Le rôle que joue l’esprit humain dans l’assimilation et la production de la Torah est un thème récurrent dans de nombreux enseignements des Sages. Le Sage du Talmud Rava cite les Psaumes 1,2, qui décrit l’homme juste comme celui dont il est dit : « Seulement sur la Torah de D.ieu porte son désir, et sa Torah, il la médite jour et nuit ». Rava note que dans la première partie du verset, la Torah est appelée « la Torah de D.ieu », mais dans la seconde partie, elle est appelée « sa Torah » (celle de l’érudit). « Au début, elle est appelée la Torah de D.ieu », en déduit-il, « à la fin, elle est appelée la sienne ».1
Un bien divin devient pleinement assimilé et « possédé » par son destinataire humainCette même dualité peut être discernée dans la prière où nous demandons à D.ieu : « Accorde-nous notre part dans Ta Torah ».2 Nous ne demandons pas « une part dans Ta Torah », ni ne recherchons « notre part dans la Torah », mais nous prions pour obtenir la capacité d’acquérir « notre part dans Ta Torah ». Nous reconnaissons que c’est Ta Torah – la sagesse et la volonté divine ; et en même temps, nous demandons de mériter l’acquisition de la Torah dans son sens ultime, lorsqu’un bien divin devient pleinement assimilé et « possédé » par son receveur destinataire humain.3
L’idée qu’un étudiant de la Torah acquiert la possession de la Torah a des implications juridiques réelles, comme en témoigne la discussion talmudique suivante4 :
Rav Its’hak bar Chila a dit au nom de Rav Matana, au nom de Rav ‘Hisda : « Si un père pardonne une atteinte à son honneur, elle est considérée comme pardonnée. Mais si un maître de Torah pardonne une atteinte à son honneur, elle n’est pas pardonnée. » Rav Yossef a dit : « Même un maître de Torah qui pardonne une atteinte à son honneur, elle est considérée comme pardonnée. Comme il est écrit : “D.ieu allait devant eux le jour...” »5
Rava a dit : « Quelle est la comparaison ? Dans ce cas, le monde appartient à D.ieu, et la Torah appartient à D.ieu ; Il peut donc renoncer à Son honneur. Mais ici (dans le cas de l’érudit en Torah), est-ce que la Torah lui appartient ? » Rava poursuit : « Effectivement, la Torah lui appartient, comme il est écrit : “...et sa Torah, il la médite jour et nuit” ».6
Cela fait écho à une autre déclaration de Rava :
« Comme ils sont sots, ces gens qui se lèvent par respect devant un rouleau de la Torah, mais ne se lèvent pas devant une grande personnalité ! Car dans le rouleau de la Torah, il est écrit “quarante”, et les Sages sont venus et ont retranché un... »7
Rava fait référence à l’interprétation rabbinique des lois de la Torah concernant les malkot (« coups »). En Deutéronome 25,2-3, la Torah stipule que dans le cas où une personne est coupable d'un crime dont la punition est la flagellation, « le juge le fera étendre et frapper en sa présence, selon sa méchanceté, d’après le compte. Il le frappera quarante fois ; il n’ajoutera pas ». Bien que le sens littéral du texte soit que quarante coups doivent être administrés, les Sages interprètent l’expression « selon le compte (de) quarante » comme signifiant non pas exactement quarante, mais un de moins que quarante (c’est-à-dire trente-neuf).8 Cela illustre comment l’autorité des Sages, à qui est confiée la tâche d’interpréter et d’appliquer la Torah, est égale – et dans un certain sens, supérieure – à celle du texte inscrit dans le rouleau de la Torah.
Notre relation avec la Torah est décrite comme un héritage, une acquisition et un donLe précédent ultime de la « possession » humaine de la Torah qu’une personne reçoit et assimile est le premier récepteur de la Torah : Moïse. Le prophète Malakhi enjoint : « Souvenez-vous de la Torah de Moïse Mon serviteur ».9 Mais n’est-ce pas la Torah de D.ieu ? L’explication donnée est : « Parce que Moïse a donné sa vie pour la Torah, elle est appelée la sienne ».10
En conséquence, dit le Rabbi, notre relation avec la Torah est décrite de trois manières différentes, et apparemment contradictoires :
- Comme un héritage, comme dans le Deutéronome 33,4 : « La Torah que Moïse nous a ordonnée est l’héritage de la communauté de Jacob ». Cela implique que la Torah est le droit de naissance de chaque Juif, indépendamment des efforts et du talent qu’il ou elle a investis pour l’étudier.
- Comme un « achat » et une « acquisition », impliquant une possession proportionnelle au degré d’investissement et de réussite de la personne.11
- Comme un don (comme dans les citations mentionnées au chapitre 1 ci-dessus).
Notre relation avec la Torah, explique le Rabbi, ne peut être pleinement décrite par un seul modèle, car elle englobe les trois : certains éléments de cette relation sont analogues à un « héritage », d’autres aspects à un « achat » et d’autres à un « don ». Les deux premiers se rapportent à l’aspect humain de la Torah – la manière dont nous assumons la possession de la Torah en vertu de qui nous sommes,12 et en vertu de ce que notre esprit et notre intellect accomplissent avec elle. Le troisième aspect, celui du « don » de la Torah, décrit son élément divin – la manière dont elle transcende la raison et la portée humaines, et notre appréhension de celle-ci est entièrement un don d’En Haut.13
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