Le siècle qui vient de s’écouler est considéré par l’ensemble des sages du peuple juif contemporains comme étant celle de « Ikvéta diMéchi’ha » – « le talon du Machia’h », c’est-à-dire la période qui précède immédiatement la Délivrance. On eut pu s’attendre à ce que cette période soit paisible, marquée par une progression globale dans le sens positif. Toutefois, lorsque l’on considère l’ensemble des évènements qui ont émaillé l’histoire récente, on constate qu’il n’y a jamais eu de période aussi dramatique dans l’histoire de l’humanité.
Des guerres terribles, des malheurs effroyables qui ont frappé l’humanité en général et le peuple juif en particulier, une confusion généralisée, une obscurité spirituelle absolue et un désespoir croissant ont caractérisé les dernières décennies. On peut légitimement se demander où est le Machia’h dans un tel tableau. Où est donc la Délivrance tellement annoncée ? Peut-on raisonnablement envisager que ces évènements constituent les stades préparatoires de l’avènement messianique ? Il semble au contraire que nous ayons assisté (et continuons à assister) au summum de l’exil aussi bien matériellement que spirituellement !
Il est intéressant de noter que cette analyse est unanimement partagée : tous les observateurs s’accordent sur le fait que nous sommes au plus profond de l’exil et c’est précisément de cette constatation que découle leur assurance que la Délivrance est plus proche que jamais.
L’exil est comme des semailles
Cet apparent paradoxe est dû à la nature intrinsèque du concept d’exil. Celui-ci n’a pas uniquement pour objet de constituer un châtiment pour le peuple juif. Cet aspect des choses est trop limité et superficiel. En effet, D.ieu n’avait-Il aucun moyen pour faire expier les fautes de nos ancêtres autre que ce terrible exil qui se poursuit depuis deux mille ans ? Il est évident que si l’on considère simplement l’exil comme un châtiment, il n’y a pas lieu de dire que nous sommes au seuil de la Rédemption. Lorsqu’un prisonnier approche du terme de sa peine, il n’est pas d’usage d’alourdir ses conditions de détention au point de les rendre insupportables. Si tel est effectivement le cas en ce qui nous concerne, c’est parce l’exil a une autre cause, bien plus profonde.
Le Talmud compare l’exil aux semailles. Il donne sur le verset « Je la sèmerai pour moi dans la terre. »1 le commentaire suivant : « Si un homme sème un séa’h (une petite mesure) de grain, c’est uniquement dans l’intention de récolter plusieurs kourim (une mesure très abondante). »Le Talmud explique la teneur de l’exil en lui appliquant ce raisonnement : « Le Saint béni soit-il n’a exilé le peuple juif que dans le but que des convertis s’ajoutent à lui. »
Le processus de la germination implique que la graine commence par pourrir et se décomposer dans le sol. Cependant, le résultat final est que la plante qui en résultera produira un grand nombre de grains. Le paysan qui sème des tonnes de blé de premier choix en ayant pleinement conscience que celui-ci va se décomposer dans la terre ne le fait que parce qu’il est convaincu qu’il en retirera une récolte bien plus abondante que son investissement. Là où un observateur ignorant ne verrait que pourriture et destruction des semences, l’agriculteur avisé voit la germination de sa future récolte.
C’est avec cette perspective que nous devons considérer l’exil : sa cause superficielle est constituée par les fautes de nos ancêtres, mais sa raison profonde est la tâche et la mission divine que le peuple juif accomplit en exil. Cette « descente » n’a pour finalité que « l’élévation » qui s’ensuivra et, le jour venu, les bienfaits extraordinaires qui découleront des souffrances de l’exil seront apparents.
La mission s’achève
La « moisson » que nous récolterons à la suite à l’exil sera essentiellement le raffinement du monde et ses conséquences. La dispersion du peuple juif a eu pour finalité de diffuser la lumière de la sainteté dans le monde entier et de « délivrer » les étincelles divines qui s’y trouvaient enfouies. Lorsqu’un Juif étudie la Torah ou accomplit une Mitsva quelque part, il sanctifie cet endroit et « délivre » les étincelles de sainteté qui s’y trouvaient depuis la création du monde.
Cela est vrai sur le plan géographique, mais aussi sur le plan des valeurs morales : le peuple juif a connu un exil en terme de morale et de spiritualité, depuis l’âge d’or spirituel jusqu’à l’époque la plus obscure dans un processus décroissant.
Tout au long de son exil, le peuple juif a affronté toutes les situations imaginables et subi toutes les conditions, et dans celles-ci il a fait se révéler la lumière de la Torah et des Mitsvot. Il ne nous reste plus qu’à achever de triompher de l’ère actuelle de confusion des valeurs et de nuit spirituelle qui est sans précédent. Lorsque les Juifs vivent aujourd’hui une vie empreinte de foi, qu’ils ne se laissent pas abattre par l’obscurité de l’exil, mais au contraire restent attachés à la Torah et aux Mitsvot et repoussent les ténèbres spirituelles en diffusant la lumière de la sainteté, ils achèvent alors la mission que D.ieu leur a confiée et préparent le monde entier au dévoilement divin, qui, comme le dit Isaïe, recouvrira le monde « comme l’eau recouvre le fond des océans », avec la venue du Machia’h très bientôt.
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