Une coutume juive répandue veut que l’on mange de la matsa le 14 Iyar, jour connu sous le nom de Pessa’h Chéni (le « second Pessa’h »), où ceux qui étaient impurs et/ou dans l’incapacité de sacrifier l’agneau pascal à Pessa’h se voyaient offrir une seconde occasion de le faire.1 Tout comme la matsa mangée en tant qu’afikomane lors du Séder commémore la matsa et l’offrande pascale consommées à l’époque du Temple, cette matsa est un rappel du second Pessa’h.
Mais si tel est le cas, une question se pose : l’agneau pascal (et la matsa qui l’accompagnait) était consommé la nuit du 15 Iyar, alors que la coutume contemporaine répandue est de manger de la matsa le jour du 14 Iyar, lorsque l’agneau pascal était abattu et préparé. Pourquoi ?
Il convient de noter que certains ont effectivement la coutume de manger de la matsa la veille du 15 Iyar, plutôt que le jour du 14. Mais pourquoi sont-ils minoritaires ?
Tout est dans la préparation
Le Rav Zvi Elimelekh Shapiro de Dinov, connu sous le nom de Bnei Yissakhar, écrit que bien qu’il ait lui-même mangé de la matsa la veille du 15, les grandes fêtes publiques se tiennent le jour du 14, conformément à la coutume du Baal Chem Tov et de ses disciples.
Selon une approche quelque peu mystique, il explique que pendant la période entre Pessa’h et la fête de Chavouot, l’accent est mis sur le travail de préparation et de raffinement de soi. C’est dans cet esprit que nous comptons le Omer, nous rapprochant chaque jour de la fête de Chavouot, lorsque nous avons reçu la Torah. Il est donc approprié, lorsqu’il s’agit de célébrer le second Pessa’h, de mettre l’accent sur le moment de sa préparation, soit le 14 Iyar.2
Les derniers vestiges du miracle
Le Rav Yaakov Emden, appelé Yaavetz (1697-1776), écrit qu’il lui a été « révélé du ciel » que les Juifs ont reçu une seconde chance d’apporter l’offrande pascale précisément le 14 Iyar parce que c’était le dernier jour où les Juifs avaient encore de la matsa qu’ils avaient emporté en sortant d’Égypte à Pessa’h. Après avoir mangé la dernière bouchée cette nuit-là (veille du 15), les Juifs se plaignirent à D.ieu : « Que mangerons-nous ? » et c’est le jour du 15 Iyar que la manne commença à tomber. Ainsi, dans un certain sens, le 14 marquait l’aboutissement du miracle de l’Exode, tandis que le 15 marquait une nouvelle phase des miracles dans le désert.3
Bien que le Rav Emden explique la date du second Pessa’h, et non la raison de manger de la matsa de nos jours, certains citent cette explication comme une raison supplémentaire de manger de la matsa à la fois le jour du 14 Iyar et la veille du 15.4
Ne pas ajouter à la Torah
Le Rav Méir Dan Plotsky (1866–1928), dans son ouvrage Kli ‘Hemda, propose une explication quelque peu novatrice pour la coutume répandue de manger de la matsa le jour du 14. Il explique qu’ordinairement, il y a une préoccupation de ne pas ajouter aux mitsvot de la Torah. Or, si quelqu’un accomplit simplement une mitsva liée à un moment précis un autre jour de l’année sans intention d’accomplir la mitsva (par exemple, il fait chaud en été, donc on construit une soukka et on y mange), il n’y a pas de problème d’« ajouter à la Torah ». Cependant, si c’est en théorie le bon moment pour la mitsva, alors il y a potentiellement un problème d’ajouter aux mitsvot, même s’il n’y avait pas d’intention de le faire.
C’est pourquoi nous mangeons la matsa spécifiquement le jour du 14, car le moment approprié pour la manger serait réellement la veille du 15 (si quelqu’un observait effectivement le second Pessa’h parce qu’il était impur lors du premier Pessa’h), et nous souhaitons éviter de créer une coutume de la manger précisément à ce moment-là. Il écrit que cela est particulièrement vrai à la lumière de l’affirmation du Talmud de Jérusalem selon laquelle si le Machia’h vient entre le premier et le second Pessa’h, tous les Juifs auront l’occasion d’apporter l’offrande pascale lors du second Pessa’h.5 Ainsi, puisque le second Pessa’h pourrait être une véritable fête pour tous les Juifs – où nous serions tous obligés de manger de la matsa –, nous ne voulons pas avoir une coutume de manger de la matsa le 15, ce qui donnerait l’impression que nous ajoutons à l’observance du jour.
Cependant, d’autres remettent en question cette explication. Ils notent que nous mangeons de la matsa pendant tous les 7 (ou 8) jours de Pessa’h, même s’il n’y a pas d’obligation de le faire et qu’il n’y a aucune préoccupation d’« ajouter à une mitsva ».6
Numérologie mystique
Beaucoup ont la coutume de réciter (entre autres choses) le psaume 67 après le compte du Omer. Ce psaume contient 49 mots (sans compter le verset introductif). Selon le Arizal, chaque mot correspond à une nuit différente du Omer, et on devrait avoir ce mot à l’esprit en récitant le Omer. Il en va de même pour le verset 5 de ce psaume, qui contient 49 lettres,7 chacune correspondant à une nuit différente. (Cela peut être vu dans le Sidour standard de Kehot, qui inclut le mot et la lettre correspondant à chaque nuit de l’Omer).
Sur cette base, certains soulignent que le 14 Iyar, qui est le 29e jour de l’Omer, correspond au mot תַּנְחֵם, tan’hem (« réconforte-les »), et à la lettre youd. Le mot tan’hem a la valeur numérique de 498 : ת-400 נ-50 ח-8 ם-40. En ajoutant le youd, qui a la valeur numérique de 10, on obtient 508. C’est la même valeur numérique que Pessa’h Chéni (פסח שני). Ainsi, nous voyons une allusion dans le verset lui-même que la principale célébration de Pessa’h Chéni est le 14 Iyar.8
Comme mentionné ci-dessus, il y a de bonnes raisons de manger de la matsa la nuit du 15 également, donc bien que la pratique courante chez ‘Habad soit de manger de la matsa le jour du 14 Iyar,9 le Rabbi encourageait aussi les gens à manger de la matsa la veille du 15.10
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