Les Kinot (« élégies », sing. « Kina ») sont des compositions poétiques hébraïques récitées lors du jeûne de Ticha Beav, exprimant le deuil pour la destruction des Saints Temples de Jérusalem et les tragédies de l’exil qui s’ensuivirent. Lisez la suite pour découvrir 10 faits sur l’histoire et le contenu de ces tristes chants, ainsi que sur la manière et le moment de leur récitation.
1. Elles sont récitées à Ticha Beav
Ticha Beav, le neuvième jour du mois de Av, est un jour de jeûne commémorant la destruction des Premier et Second Saints Temples respectivement par les Babyloniens et les Romains.1 L’une des coutumes de ce jour est de réciter les Kinot, des élégies hébraïques pleurant ces tragédies ainsi que d’autres qui ont frappé notre peuple au fil des siècles. Plusieurs Kinot sont récitées après les prières de Maariv en soirée, tandis que la majorité sont dites le lendemain après Cha’harit.
2. Jérémie a écrit les premières Kinot
Le terme « Kinot » est parfois utilisé pour désigner le Livre des Lamentations, composé par le prophète Jérémie.2 Ce livre scriptural en cinq chapitres contient les prophéties de Jérémie sur la destruction du Premier Temple et le massacre ainsi que l’exil des Juifs de Jérusalem, événements dont il fut finalement témoin direct. Cependant, les Lamentations sont plus couramment connues en hébreu sous le nom de « Eikha », le premier mot du livre.
3. Le soir, nous commençons par Lamentations
Le soir de Ticha Beav, après la prière de Maariv, nous commençons par réciter le Livre des Lamentations. En général, un membre de la congrégation dirige la récitation avec une mélodie plaintive, entonnant les versets à haute voix, tandis que l’assemblée lit en chuchotant. La lecture des Lamentations est suivie d’une sélection de Kinot.
4. Nous nous asseyons comme des endeuillés
À Ticha Beav, nous sommes tous des endeuillés, pleurant les tragédies collectives qui ont frappé notre nation. En signe de deuil, nous évitons de nous asseoir sur des chaises ordinaires depuis le début du jeûne jusqu’à la mi-journée.3 Les Kinot sont donc récitées en étant assis sur une chaise basse, un tabouret ou un tapis – une scène inhabituelle dans une synagogue.
5. Elles furent composées par plusieurs auteurs
Les Kinot sont l’œuvre de nombreux paytanim (auteurs de poèmes liturgiques classiques). Certains de ces paytanim sont bien connus, d’autres ne sont connus que par leur nom, et certains sont anonymes. Parmi les auteurs les plus célèbres figurent Rabbi Eléazar Hakalir, dont les Kinot représentent presque la moitié des élégies traditionnellement récitées à Tichea Beav ; Rabbi Méir de Rothenburg ; Rabbi Yehouda Halevi ; et Rabbi Salomon ibn Gabirol.
6. Certaines commémorent d’autres tragédies
Plus de 45 Kinot sont traditionnellement récitées à Ticha Beav, dont beaucoup décrivent la destruction des Saints Temples et la décimation de Jérusalem. Cependant, un pourcentage significatif de celles-ci commémore d’autres tragédies survenues plus tard dans l’histoire.
- Arzei Halevanone Adirei Torah (« Cèdres du Liban, Géants de la Torah » ; Kina n° 21) parle des Dix Martyrs, dix sages éminents de l’époque de la Michna qui furent brutalement exécutés par les Romains.
- Mi Yiten Rochi Mayim (« Oh, que ma tête devienne une fontaine de larmes » ; Kina n° 25) pleure la destruction des communautés juives de Spire, Worms et Mayence lors de la Première Croisade en 1096.
- Chaali Seroufah Baèch (« Oh Torah consumée par le feu » ; Kina n° 41) déplore l’autodafé du Talmud à Paris en 1242.
- Ces dernières décennies, de nombreuses communautés ont ajouté des élégies se concentrant sur les horreurs sans précédent de la Shoah.
7. Beaucoup suivent des schémas poétiques complexes
Les quatre premiers chapitres du Livre des Lamentations sont des acrostiches suivant l’ordre de l’alphabet hébraïque. De nombreuses Kinot suivent une structure similaire, suivant l’ordre – ou l’ordre inverse – de l’alphabet. Souvent, une fois que la dernière lettre a été atteinte, les acrostiches continuent par des allusions au nom de l’auteur. Une collection de sept Kinot vers la fin de la récitation commence chacune par le mot « Sion ».
Certaines Kinot, en particulier celles rédigées par Rabbi Eléazar Hakalir, intègrent des schémas poétiques complexes d’une grande subtilité. Eikha Ashpato (« Hélas, comment son carquois est ouvert ! » ; Kina n° 15), par exemple, est composé d’un acrostiche décuple, incorporant des éléments de chaque verset des Lamentations ainsi que des versets d’exhortation dans la Parachat Be’houkotaï.
8. Il existe des traductions en français
L’hébreu poétique est souvent difficile à comprendre, même pour les locuteurs natifs. Heureusement, il existe certaines éditions de Kinot traduites en français, facilitant ainsi l’identification et la compréhension du texte.
9. Le message (possible) de Napoléon
La légende raconte que, alors que Napoléon traversait une ville européenne conquise, il entendit des pleurs amers. Curieux, l’empereur fut surpris de découvrir un groupe de Juifs assis sur de petits tabourets, récitant des élégies dans une langue inconnue tout en versant des larmes abondantes. Ses investigations révélèrent qu’ils pleuraient un événement survenu des milliers d’années auparavant.
Impressionné, Napoléon aurait déclaré : « Si une nation peut pleurer un bâtiment tant d’années après sa destruction, elle peut être assurée qu’elle méritera de le voir reconstruit ! »
10. Certaines personnes ne conservent pas leurs exemplaires
Certaines personnes ont la coutume de ne pas conserver leur exemplaire des Kinot d’une année à l’autre, préférant s’en débarrasser honorablement (en les mettant à la gueniza), comme c’est le cas pour les textes saints lorsqu’ils sont bien usés. Après tout, ne sommes-nous pas certains que cet exil sombre se terminera bientôt et que le Neuf Av sera transformé en jour de réjouissance ?4 Que vous choisissiez ou non de garder vos Kinot, espérons tous que la récitation de cette année sera la dernière, car nous mériterons bientôt la venue de Machia’h et la reconstruction du Troisième Saint Temple !
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