Rav Chnéor Zalman Gurary était un ‘Hassid bien connu aussi bien pour ses affaires florissantes que pour son érudition et sa personnalité rayonnante.

Un soir, alors qu’il attendait nerveusement son tour pour entrer en yé’hidout (entrevue privée avec le Rabbi de Loubavitch), il décida qu’au lieu de parler de ses problèmes (et qui n’a pas de problèmes ?), il commencerait par raconter au Rabbi une histoire. Une histoire dans laquelle le Rabbi avait joué un rôle important, crucial même.

Un mois plus tôt, un des hommes d’affaires que fréquentait Rav Gurary, avait eu l’air particulièrement triste. Bien entendu, Rav Gurary lui en demanda – avec tact – la raison. Il s’avéra que sa fille souffrait d’un abcès gravement irrité à la gorge. Les médecins affirmaient qu’il fallait l’opérer immédiatement tout en admettant que ce serait très délicat. L’homme ne savait que décider.

Rav Gurary lui suggéra d’aller prendre conseil auprès du Rabbi de Loubavitch. Il expliqua que les bénédictions du Rabbi étaient miraculeuses et que son conseil était toujours judicieux. L’homme accepta mais, comme il n’était pas très pratiquant et ne se sentait pas trop à l’aise dans le milieu orthodoxe, il insista pour que Rav Gurary l’accompagne. Il avait entendu parler de ces miracles mais, pour lui, jusque là, ce n’était que des légendes. Maintenant que la vie de sa fille ne tenait qu’à un fil, il ne savait plus quoi penser.

Le lendemain, ils se rendirent tous deux au 770 Eastern Parkway à Brooklyn et Rav Gurary expliqua aux secrétaires l’urgence de la situation. C’est pourquoi ils furent admis sur le champ en yé’hidout alors que d’habitude les gens devaient attendre des mois !

Le Rabbi était particulièrement accueillant ce soir-là. Il écouta l’homme attentivement et répondit immédiatement en souhaitant à la jeune fille une « Réfoua Chelma », une guérison complète et rapide. Il ajouta que, à son avis, il valait mieux attendre encore trois mois, jusqu’au joyeux mois de Adar, avant de procéder à l’opération : le mois d’Adar est particulièrement propice pour le peuple juif.

L'homme hocha la tête, ravi d’avoir obtenu une réponse aussi claire et précise. Il lança un regard soulagé à Rav Gurary comme pour le remercier : « Voilà un bon conseil, prononcé avec une assurance remarquable ! » Il s’apprêta à remercier le Rabbi et à sortir du bureau quand le Rabbi continua : « Dans quelle école votre fille est-elle inscrite ? »

Il nomma l’école, une école juive dont le niveau d’études religieuses était presque nul.

- Je pense que vous devriez l’inscrire à l’école Beth Yaakov, suggéra le Rabbi. C’est une bonne institution dans laquelle elle étudiera la Torah en profondeur et elle s’imprégnera des valeurs juives authentiques.

Mais l’homme n’écoutait déjà plus. Il regardait ses chaussures et était impatient de sortir.

- Je ne comprends pas, ajouta le Rabbi. Je ne suis pas un spécialiste de la médecine mais vous venez me demander un avis médical. Par contre, je m’y connais un peu dans le domaine de l’éducation, c’est ce à quoi j’ai consacré et je continue de consacrer ma vie. C’est pourquoi je me permets de vous conseiller d’envoyer votre fille au Beth Yaakov ! »

Rav Gurary sortit à reculons avec son ami qui sautait presque de joie. Celui-ci rentra chez lui et annonça à sa femme qu’il n’y avait plus de quoi s’inquiéter et qu’il suffisait d’attendre que la bénédiction se réalise.

Mais elle ne se réalisait pas.

De fait, quelques semaines plus tard, l’état de la jeune fille empira. On dut la ramener d’urgence à l’hôpital : sa fièvre refusait de baisser.

La mère et ses amies restèrent à son chevet. Tout ceci, conclurent-elles, étaient de la faute du Rabbi. Il fallait agir. Elles se rendirent à Crown Heights et se plaignirent auprès des ‘Hassidim : le Rabbi s’était mêlé d’un dossier trop complexe qu’il ne connaissait pas. La jeune fille était au bord du coma ce qui signifiait que la bénédiction du Rabbi n’était pas efficace. Si la fièvre ne descendait pas, l’infection s’aggraverait !

Quand Rav Gurary entendit cela, il se précipita au secrétariat du Rabbi et écrivit une note expliquant ce qui se passait. La jeune fille avait maintenant perdu connaissance, la situation était désespérée ! Le Rabbi devait agir et vite !

La réponse du Rabbi fut immédiate : « Soyez mon émissaire auprès du père et suppliez-le, en mon nom, de transférer sa fille dans le Beth Yaakov ! »

- Comment ? Maintenant ? Transférer sa fille dans une autre école ? Rav Gurary ne comprenait pas : il était persuadé que le Rabbi accomplirait juste un autre miracle comme tant d’autres fois. Mais ce n’était pas le cas et, de plus, il devait transmettre au père bouleversé pareil message ! L’homme était terriblement inquiet, incapable de réfléchir calmement. Il était évident que la dernière chose qu’il souhaitait entendre était ce problème d’école : à quoi bon la changer d’école alors qu’elle était en train de mourir ?

Mais Rav Gurary se ressaisit. Il héla un taxi, fonça vers l’hôpital et transmit le message au père. A sa grande surprise, au lieu de l’insulter, le père accepta, les larmes aux yeux : « Après tout, je n’ai plus rien à perdre, il faut mettre toutes les chances de notre côté... »

Il trouva un téléphone public, contacta la direction du Beth Yaakov, inscrivit sa fille et promit de passer dès le lendemain matin pour régler les frais d’inscription et signer les papiers.

Quand il retourna au chevet de sa fille, la température de celle-ci avait déjà commencé à baisser. Quelques heures après, elle ouvrait les yeux et les médecins ne purent que constater qu’elle était revenue de très loin ! L’opération pouvait attendre ; de fait, il n’y avait plus besoin d’opération affirmèrent les médecins, émerveillés.

Telle était l’histoire que Rav Gurary désirait raconter au Rabbi. C’est ce qu’il fit, le cœur battant, certain d’avoir causé une grande satisfaction au Rabbi qui l’écouta en souriant mais conclut : « Le plus grand miracle, ce n’est pas la guérison de la jeune fille mais bien le fait que vous avez accepté de convaincre le père d’agir comme je l’avais souhaité ! »