhadnétzar, leur dit-il. Qu'il vous sauve maintenant à votre tour ! »
Les deux captifs répondirent : « 'Hananiyah, Mishaël et Azariyah étaient dignes d'un tel miracle. Neboukhadnétzar aussi avait un mérite spécial pour qu'un miracle pût être accompli par son intermédiaire. Mais vous vous êtes un scélérat, vous ne méritez pas que par votre truchement un miracle s'accomplisse. Nous aussi avons péché ; nous devons donc le payer de nos vies. Le Tout-Puissant avait le choix des moyens pour nous ôter la vie. C'est vous toutefois qu'il a choisi, afin que vous receviez votre juste châtiment. Car l'Éternel ne manquera pas de vous demander compte de notre sang. »
Sans se soucier de ces propos, Trajan fit exécuter les deux prisonniers. Leurs prévisions ne tardèrent pas à se réaliser. Peu après une rébellion éclata à Rome, et Trajan connut une mort atroce.
Le cruel Hadrien
Hadrien surpassa en cruauté tous les autres empereurs romains. Un jour, il croise dans la rue un Juif qui le salue. L'empereur l'arrête. « Qui es-tu ? », lui demande-t-il. – Un Juif.
« Comment oses-tu, rugit l'empereur, toi, un Juif, saluer le tout-puissant Hadrien ? » Et il donna l'ordre de décapiter le Juif sur-le-champ.
Un autre Juif survint qui savait le sort qu'avait connu son coreligionnaire. Il se garda de saluer l'empereur. Celui-ci l'arrête et lui demande qui il est.
– Un Juif, répond l'homme.
– Comment oses-tu, réplique l'empereur avec colère, toi, un Juif, croiser le tout-puissant Hadrien et ne pas le saluer ? » Et il donna l'ordre qu'on trancha aussi la tête à celui-ci.
Même les conseillers d'Hadrien, qui ne le cédaient pourtant à personne pour la cruauté, se trouvèrent déconcertés par un comportement dont la logique leur échappait totalement. « Eh quoi ! lui demandèrent-ils, où est la logique de cette loi ? Vous faites trancher la tête à celui qui vous salue, et à celui qui ne vous salue pas ? » Et Hadrien de répondre : « Croyez-vous que j'aie besoin de vos conseils quant à la manière de tuer les Juifs que j'abhorre ? »
L'espoir réconfortant
Ensemble, Rabbi Gamliel, Rabbi Elazar ben Azariah, Rabbi Josué et Rabbi Akiba prirent le chemin de Jérusalem. Quand ils parvinrent à Har Hatsofim et virent la ville en ruine, ils lacérèrent leurs vêtements. Étant parvenus au mont où se dressait naguère le saint Temple, ils virent un renard se glisser du lieu qui avait été le Saint des Saints. Ils fondirent en larmes, à l'exception de Rabbi Akiba qui souriait. Les grands Sages en furent surpris.
– Pourquoi es-tu si heureux, Rabbi Akiba ? demandèrent-ils.
– Pourquoi êtes-vous si tristes ? fut la réponse.
– Quelle question ! En ce lieu saint dont la Torah dit : « L'étranger qui y pénètre mourra », où le Grand Prêtre lui-même ne pouvait avoir accès qu'un seul jour par an, à Yom Kippour, là errent maintenant les renards...
– C'est justement ce qui me réconforte, fit Rabbi Akiba. De même que se sont réalisées les paroles du prophète sur la destruction, ainsi se réaliseront celles sur la Rédemption. Jérusalem sera reconstruite et les Juifs sortiront de l'exil.
Les Sages essuyèrent alors leurs larmes. « Akiba, lui dirent-ils, tu nous as vraiment réconfortés. »
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