Ainsi parla D.ieu : Je me rappelle l’affection de ta jeunesse, ton amour au temps de tes fiançailles, quand Tu me suivais dans le désert, dans une région inculte.

Jérémie 2, 2

Dans ce monde, [le lien de D.ieu avec Son peuple] fut un engagement – comme il est écrit : « Je te fiancerai à Moi pour toujours »1, et D.ieu ne leur donna que la lune, comme il est écrit : « Ce nouveau mois (lunaison) sera pour vous… »2 Mais aux jours de Machia’h, il y aura un mariage, comme il est écrit : « Ton mari, ton Créateur »3, et alors D.ieu leur donnera tout, comme il est écrit : « Et les sages resplendiront comme l’éclat du firmament et ceux qui auront dirigé la multitude dans le droit chemin, comme les étoiles, à tout jamais. »4

Midrach Rabba, Chemot 15:30

Nous habitons une réalité qui se définit par deux aspects essentiels: l’être et le néant. Une chose soit, soit n’est pas, est soit manifeste, soit réprimée, en mouvement ou au repos, positive (chargée d’énergie) ou négative (non chargée d’énergie). Les phénomènes les plus complexes eux-mêmes constituent la somme de nombreux degrés de présence ou d’absence. Une fois que tout a été dit et fait, tout se réduit à la convergence d’un certain nombre de « oui » et d’un certain nombre de « non ». Les « non » tracent les paramètres d’une chose, établissant ce qu’elle n’est pas, tandis que les « oui » sont l’essence de ce qu’elle est. (Un morceau de bois rouge d’un mètre n’est pas un morceau de bois d’un mètre vingt, n’est pas vert, bleu ni jaune, n’est pas de la pierre ou du fer, etc. Les « non » constituent les limites du morceau de bois, de son être et de ce qui le distingue des autres objets, alors que les « oui » ont un lien avec ce qui se trouve à l’intérieur des limites : la nature et les caractéristiques de ce morceau de bois lui-même.)

Au Mont Sinaï, lorsque D.ieu Se révéla à nous, et nous donna la Torah, nous nous consacrâmes à Lui comme sa jeune épousée« D.ieu regarda dans la Torah et créa le monde. »5 C’est pourquoi la nature binaire de la Création reflète la division de la Torah en règnes positif et négatif. « Je suis l’Éternel ton D.ieu »6, le fondement des commandements positifs (Mitsvot Assé) est complété par « Tu n’auras pas d’autres dieux que Moi »7, l’essence de tous les commandements négatifs (Mitsvot Lo Taassé) ; « Aime ton prochain comme toi-même »8 est la contrepartie positive de « Tu ne haïras ton frère dans ton cœur »9 et « Souviens-toi du jour du Chabbat »10 fait écho à « Ne fais aucun travail… le septième jour ».11 La Torah commande de créer la vie12 et interdit de la détruire13 ; elle prescrit de consommer du pain non levé à Pessa’h,14 et interdit tous les aliments levés pour la durée de la fête15, et ainsi de suite.

Le mariage tel qu’il est prescrit par la Torah inclue également aussi bien une composante « affirmative » qu’une composante « négative ». Selon la loi de la Torah, un mariage consiste en deux étapes distinctes. D’abord viennent les Kiddouchine (« consécration », appelés également Eroussine : « engagement, fiançailles »16 ) : le jeune homme donne à la jeune fille un objet de valeur (traditionnellement un anneau) et en retour, la jeune fille se consacre à lui, avec l’effet qu’« elle devient interdite au reste du monde ».17 A partir de là, si elle se lie physiquement à un autre homme, cela constitue un adultère et dissoudre les kiddouchine requiert un guett (un acte de divorce), comme pour un mariage déjà célébré. Pourtant, le but du mariage n’est pas d’interdire « au reste du monde » de vivre avec elle, mais d’établir une union entre deux personnes. C’est là la fonction des Nissouine (« mariage »), accomplis par la ‘Houpah (le dais nuptial), le Yi’houd (isolement du couple après le mariage) et les Chéva Bera’hot (les sept bénédictions nuptiales) qui font des époux « une seule chair ».18

En d’autres termes, les Kiddouchine définissent les paramètres d’une relation, libérant un « espace » dans lequel elle peut exister, alors que les Nissouine remplissent cet espace de l’essence de la relation elle-même. 

Défendre les frontières

Comme nous l’avons dit, les Kiddouchine et les Nissouine constituent deux phases distinctes dans le processus du mariage. Et de fait, à l’origine, les Kiddouchine avaient lieu bien plus tôt, après quoi la fiancée continuait à vivre chez ses parents pendant que le couple se préparait aux Nissouine, qui se tenaient généralement un an plus tard.

(Ce n’est qu’au cours des siècles derniers quand les tribulations de l’exil ont ébranlé la stabilité de la vie juive et souvent causé la dispersion soudaine des communautés qu’il a été jugé préférable de ne pas créer un lien de mariage entre un jeune homme et une jeune fille qui ne vivraient pas ensemble. C’est là qu’est née la pratique en usage de nos jours qui consiste à célébrer les Nissouine immédiatement après les Kiddouchine, combinant les deux étapes du mariage en une cérémonie unique.)

Nos Sages nous disent qu’au Mont Sinaï, lorsque D.ieu Se révéla à nous, et nous donna la Torah, nous nous consacrâmes à Lui comme sa jeune épousée. Néanmoins, cela ne constitua que l’étape des Kiddouchine de notre mariage. Notre lien avec Lui ne sera complet qu’à la venue du Machia’h, lorsque D.ieu et Israël seront unis par les Nissouine.

Cela ne signifie pas pour autant que notre relation avec D.ieu est aujourd’hui exclusivement « négative », comme on l’a noté ci-dessus. Nos engagements envers Lui incluent à la fois les « commandements positifs » et les « interdictions ». Cela veut dire qu’aujourd’hui, nous ne sommes capables que d’établir les « paramètres » de notre relation et non d’en réaliser le contenu quintessenciel. Aujourd’hui, notre relation avec D.ieu se définit par notre engagement à Lui et notre aspiration à nous unir à Lui, mais sans l’expérience tangible de l’union elle-même. Nous languissons après Lui comme la jeune fiancée aspire à vivre avec son fiancé, mais dont les sentiments ne sont qu’un pâle reflet de l’amour qui naît du mariage lui-même.

Pendant trente-trois siècles, nous avons créé l’« espace » pour notre mariage avec D.ieu et ardemment défendu ses frontières. Nous sommes restés fidèles à Lui face à toutes les cultures et tous les « ismes » qui ont tenté de nous séduire. Nous avons affirmé notre identité en tant que Son peuple, exclusivement consacré à Lui. Nous sommes maintenant prêts au mariage, à l’expérience réelle du divin comme étant la réalité la plus intime de notre vie.

Basé sur Hitvaadouyot 5711 vol. 2, p. 142; Likoutei Si’hot vol. 19, pp. 215-220; Sefer HaMaamarim Meloukat vol. 4, pp. 237-241.