Tout au long de l’histoire juive, de nombreuses femmes ont eu une influence considérable sur l’érudition juive. Cette liste ne constitue qu’un aperçu de ces femmes d’exception.
1. Berouria
La plus éminente figure de cette liste demeure Berouria, épouse du sage talmudique Rabbi Méir et fille de ‘Hanania ben Téradion. Le Talmud rapporte de nombreuses histoires à son sujet. Elle étudiait quotidiennement trois cents questions relatives à la halakha (loi juive), et les sages demandaient parfois son avis sur des questions de loi, en particulier celles qui concernaient les femmes.
Un différend survint entre Berouria et son frère. Le rabbin chargé de trancher le différend déclara : « Berouria, la fille de Rabbi ‘Hanania, est une plus grande érudite que son fils. »
Pour en savoir plus, voir : Berouria
2. Perle
Selon la tradition familiale, Perle, épouse du Maharal de Prague, était elle-même une brillante érudite du Talmud. Elle assista son mari dans la rédaction de ses responsa, et à organiser et éditer ses œuvres littéraires. Comme le rapportent les mémoires du sixième Rabbi de Loubavitch :
Perle put dès lors se vouer pleinement à l’étude. Quotidiennement, elle avait une leçon avec son mari, et ils n’étudiaient pas seulement le Talmud et la halakha ensemble, mais aussi l’éthique et la métaphysique. Elle disait d’elle-même que depuis l’âge de huit ans, pas un jour ne s’écoulait sans qu’elle étudiât au moins cinq heures. Après son mariage avec le Maharal, de nombreuses personnes soumettaient à son mari des questions halakhiques. C’était elle qui lui lisait les questions et consignait ensuite ses réponses. Elle organisa et édita toutes les œuvres littéraires du Maharal. On rapporte qu’elle releva des erreurs dans les écrits de son mari en au moins huit endroits, des erreurs dans les citations des sages ou dans le commentaire de Rachi...1
Pour en savoir plus, voir : Perle
3. Les filles de Rabbi ‘Haïm ibn Attar (Or Ha’haïm)
L’un des plus célèbres commentaires sur la Torah est le Or Ha’haïm, de Rabbi ‘Haïm ibn Attar (1696-1743). Il fait partie des rares à porter l’appellation hakadoch (« le saint ») accolée à son nom. Son commentaire est unique en ce qu’il conjugue harmonieusement les quatre niveaux d’interprétation de la Torah : pchat (le sens littéral du texte), remez (ses allusions), drouch (les homélies que l’on peut en tirer) et sod (ses secrets mystiques).
Rabbi ‘Haïm n’eut que des filles. Chaque vendredi soir, il dispensait à ses filles un enseignement sur la section hebdomadaire de la Torah, qu’il prenait soin de consigner par écrit. C’est donc grâce à ses filles que nous possédons ce classique unique de la Torah.
Pour en savoir plus, lire Rabbi ‘Haïm Ibn Attar
4. Cheindel (Schöndlein)
Cheindel était l’épouse de Rabbi Israël ben Peta’hia Isserlein (1390-1460), auteur de l’œuvre halakhique majeure Teroumat Hadéchène. Le Teroumat Hadéchène représente une référence majeure de la pratique ashkénaze et est l’une des sources fondamentales de la glose sur le Code de la loi juive, de Rabbi Moché Isserlès.
Cheindel était très instruite et il est attesté qu’elle rédigea au moins un responsum au nom de son mari, sur le thème de la pureté familiale. Ce responsum fut publié dans le Lékèt Yochèr, un recueil des coutumes et décisions de Rabbi Isserlein, recueilli par son disciple Rabbi Yossef ben Moché.2
5. Bayla Falk de Lemberg
Bayla était l’unique fille d’un riche philanthrope, Rav Israël Edels, dirigeant de la communauté juive de Lemberg (Lviv), qui exerça son influence au début du XVIIe siècle.
Ses fils disaient d’elle :
« Elle était la première à arriver à la synagogue quotidiennement... après la prière du matin, elle ne gaspillait pas un instant... elle se consacrait à l’étude de la Torah, de la section hebdomadaire avec le commentaire de Rachi et d’autres commentateurs. »
Bayla épousa Rabbi Yehochoua Falk (Katz), auteur de l’œuvre halakhique majeure Méirat Einayim, un commentaire sur le ‘Hochène Michpat (qui traite du droit civil).
Les élèves du Rav Falk racontent comment elle prenait place aux côtés de son mari, écoutant les questions des élèves et apportant à l’occasion ses propres éclaircissements. L’une de ses plus importantes contributions halakhiques concerne l’allumage des bougies, et son opinion fit par la suite l’objet de discussions par d’éminentes figures rabbiniques, le Noda BiYehouda statuant que la halakha est comme l’épouse du Rav Falk, car « n’était-elle pas une femme dont le cœur était élevé par la sagesse ? »
6. Estellina Conat
Estellina Conat était l’épouse de Rabbi Abraham ben Salomon Conat qui, en 1475, établit l’une des premières imprimeries juives à Mantoue, en Italie. Entre cette date et 1477, elle occupa une place prépondérante dans l’entreprise familiale d’édition et fut la première femme citée comme éditrice dans une maison d’impression, juive ou non.
L’art de l’imprimerie était alors si novateur que son mari qualifiait leur production comme « écrite avec de nombreuses plumes, sans l’aide d’un miracle ».
Sept des onze premiers ouvrages hébraïques incunables furent imprimés dans leur atelier. Dans un colophon à la fin de l’ouvrage Be’hinat Olam (une œuvre philosophique de Yédidia de Béziers), elle écrivit :
« Moi, Estellina Conat, épouse de l’honorable Maître Abraham Conat... j’ai écrit ce fascicule, Be’hinat Olam, avec l’aide du jeune Jacob Lévi de Provence, de Tarascon (puisse-t-il vivre, amen). »
Si Estellina Conat fut peut-être la première femme à travailler à l’édition et la publication d’œuvres juives, elle ne fut certainement pas la dernière. Ainsi, cette mention n’est pas seulement un témoignage de son œuvre, mais aussi de celle des nombreuses femmes juives qui tinrent une place importante dans l’édition juive.
7. Rivka de Tiktin, auteure de Méinékèt Rivka
Rivka bat Méir (décédée en 1605) était une enseignante pour femmes et l’auteure de l’ouvrage en yiddish Méinékèt Rivka (« La nourrice de Rebecca »). Rivka se rendait dans différentes communautés et donnait des conférences aux femmes sur la place de la femme dans le judaïsme. Il semble que son œuvre écrite soit un résumé de certaines de ses conférences. L’ouvrage, qui comprend des histoires du Talmud et du Midrash, traite des obligations de la femme dans diverses relations interpersonnelles ainsi que d’une approche éthique générale des lois de la pureté familiale et des pratiques sociales.
8. ‘Hava Bakharakh
‘Hava Bakharakh (1580-1651) était issue d’une famille pragoise et était une descendante de Rabbi Yéhouda Lowe, le Maharal de Prague. Elle acquit une profonde connaissance de l’hébreu et de la littérature rabbinique, si bien qu’elle assistait fréquemment les rabbins à résoudre des difficultés textuelles.
On raconte qu’après le décès de son mari, nul autre que l’estimé Rabbi Yéshaya Halévi Horowitz, connu sous l’acronyme de son œuvre, Shela"h, demanda sa main. Lorsqu’elle refusa, il se jugea indigne de l’épouser.
Son petit-fils, Rabbi Yaïr ‘Haïm Bakharakh (1639-1702), connu pour son œuvre halakhique ‘Havot Yaïr, fut l’un des plus grands sages de son temps. L’une des raisons pour lesquelles il intitula son œuvre ‘Havot Yaïr était d’honorer sa grand-mère, dont il écrit dans son introduction : « Elle enseignait... par sa compréhension et son savoir... et elle expliquait de telle manière que tous ceux qui l’entendaient comprenaient qu’elle avait raison. Ces choses que j’ai écrites dans mon livre en son nom... il arrivait parfois que les plus éminents érudits de sa génération soient troublés par divers textes et elle venait les éclaircir... »3
9. Osnat Barzani
Osnat Barzani (1590-1670) était issue d’une famille rabbinique réputée du Kurdistan. Son père, Rabbi Samuel Barzani, préoccupé par la méconnaissance de la Torah parmi les Juifs du Kurdistan, établit de nombreuses yeshivot dans la région.
Lorsqu’Osnat épousa son cousin Rabbi Jacob Mizra’hi, son père lui fit promettre qu’il la laisserait se vouer à l’étude de la Torah. Après la mort de son père, son mari devint directeur de la yeshiva de Mossoul. Il était si absorbé par ses études qu’elle enseignait essentiellement aux étudiants de la yeshiva et leur dispensait une formation rabbinique. Plus tard, lorsque son mari décéda, elle prit la direction de la yeshiva, et elle fut dès lors reconnue comme l’enseignante principale.
10. Odel
Odel (vers 1720-1787) fut l’unique fille de Rabbi Israël Baal Chem Tov, le fondateur du mouvement ‘hassidique. En plus d’être la mère et la grand-mère de nombreux grands maîtres ‘hassidiques, elle fut très impliquée dans la cour de son père et dans les débuts du mouvement ‘hassidique. Odel assistait régulièrement aux enseignements de son père et y participait même. Comme elle accompagnait son père depuis le début de son œuvre publique, de nombreux disciples du Baal Chem Tov se tournèrent plus tard vers elle pour des conseils et des bénédictions, et pour éclaircir les traditions de son père.
Elle excellait parfois au-delà des autres disciples du Baal Chem Tov dans l’étude. La première œuvre ‘hassidique publiée, le Toldot Yaakov Yossef, de Rabbi Yaakov Yossef de Polnaah, cite un enseignement d’une « femme de Méjiboj », une référence à Odel.
11. Ellus de Slutsk
L’une des œuvres classiques sur les lois et coutumes du deuil est le Maavar Yabok, publié en 1624 par Rabbi Aaron Bérekhia de Modène. Cet ouvrage comprend de nombreuses raisons mystiques qui sous-tendent les lois de l’enterrement ainsi qu’une description du passage de l’âme vers l’autre monde.
Bien que cette œuvre fût déterminante, étant rédigée en araméen et en hébreu, de nombreuses femmes à l’époque ne pouvaient pas la lire.
Ellus, la fille de Mordekhaï de Slutsk (XVIIIe siècle), traduisit des sections du Maavar Yabok en yiddish afin de guider ceux qui assistaient les mourants ou les défunts. Le fait que le Maavar Yabok fût disponible dans les deux langues a joué – et joue encore – un rôle important dans la transmission des lois et coutumes de la mort et du deuil.
12. Sarah Schnirer
Sarah Schnirer (1883-1935) était issue d’une famille ‘hassidique en Pologne. Face à l’attrait du mouvement des Lumières et à l’absence d’un enseignement juif traditionnel de qualité pour les filles, elle fonda un réseau d’écoles de Torah pour filles du nom de Beth Yaakov (« Maison de Jacob »). En 1935, lorsqu’elle succomba à la maladie à l’âge de 51 ans, près de 40 000 élèves étudiaient dans les écoles de son réseau en constant développement. Le réseau Beth Yaakov, ainsi que les nombreux établissements d’enseignement féminin qui en suivirent l’exemple, a transformé durablement l’éducation juive.
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