Une immense cheminée dominait la pièce, où un feu brûlait en permanence. À sa droite se trouvaient les espaces de préparation des aliments. Une grande table en chêne, pouvant accueillir quatorze personnes, indiquait que les repas dans cette maison seraient pris ici, à portée de vue de l’endroit où la brigade de bouchers et de chefs cuisiniers les aura préparés. Il était également évident qu’il s’agissait de l’épicentre du bâtiment, tandis que les autres pièces (alcôves de couchage, salles de stockage et zones de réception des invités) jouaient des rôles secondaires par rapport à cet espace central.
« Mon design », expliqua l’architecte, « redécouvre la fonction initiale et primordiale de la maison : abriter et nourrir ses habitants. »« Mon design pour Une Nouvelle Maison pour le Nouveau Millénaire peut sembler révolutionnaire, expliqua l’architecte, mais seulement parce que, au cours des derniers siècles, nous nous sommes éloignés de la fonction initiale et primordiale de la maison. La cuisine est passée du cœur du foyer à sa périphérie. Elle a rétréci, parfois jusqu’à des proportions minuscules, ou bien elle est devenue à peine plus qu’une vitrine pour des gadgets coûteux. La table à manger a régressé en une “table de cuisine” sous-dimensionnée, puis en un petit comptoir où l’on se perche pour “prendre une bouchée”. Mon design représente l’effort de redécouvrir le but originel de la maison : abriter et nourrir ses habitants... »
Quelques applaudissements sporadiques se firent entendre. Puis le deuxième architecte dévoila son design.
À première vue, le modèle du deuxième architecte semblait similaire en forme et en dimensions à celui du premier. Mais un examen plus attentif révéla qu’il s’agissait d’une structure fondamentalement différente. La cuisine et les autres zones de service étaient situées dans la cour. Le cœur du bâtiment était une pièce intime, meublée d’étagères sur lesquelles s’étalait une collection de volumes anciens et modernes. C’était un espace ceux désireux de s’adonner à l’étude intellectuelle, d’écouter de la musique émouvante et de s’engager dans des dialogues enrichissants pour l’âme.
Est-ce donc tout ce que nous sommes – des corps qui mangent ?« Comme vous pouvez le voir, commença le deuxième architecte, j’ai adopté l’approche diamétralement opposée de celle de mon estimé collègue. Oui, la maison doit répondre à nos besoins primaires ; mais est-ce tout ? Est-ce donc tout ce que nous sommes – des corps qui mangent ? Pour moi, la fonction première d’une maison est d’abriter et de favoriser notre être spirituel : l’être qui pense et ressent, l’être qui acquiert et transmet des connaissances et de la sagesse, l’être qui s’épanouit en recevant et en partageant de la joie... »
« D.ieu désira une demeure dans ce monde. »1 Les maîtres ‘hassidiques enseignent que c’est là la raison même pour laquelle D.ieu créa tous les mondes, supérieurs et inférieurs, ainsi que la raison de tout ce que nous faisons dans et avec nos vies.
Suite au Don de la Torah au mont Sinaï, D.ieu ordonna qu’une « maison modèle » soit construite – une structure qui incarnerait, de manière hautement condensée et intensifiée, sa vision d’une demeure pour Lui dans le monde matériel. Ainsi, le Michkane portatif (le « Tabernacle ») fut construit dans le désert pour accompagner les Enfants d’Israël dans leurs voyages, prenant plus tard une forme plus permanente dans le Beth Hamikdache (le « Saint Temple ») à Jérusalem.
Une « maison modèle » qui incarne, de manière hautement condensée et intensifiée, la vision de D.ieu d’une demeure pour Lui dans le monde matériel.La conception et la construction du Tabernacle sont décrites en détail à partir du chapitre 25 de l’Exode. Le Sanctuaire lui-même se composait de deux pièces. Une pièce extérieure, le « Saint », abritait la ménorah (le candélabre à sept branches), la « table » sur laquelle les 12 pains de proposition étaient exposés, et un petit autel pour brûler l’encens. La pièce intérieure, le « Saint des Saints », contenait l’arche qui renfermait la Torah.2 La « cour » entourant le Sanctuaire contenait le grand Autel Extérieur sur lequel les korbanot (offrandes animales et végétales) étaient offerts.3
Lequel de ces « ustensiles » incarnait-il le mieux la signification de la demeure divine ? Dans laquelle de ces diverses fonctions résidaient l’objectif principal et la raison d’être de l’édifice ? Deux des grands commentateurs et interprétateurs de la Torah offrent deux perspectives contrastées sur cette question.
D’après Maïmonide (Rabbi Moché ben Maïmone, 1135-1204), le Saint Temple est fondamentalement défini comme étant « une maison pour D.ieu qui est préparée pour l’offrande des korbanot ».4 Selon Na’hmanide (Rabbi Moché ben Na’hmane, 1195-1270), « Le but principal... se réalise dans l’arche, comme D.ieu le dit à Moïse : “Je communiquerai avec toi là, te parlant d’au-dessus du couvercle de l’arche...” »5
Selon le Talmud, lorsque nous sommes confrontés à des opinions divergentes parmi les sages de la Torah, nous devons comprendre que « celles-ci et celles-là sont toutes deux les paroles du D.ieu vivant ».6
Dans la demeure que nous faisons pour D.ieu avec nos vies, où D.ieu réside-t-il : dans la cuisine ou dans la bibliothèque ?Quelle est notre mission dans ce monde : servir D.ieu avec notre corps ou servir D.ieu avec notre âme ? Quelle est la plus grande mitsva : manger casher ou étudier la Torah ? Qui est plus proche de D.ieu : l’honnête homme d’affaires ou le sage ascétique ? Quelle est la partie la plus sainte de nous : notre être physique ou nos aspirations transcendantes ?
Dans la demeure que nous faisons pour D.ieu avec nos vies, où D.ieu réside-t-il : dans la cuisine ou dans la bibliothèque ?
Celles-ci et celles-là sont toutes deux les paroles du D.ieu vivant.
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