C’est un principe fondamental de la foi juive que l’histoire aboutira à une rédemption universelle, annoncée par un dirigeant universel appelé Machia’h (messie, « l’oint »).1 Machia’h ouvrira une ère nouvelle de paix, de prospérité et d’autonomie pour le peuple juif, leur permettant de se consacrer à l’étude de la Torah, d’accomplir toutes les mitsvot et d’illuminer le monde entier.2

Avant et après la guerre du Golfe, le Rabbi cita de manière répétée cette prédiction rapportée dans le Midrash selon laquelle « le roi de Perse menacera le roi d’Arabie » avant la venue du Machia’h.3 Il interpréta également les lettres hébraïques de l’année comme un acronyme renvoyant à la prophétie messianique : « Je te montrerai des merveilles comme aux jours de ta sortie d’Égypte. »4 Bien que Saddam Hussein ait menacé Israël d’armes chimiques, le Rabbi affirma qu’il n’y avait rien à craindre.5

Les États-Unis envahirent l’Irak le 17 janvier 1991, et l’Irak répondit en lançant le premier des 39 missiles Scud qu’il tira contre Israël. Malgré l’attaque, le nombre de victimes fut au moins soixante fois inférieur aux prévisions.6 Bien que l’Irak possédât alors la quatrième armée au monde, la coalition internationale remporta la victoire en quelques semaines.7

Bien que Saddam Hussein ait menacé Israël d’armes chimiques, le Rabbi affirma qu’il n’y avait rien à craindre.

Les miracles révèlent la présence de D.ieu dans le monde physique. Par conséquent, les miracles annoncent l’ère messianique, durant laquelle le monde sera empli de la connaissance de D.ieu. Mais les miracles interrompent l’ordre naturel, au lieu d’éclairer le monde de l’intérieur. C’est pourquoi le Rabbi exhorta les Juifs du monde entier à œuvrer pour rendre le monde plus divin.8

Ces appels culminèrent peu après la fin de la guerre. Le 28 Nissan 1991, le Rabbi transmit directement la responsabilité de conduire ce processus à ses auditeurs :

Que puis-je encore faire pour que tout le peuple juif s’agite, crie véritablement, et amène effectivement le Machia’h de façon concrète… Nous sommes encore en exil… et plus encore, dans un exil intérieur quant au service de D.ieu.

La seule chose que je puisse faire, c’est vous confier cette mission : faites tout ce que vous pouvez… pour faire venir concrètement notre juste Machia’h, de manière immédiate et directe… J’ai accompli ma part ; désormais, c'est à vous de faire tout ce qui est en votre pouvoir.9

Ce n’était pas un renoncement, mais une transmission. Le Rabbi ne prit pas sa retraite ; au contraire, il intensifia ses activités et parla avec encore plus de passion et d’urgence de la responsabilité individuelle de multiplier les actions positives. Il réaffirmait ainsi un message fondamental de l’enseignement de ‘Habad : le Rabbi est un enseignant et un guide, mais il ne peut servir D.ieu à votre place. La vision du Rabbi ne devient réalité que lorsque nous éclairons nos vies et notre environnement par la lumière de la Torah et des mitsvot.10

Après le décès de la Rabbanit en 1988, le Rabbi tourna son regard vers le moment où son âme s’élèverait à son tour.

Après le décès de la Rabbanit en 1988, le Rabbi tourna son regard vers le moment où son âme s’élèverait à son tour. De retour de ses funérailles, il déclara au Rav Yehouda Krinsky qu’il souhaitait rédiger un testament.11 Dans un discours public prononcé quelques semaines plus tard, il aborda sans équivoque la question de la direction spirituelle après son départ, affirmant que les questions devraient alors être soumises à un tribunal rabbinique composé de trois rabbins ‘Habad. Il ajouta que les questions spirituelles, médicales ou personnelles jusqu’alors adressées au Rabbi devraient désormais être discutées avec des mentors, médecins ou amis de confiance.12

Avec le recul, il apparaît clairement que de nombreuses paroles et gestes du Rabbi au cours des années suivantes s’intégraient dans un processus de transmission méthodique. Le Rabbi préparait les ‘hassidim à poursuivre son leadership et à assurer la pérennité de sa conduite spirituelle, à une époque où il ne serait plus physiquement présent parmi eux.13

Le dimanche 27 Tévet 5751 (13 janvier 1991), Gabriel Erem, PDG et éditeur de Lifestyles Magazine, s’approcha du Rabbi lors de la distribution des dollars. « En l’honneur de votre quatre-vingt-dixième anniversaire, dit-il au Rabbi, nous publions un numéro spécial… Quel est votre message au monde ? »

« Quatre-vingt-dix », répondit le Rabbi, « est en hébreu “tsaddik”, ce qui signifie “juste”. » Et cela constitue une indication directe pour chaque Juif de devenir un véritable tsaddik – une personne juste, et de le faire pendant de nombreuses années, jusqu’à 120 ans. Ce message, précisa-t-il, s’adresse également aux non-juifs.14

Le terme tsaddik est généralement réservé aux dirigeants spirituels empreints de la plus grande sainteté, mais le Rabbi l’appliqua à chacun. La droiture, souligna-t-il, n’est pas un état figé. Chaque jour de votre vie, « jusqu’à 120 ans », vous devez progresser dans la droiture.

Un an plus tard, lundi 27 Adar II 5752 (1992), le Rabbi subit un AVC alors qu’il priait auprès de la sépulture de son beau-père.

Le terme tsaddik est généralement réservé aux dirigeants spirituels empreints de la plus grande sainteté, mais le Rabbi l’appliqua à chacun.

La vie d’un tsaddik, écrivit Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, n’est pas une vie physique, mais spirituelle, faite de foi, de crainte et d’amour de D.ieu. Par conséquent, l’élévation de l’âme au-delà des limites corporelles ne fait que rendre la vie du tsaddik plus accessible. Plutôt que de dire qu’un juste est mort, nous disons que le tsaddik a laissé la vie à tous les vivants.15

Le 3 Tamouz (12 juin) 1994, le Rabbi laissa la vie à tous les vivants. Son corps fut inhumé au cimetière Montefiore, dans le quartier du Queens à New York.