Question :
J’aimerais avoir des informations concernant le mauvais œil dans le Judaïsme et sa spiritualité.
Merci de vos réponses et de vos renseignements.
Réponse :
L’idée du mauvais œil est la suivante :
Il arrive que quelqu’un, au vu de la richesse ou de l’abondance dont bénéficie autrui, en conçoive de l'étonnement. Pas nécessairement de la jalousie et encore moins de la malveillance. Juste de l'étonnement devant l’ampleur de cette richesse qui était, pour lui, inattendue.
Or, le Tribunal Céleste juge en permanence les personnes, et les anges accusateurs « tiennent des dossiers » sur chacun d'entre nous. Dès lors, si cette personne bénéficie de cette richesse, c’est bien parce qu’il en a été jugé méritant.
Mais, lorsqu’un Juif ou une Juive est surpris(e) de cette richesse, les anges accusateurs s’empressent d’ajouter cela au dossier comme argument à charge, arguant que si cette personne est surprise, c’est certainement que cette richesse n'est pas méritée. Ils exigent donc qu’elle lui soit retirée.
C’est la raison pour laquelle, lorsque nous sommes exposés au bonheur d’autrui (qu'il s’agisse d'opulence matérielle, d’heureux événements, de réussite, etc), nous disons bli ayin hara (« sans mauvais œil »), pour préciser que notre éventuel étonnement n’est pas du tout une contestation de cette réalité. Certains disent Ben porat Yossef (« Celui-ci fait partie de la descendance de Joseph »), car le mauvais œil n’a pas d'emprise sur la descendance de Joseph. Ou tout simplement Baroukh Hachem, « D.ieu soit loué » d’avoir accordé tant de bien à cette personne, puisse-t-Il lui en rajouter encore.
Ce mécanisme du mauvais œil met en relief le pouvoir de notre regard, s’agissant à la fois de notre vision physique et de notre « vision des choses » qui se nourrissent mutuellement. Nos yeux sont ainsi un organe qui fonctionne dans les deux sens : il y a bien sûr la fonction organique qui, faisant rentrer les rayons lumineux, permet à notre cerveau de se représenter en images la réalité qui nous entoure. Mais nos yeux projettent également vers l’extérieur notre regard qui est, nous l’avons dit, une force spirituelle à même d’agir sur cette réalité.
Nous avons ainsi une responsabilité, non seulement de nous garder de causer un quelconque tort à autrui avec notre regard, mais également de projeter un regard positif et constructif sur le monde qui nous entoure. L’étude de la Torah, et en particulier de sa partie profonde révélée dans la ‘Hassidout, permet d’éduquer et de construire un regard à même de déceler le bien intrinsèque présent en toute chose, y compris les plus improbables.
Nos Sages ont enseigné que l’une des premières questions que l’on se voit poser lorsqu’on accède au monde futur est « As-tu attendu la délivrance messianique ? »1 Or, la racine du verbe hébraïque employé ici pour « attendre », letsapoth, est à rapprocher de litspoth qui signifie « observer, scruter », comme une sentinelle qui scrute l’horizon espérant à chaque instant y voir le rivage tant attendu. Il nous appartient dès lors de diriger sur le monde qui nous entoure un regard nourri de cette expectative messianique, à même de distinguer – et donc de révéler – en chaque chose son potentiel de bien. Chaque chose est en effet une manifestation de la volonté divine et possède sa place dans le plan divin.2
De même que nous distinguons le positif chez l’autre, puissions-nous être conscients de nos propres potentiels. Et de même que nous nous réjouissons du bien de tous nos prochains, puissions-nous également mériter les bienfaits de D.ieu et particulièrement le plus grand de tous les bienfaits : l’ère de prospérité, de paix et de révélation divine qu’amènera la révélation du Machia’h.
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