Etan Anthony
1er Lieutenant/US Marine Corps Reserve
E Co, 4th Recon BN

C’est vers la fin de notre mission en Afghanistan que j’ai appris à mettre les Téfiline dans notre abri entre les patrouilles que nous devions effectuer d’un village à l’autre. Là, j’avais cinquante autres Marines avec moi qui se protégeaient les uns les autres. Nous nous sentions presque invincibles. Mais quand j’ai été envoyé en Irak, j’étais soudain un unique officier de Marines juif parmi des centaines de soldats irakiens dans une région isolée près de la frontière syrienne, j’ai dû vivre en gardant mon identité religieuse pour moi-même.

Je me souviens du sentiment de solitude que j’éprouvais à la lisière entre l’Irak et la Syrie, regardant au loin dans le désert et rêvant de me rendre en Israël qui n’était qu’à quelques 200 Km de là. Je riais intérieurement en imaginant que je pourrais y faire un aller-retour dans la même journée sans que personne s’en aperçoive. Si proche, mais séparé par un monde. C’était une torture. Peut-être que Moïse avait ressenti la même chose lorsqu’il lui avait été défendu de pénétrer en Canaan. J’espère que non.

En tant qu’instructeur intégré à une division de 1500 soldats irakiens, je devais cacher mon identité vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Aux yeux des Irakiens que j’entraînais, j’étais un Américain chrétien aux yeux bleus comme les autres. Mes collègues (tous les neuf) comprenaient ma situation et savaient que ma religion devait rester secrète. Je ne pouvais même pas avoir « juif » sur ma plaque d’indentification. Nous avions deux traducteurs irakiens qui vivaient avec nous, et au bout de quelques mois, nous avions tissé des liens de confiance et ils ont su quelle était ma religion, mais j’ai toujours senti que je devais surveiller mes arrières avec d’autant plus d’attention. J’avais toujours peur que mon identité religieuse soit révélée d’une manière ou d’une autre et qu’un officier irakien qui me faisait des sourires à un moment mette ma tête à prix dix minutes plus tard.

Mon seul moment de consolation, c’était d’aller dans notre tente à notre base, de me mettre derrière mon sac de couchage qui était suspendu au plafond et de mettre là-bas mes Téfiline et mon Talith (qui m’avaient été offerts par le Aleph Institute) pour réciter le Chema et la prière quotidienne. Mes camarades trouvaient que c’était un rituel étrange, mais témoignaient une respectueuse compréhension et, de temps à autre, même une pincée de curiosité. On m’a dit que les officiers juifs ne représentaient qu’un demi pour cent du corps des US Marines. Oui, nous sommes si peu, mais tout aussi fiers.

Ayant grandi dans une famille juive non pratiquante, à Hollywood en Californie, je n’avais jamais envisagé de mettre les Téfiline. Lors d’un voyage en Israël avec un mouvement de jeunesse, un groupe de ‘Hassidim ‘Habad à Jérusalem m’a proposé de mettre les Téfiline et de dire une prière. J’étais un adolescent rebelle et j’ai trouvé que c’était une drôle de bizarrerie. Mais en Irak où les mines, les bombes en bord de route, les snipers et les fusillades sont quotidiens et où je savais que chaque jour pouvait être pour moi le dernier, je chérissais mes Téfiline.

C’était mon bouclier invisible. Je les mettais sur moi pendant que je disais mes prières, mais même après les avoir enlevés, je ressentais que la présence de D.ieu allait rester avec moi et m’accompagner pendant cette journée encore. Ou au moins me donner le courage d’affronter ma mort si mon heure devait sonner. J’ai toujours cru en D.ieu, mais me trouver dans un environnement de combat avec un haut degré de stress a permis à mon amour de D.ieu de prendre toute sa dimension.

Depuis que je suis revenu d’Irak, j’ai repris une vie presque normale et, me sentant moins vulnérable, j’ai mis mes Téfiline de côté. Mais après avoir écrit ce message, je réalise qu’aussi bien en étant dans une zone de combat, entouré d’ennemis potentiels qui peuvent ou non avoir la haine des Juifs (sans parler d’un Juif officier des Marines), qu’en étant à la maison au milieu des tribulations, du chaos et des tentations de la vie américaine, le fait de porter mon « bouclier » divin sur mon corps et mon esprit pour me maintenir dans Sa puissance et Son amour était tout aussi important maintenant que ça l’était dans le désert irakien. Je m’étais peut-être senti plus en danger en Irak, mais avec mes Téfiline, mon Talith et ma prière, je me sens maintenant plus entier et accompli, comme si je rapprochais l’esprit de D.ieu de moi.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle j’ai recommencé à les mettre, ici aux États-Unis.