Pourquoi célébrons-nous Tou Bichevat ? Contrairement aux autres fêtes, celle-ci n’est pas mentionnée dans la Torah et ne commémore aucun événement historique. Que célébrons-nous exactement ?

La Michna1 explique que le calendrier comporte quatre commencements de l’année, quatre dates où le cycle annuel recommence à zéro pour des objectifs particuliers2  :

Le premier Nissane est le nouvel an des rois et des fêtes. Autrefois, les documents étaient souvent datés en fonction du règne du monarque. Or, quand la première année se terminait-elle et quand la seconde commençait-elle ? Il aurait été très malaisé d’utiliser la date anniversaire effective du couronnement, car tout le monde ne la connaissait pas, et chaque roi avait une date d’accession différente. Ainsi, le premier jour de Nissane servait de référence. Peu importe quand un roi était couronné, sa première année s’achevait et sa seconde année commençait à cette date.

Le premier Eloul est le Nouvel An de la dîme sur le bétail, mais selon Rabbi Eliézer et Rabbi Chimone, c’est le premier Tichri. Un fermier juif est tenu de prélever la dîme de son bétail, en consacrant chaque dixième animal. Mais les dix animaux comptés doivent être nés la même année. Alors, quand un groupe se termine-t-il et quand un autre commence-t-il ? Le premier Eloul (ou selon certains, le premier Tichri).

Le premier Tichri est le Nouvel An des années, des années sabbatiques et des jubilés, ainsi que de la plantation des arbres et des herbes. C’est notre bien-aimé Nouvel An juif, Roch Hachana, que nous célébrons en écoutant le chofar, en priant et en dégustant des mets sucrés.

Le premier jour de Chevat est le nouvel an des arbres, d’après l’école de Chamaï, mais l’école de Hillel affirme que c’est le quinzième du même mois. Comme pour le bétail, 10 % de nos fruits doivent être prélevés comme dîme, et nous ne devons pas prélever la dîme des fruits d’une année avec les fruits d’une autre année. Alors, quand une année arboricole se termine-t-elle et quand une autre commence-t-elle ? La halakha suit l’école de Hillel, qui enseigne que c’était le 15 Chevat (Tou Bichevat).

Rabbi Lévi Its’hak Schneerson livre plusieurs enseignements concernant le cycle annuel et ses différents débuts :

Trois ou quatre débuts ?

La Michna établit qu’il y a quatre débuts d’année. Pourtant, selon Rabbi Eliézer et Rabbi Chimone, il n’y en a que trois (puisqu’ils associent le premier Eloul au premier Tichri). Rabbi Lévi Its’hak fait remarquer que cette dualité s’exprime à travers la lettre chine, qui est linguistiquement similaire au mot hébreu pour « année », « chana ». Bien que nous soyons plus familiers avec la lettre chine à trois têtes, elle apparaît parfois avec une quatrième tête. Par exemple, les téfiline que nous portons sur notre tête ont un chine à trois têtes d’un côté et un chine à quatre têtes de l’autre – reflétant ainsi parfaitement la chana, qui a soit trois, soit quatre débuts.

Douze ou treize mois ?

Les années du calendrier juif n’ont pas toutes la même durée. La plupart ont 12 mois, mais périodiquement intervient une « année embolismique » comportant un 13e mois qui permet de synchroniser les cycles lunaire et solaire. Cette même élasticité se retrouve dans les 12 tribus d’Israël, issues des fils de Jacob. De prime abord, elles semblent être au nombre de 12. Mais Jacob divisa la tribu de Joseph en deux, lorsqu’il « promut » ses petits-fils Éphraïm et Ménaché au statut de fils. Cela porte le nombre à 13. Mais nous avons ensuite la tribu de Lévi, qui n’a reçu aucun territoire en Israël, qui est souvent considérée comme une entité distincte, non comptée parmi les tribus, ramenant le total à 12. Ainsi, les tribus d’Israël sont à la fois 12 et 13 – tout comme les mois de l’année.

Cela transparaît également à un niveau mystique profond. L’année est liée à la lettre vav du nom ineffable de D.ieu (l’explication de ce lien dépasse le cadre de cet article). Or, la lettre vav est souvent épelée וו, qui a la valeur numérique de 12 (6+6). Mais parfois, elle est écrite ואו, qui a la valeur de 13 (6+1+6).

L’étude des Écritures à cinq ans

Les sages ont institué que l’âge de cinq ans est le moment approprié pour commencer l’étude des Écritures. À ce stade, un enfant peut avoir assimilé les lettres et les voyelles hébraïques et être prêt à lire la Torah. Le terme hébreu désignant « année », « chana » (שנה), a la valeur numérique de 355 (ce qui correspond exactement au nombre de jours de certaines années du calendrier hébraïque). En cinq ans, un enfant acquiert donc un total de 1 775 (355x5) jours. Maintenant, prenez les lettres de l’alphabet et ajoutez leur valeur numérique – avec alef valant 1, bet valant 2, jusqu’à tav valant 400 – et vous arriverez à un total de 1 775.

Vous avez essayé et n’êtes arrivé qu’à un total de 1 495 ? Bien sûr, vous devez aussi ajouter la valeur des cinq lettres finales, et vous arriverez au bon nombre.

La signification mystique de Tou Bichevat

Considérons le nouvel an des arbres. En dépit des divergences concernant la date, tous conviennent que cet événement a lieu au mois de Chevat. Rabbi Lévi Its’hak écrit que le mot « Chevat » (שבט) a exactement la même valeur numérique que « ilane » (אילן), le terme hébreu désignant « arbre ».

Comment cela est-il possible ? Chevat s’élève à 311 (300+9+2), et ilane n’atteint que 91 (1+10+30+50) !

La solution est de laisser l’arbre étendre un peu ses branches. Il suffit d’épeler le nom de chaque lettre en entier :

Lettre Épellation complète Valeur totale
א אלף 111
י יוד 20
ל למד 74
ן נון 106

Maintenant ajoutez 111+20+74+106, et vous arriverez à 311, exactement la même valeur que le mois de Chevat.


Sources:

Iguerot Kodech p. 414.
Torat Lévi Its’hak p. 366.
Journal personnel de Rabbi Lévi Its’hak.
Iguerot Kodech p. 413.