Le récit suivant a été rapporté par le Rav Yaakov Kaidaner, auteur des Sipourim Noraïm au XIXe siècle.

Mon ami, qui œuvrait dans le commerce du tabac, avait porté son choix sur la ville de Nyezhin en Ukraine. Bien qu’intimement lié à de nombreux ‘hassidim, il n’était lui-même disciple d’aucun rabbi. Néanmoins, avant qu’il n’entreprenne son voyage, je le priai de s’engager qu’il irait prier sur le lieu de sépulture de l’Admour Haémtsahi, qui repose à Nyezhin, ce qu’il accepta.

Après cela, je ne le revis pas pendant plus de six mois.

Pendant son absence, son épouse fut frappée d’une grave maladie. Un jour, elle perdit connaissance, et ses médecins passèrent toute la nuit à tenter de la ranimer. Rien n’y fit. Au matin, ils avaient abandonné tout espoir et attendaient qu’elle rende son dernier souffle. Mais peu après dix heures, sous les regards incrédules des médecins, la femme manifesta des signes de vie ! Elle recouvra bientôt suffisamment de vigueur pour s’asseoir seule, et en l’espace d’un mois, elle s’était complètement rétablie.

Lorsque mon ami revint en ville quelques mois plus tard, il courut directement chez moi, saisit mes mains dans un état d’exaltation et les secoua vivement.

« Depuis quand un homme revenant d’un long voyage délaisse-t-il sa famille pour saluer son ami ? », lui dis-je d’un ton affable.

« Oui, c’est vrai, dit-il, mais des événements extraordinaires me sont arrivés pendant mon voyage, et je dois t’en remercier.

« J’avais perdu beaucoup d’argent dans de mauvais investissements, me laissant accablé de dettes. Les échecs se succédaient dans chaque initiative que je tentais d’entreprendre. J’étais malade, et je m’inquiétais pour mon épouse. Des visions alarmantes de sa mauvaise santé me tourmentaient, et je me dis alors que je devrais m’arrêter sur la tombe d’un rabbi et y prier pour son rétablissement. Lorsque j’arrivai à Nyezhin, je me souvins de ma promesse envers toi.

« Après m’être immergé au mikvé, j’entrai dans le petit mausolée. Je portais d’épaisses pelisses d’hiver capables de résister au froid extrême, mais elles me semblaient trop fines et je commençai à frissonner. Une terreur s’empara de mon être. Ne pouvant plus endurer le froid et la peur, je voulus m’enfuir.

« Mais je m’arrêtai. “Un être saint, me dis-je, est attaché à D.ieu par un lien puissant. Tout est bon et saint ici, alors pourquoi devrais-je partir ?” M’efforçant de retrouver mon calme, j’entrepris la lecture des versets du Zohar et des Tehilim qui sont traditionnellement récités sur une tombe. Une plaque était accrochée au mur avec des passages du Maavar Yabok, et je les lus également. Je contemplai la plaque, murmurant les mots, des larmes brûlantes ruisselant sans retenue. Je ne me souvenais pas de la dernière fois où j’avais tant pleuré.

« Je déposai deux requêtes sur la pierre tombale, l’une pour ma famille et l’autre pour mon épouse qui me causait tant d’inquiétude. Immédiatement, une sensation d’euphorie délicieuse m’enveloppa. Un avant-goût du Gan Éden, j’en étais certain. Répugnant à quitter ce lieu, je restai là pendant deux heures.

« Le sentiment de paix et de bonheur persista. Lorsque je rentrai enfin chez moi, je m’enquis sur-le-champ de la santé de mon épouse.

« “Par la grâce de D.ieu, elle est toujours en vie”, me dit-on. Le récit complet me fut alors dévoilé : le désespoir des médecins, son face-à-face avec la mort, et sa prodigieuse guérison.

« “Quelle était la date ? Quand s’est-elle réveillée ?” demandai-je. C’était le même jour où je m’étais recueilli sur le lieu de repos de l’Admour Haémtsahi.

« “Et l’heure ?” insistai-je. Elle avait repris conscience au moment même où je déposais mes suppliques sincères sur la pierre tombale du rabbi.

« Comme tu peux le voir, je n’ai même pas retiré mon manteau avant de me précipiter pour t’en faire part et te remercier pour ces miracles. »

« Si vos rabbis ‘hassidiques demeurent vivants même après leur mort, et resplendissent comme des étoiles dans le ciel, s’exclama-t-il avec émerveillement, combien doivent-ils être plus grands encore de leur vivant ! »

« Au contraire, dis-je, les justes sont encore plus grands après leur départ de ce monde – lorsqu’ils sont libérés de leur enveloppe physique – qu’auparavant. »