Comme souvent les grandes civilisations, l’Occident a su construire, au fil du temps, des sociétés fières d’elles-mêmes, de leur réussite et de leur puissance. Il a su cultiver sa vision du monde et, dans son expansion, la transmettre à toute la planète. Renonçant parfois au bénéfice d’inventaire, la plupart des hommes ont fini par adopter, avec plus ou moins d’enthousiasme, cette vision. Qui n’aspire pas à la liberté, au bonheur et à l’abondance présentés comme le but de l’Histoire ? Certes, tout cela avait un prix : un certain renoncement à son propre héritage d’esprit et de cœur au profit d’une culture mondialisée, quelques exclus du merveilleux projet, dépassés par ce nouveau monde, une certaine destruction des cadres de vie, des tensions diverses, plus ou moins inquiétantes. Mais au moins le rêve avait-il toujours les couleurs de l’avenir. Au moins semblait-il toujours en état de structurer les fameux – et éternellement attendus – lendemains qui chantent. Et voilà qu’il suffit d’un rien…
Il aura donc suffi d’une tempête financière, de chiffres qu’on a peine à se représenter tant ils alignent de zéros, de courbes hier conquérantes qui découvrent, peut-être avec effroi, le chemin des abîmes, pour que toute cette belle construction montre ce qu’elle est : un édifice assez léger pour grandir sous l’effet de vents porteurs mais qui menace d’effondrement ceux qui y ont trouvé abri quand les vents sont contraires. Mais comment ce qui semblait si solide peut-il, si brutalement, devenir si fragile ? Comment un si brillant système peut-il en arriver à ruiner tant d’existences ? N’est-ce pas aussi parce qu’il y manquait un élément qui, invisible, donne assise et fermeté comme la solide structure interne d’une construction aérienne ? Et si, finalement, cela s’appelait une âme, un sens des choses ? Et si les turbulences actuelles étaient l’occasion de les retrouver ?
Lorsque l’environnement habituel est bousculé, voici que nous retrouvons la fragilité des choses. Voici que l’instabilité, que nous avions parfois cru avoir conjurée, revient comme une règle qui s’impose avec toute la force des choses longtemps contenues. De cette instabilité, il est possible de faire germer un sentiment essentiel. La seule matérialité ne peut constituer un mode de vie. La poursuite incessante et jamais satisfaite d’une richesse par nature éphémère ne peut être chemin de vie. Alors, il faut lui donner sens. Nous savons que le judaïsme trace une voie dans ce monde, qu’il sait y conduire chacun pour le bonheur, la liberté… Un rêve ? Comme tous les espoirs, mais il sait ne pas s’effondrer.
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