Parfois, la providence divine est si évidente que l’on ne peut s’empêcher de la remarquer.
Mon père et le père de mon épouse sont décédés voilà plus de trente ans.
Mon beau-père, Menashé Bernath, était un homme simple, un Juif craignant D.ieu au cœur généreux. Sa mère est morte alors qu’il n’était qu’un bébé, et sa belle-mère le contraignait à dormir dans la grange du petit village roumain où ils vivaient.
Dès l’âge de sept ans, il fut envoyé dans un village voisin pour être apprenti chez un épicier local, mais il n’en conçut jamais d’amertume. En effet, il partageait en deux parts son maigre salaire : la moitié, il l’envoyait à sa belle-mère, l’autre moitié, il la donnait au rabbin du village qui vivait dans une extrême pauvreté.
Il finit par émigrer en Amérique et s’installer à New York. Bien que son éducation juive fût limitée, la douceur de ses prières était légendaire, tout comme son cœur généreux, qui cessa de battre alors qu’il n’avait que 62 ans.
Mon père, Chmouel Avrohom Abba Pollack, né dans les montagnes ukrainiennes, était un membre dévoué de la dynastie ‘hassidique d’Otynia, presque entièrement anéantie durant la guerre. Mon père perdit sa première femme et ses trois enfants durant la Shoah, mais il eut la force de se remarier avec ma mère et de reconstruire sa vie à Brooklyn, où j’ai grandi.
Mon père était une personnalité appréciée à Crown Heights où il donnait des cours de Talmud à l’Empire Shtiebel, une petite synagogue.
Imprimeur de métier, il noua des liens étroits avec le Rabbi de Loubavitch, de mémoire bénie, dont il imprimait les livres.
Après que mon père et mon beau-père furent tous deux décédés à deux ans d’intervalle, leurs téfiline se retrouvèrent dans ma maison où ils demeurèrent sur une étagère pendant des décennies.

Voici deux mois, je me suis dit : « La sainteté de ces téfiline est intacte. Ils ont servi pour une mitsva pendant tant d’années, je suis certain qu’ils peuvent encore être utilisés par quelqu’un. » J’ai décidé de les envoyer à un scribe qui les a tous deux inspectés pour s’assurer qu’ils étaient en bon état.
Le jour où les téfiline sont revenus de chez le scribe (c’était un lundi), je les ai placés dans un sac que j’ai suspendu près de la porte d’entrée pour ne pas risquer de les oublier.
Cet après-midi-là, vers 15 heures, je me trouvais, exceptionnellement, à la maison. J’entendis frapper à la porte et je vis apparaître un mechoula’h (émissaire collecteur de fonds) d’Israël, qui ramassait de l’argent pour le prochain mariage de sa fille. Je l’invitai à entrer, lui offris un en-cas et un rafraîchissement, et le raccompagnai après lui avoir donné un chèque.
Alors que je le raccompagnais à la porte, il me signala que dans quelques semaines, son fils célébrerait sa bar-mitsva et qu’il ne savait pas comment il trouverait l’argent pour acquérir une paire de téfiline. En quarante années passées dans ce quartier, j’ai vu défiler de nombreux quêteurs, mais jamais encore quelqu’un n’avait demandé une aide pour l’acquisition de téfiline.
Empli de joie, je plongeai la main dans le sac et lui tendis une paire de téfiline fraîchement vérifiés pour son fils. Partagé entre rires et larmes, il exprima sa gratitude et sa joie face à cet extraordinaire concours de circonstances. Il me confia alors que sa sœur et son beau-frère allaient bientôt célébrer une bar-mitsva également, et qu’ils ne disposaient pas des moyens d’acquérir des téfiline. Sans un instant d’hésitation, je sortis la deuxième paire de téfiline et la lui tendis.
Mon seul regret est que dans mon enthousiasme, j’omis de demander au quêteur son nom et les moyens de le contacter.
Le lendemain matin, nous nous levâmes de bonne heure pour rendre visite à notre fille qui vit à Waterbury, dans le Connecticut, à 130 kilomètres au nord-est de notre maison dans le Queens.
De toute évidence, nous étions tous les deux plus fatigués que nous ne le pensions, et nous nous assoupîmes, avant de reprendre brutalement conscience lorsque nous avons percuté la barrière de protection.
Le véhicule était complètement détruit mais nous sommes sortis totalement indemnes. Le policier resta stupéfait quand il nous regarda, nous et la voiture. Jamais encore il n’avait vu quiconque survivre à un tel accident sans la moindre blessure.
Je pressentis un lien avec les téfiline. Après 30 ans de non-utilisation, j’avais enfin permis qu’ils retrouvent leur usage, et le lendemain, nous fûmes miraculeusement épargnés.

Un ami me fit remarquer l’histoire suivante du Talmud, au sujet d’un homme connu sous le nom d’Élicha « l’Ailé » :
Pourquoi était-il connu comme l’Ailé ? À son époque, les autorités impies décrétèrent que tout Juif qui porterait les téfiline sur sa tête aurait la tête transpercée. Sans crainte, Élicha persistait à porter ses téfiline sur la place du marché. Un jour, il s’aperçut qu’il avait été repéré par les sbires du pouvoir avec ses téfiline et il s’enfuit aussi vite que possible. L’homme le rattrapa, mais pas avant qu’Élicha n’ait retiré les téfiline de sa tête et ne les ait serrés fermement dans ses mains. « Que caches-tu dans ta main ? », demanda durement le soldat. « Oh, juste des ailes de colombe », dit Élicha. « Ah bon ?, railla le soldat. Ouvre tes mains et prouve-le ! » Contraint et forcé, Élicha ouvrit ses paumes. Un miracle eut lieu : les téfiline s’étaient métamorphosés en ailes de colombe.
Pourquoi, parmi tous les objets possibles, les téfiline s’étaient-ils transformés en ailes de colombe ? Le Talmud de répondre : Tout comme les ailes protègent la colombe, de même les mitsvot protègent le peuple d’Israël.
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