Parmi les objets que Rabbi Yossef reçut en héritage à la mort de son père, le « ‘Hozé » (« le Voyant ») de Lublin, se trouvait une horloge.
Quand Rabbi Yossef rentra chez lui, à Tulchin, après les sept jours de deuil, il dut passer trois nuits dans une auberge car une pluie torrentielle avait inondé la région. Quand il voulut partir, l’aubergiste (appelons-le Zev) lui présenta la note : Rabbi Yossef ne pouvait pas payer. Il proposa à Zev de choisir un objet parmi ses biens. Celui-ci réfléchit et choisit l’horloge.
Zev la mit à l’heure, l’accrocha dans une chambre et, au début, apprécia son joyeux carillon qui sonnait fidèlement chaque heure. Puis le temps passa et ni lui ni sa femme n’y prêtèrent plus attention.
* * *
Des années plus tard, un ‘Hassid passa la nuit dans l’auberge, justement dans la chambre où était suspendue l’horloge.
Cette nuit-là, bien que Zev fût épuisé, il ne put trouver le sommeil : de la chambre du ‘Hassid, on entendait chanter et même danser, et ceci, particulièrement quand le carillon sonnait. Zev décida que, le lendemain, il demanderait au ‘Hassid la raison de son exubérance et, content de son idée, il parvint à s’endormir.
Au matin, comme s’il avait lu dans les pensées de Zev, le ‘Hassid, frais et dispos comme s’il avait dormi toute la nuit, interpella Zev :
– Vous vous demandez sûrement pourquoi j’étais si joyeux cette nuit, mais moi je me demande comment il se fait que cette horloge soit en votre possession !
Zev ne comprenait pas le lien entre les deux faits, mais il raconta au ‘Hassid comment il avait acquis cette horloge.
– Je vois que vous ne comprenez pas quelle bonne affaire vous avez faite, dit le ‘Hassid. Cette horloge a appartenu à mon Rabbi, le ‘Hozé de Lublin ! Dès que j’ai entendu le carillon, je l’ai reconnue !
– Une horloge est une horloge, murmura Zev.
– Mais pas du tout ! Je vais vous expliquer ce qu’est une horloge ! dit le ‘Hassid. Les gens pensent qu’une horloge ne sert qu’à leur indiquer quand se lever, quand manger et quand dormir. C’est aberrant ! Les gens ont vécu des milliers d’années sans montre. Un animal n’a pas besoin d’une montre pour savoir quand s’adonner à ces activités futiles !
– C’est vrai, reconnut Zev, dont la curiosité avait été éveillée.
– Une horloge rappelle aux gens qu’il existe une création qui est le temps dans ce bas monde. Quand D.ieu créa le monde, Il créa le temps. Les aiguilles qui indiquent les heures et les minutes nous rappellent à chaque instant que D.ieu donne la vie au monde entier et nourrit chaque créature.
– Une montre est vraiment un objet magnifique !, s’enthousiasma Zev.
– Mais ce n’est pas tout, continua le ‘Hassid. La montre nous rappelle aussi que le temps passe et que nous devons y prêter attention. Tout objet perdu peut être retrouvé, mais pas le temps : on ne peut jamais le récupérer. Quand le carillon sonne, c’est pour nous faire remarquer qu’une heure est encore passée : l’avons-nous utilisée pleinement et correctement ?
– Oh non ! Quand je pense à toutes les heures que j’ai perdues !, se lamenta Zev.
– Ne vous en faites pas, dit le ‘Hassid d’un ton encourageant. Savez-vous qu’en hébreu, le mot qui signifie “année” (“Chana”) peut aussi se traduire par ‘tour’ ? Imaginez quelqu’un qui marche avec insouciance le long d’une route dangereuse jusqu’à ce qu’il arrive devant un précipice. Là, soudain, il réalise où il se trouve et il tourne les talons pour revenir sur ses pas. Le simple fait de tourner, ou si vous voulez, de changer de direction avant même qu’il ne se soit effectivement dirigé dans le bon chemin, l’a sauvé du danger. En une heure, en un tour dans la bonne direction, chacun peut changer le cours de sa vie !
– Je n’avais jamais vu les choses ainsi ! s’exclama Zev.
– Maintenant je vais vous dire quel est le véritable secret de cette horloge, l’horloge de mon Rabbi. Cette horloge est exceptionnellement exacte et parfaite, car en plus de toutes les vertus propres à chaque montre, elle possède un carillon particulièrement joyeux. Chaque fois qu’il s’actionne, c’est pour annoncer une bonne nouvelle, comme pour nous dire qu’une heure supplémentaire de l’exil est déjà passée et qu’on s’est approché d’une heure supplémentaire de l’époque de Machia’h.
– Alors, Reb Zev, dit le ‘Hassid, comprenez-vous pourquoi j’étais si joyeux la nuit dernière ? J’ai entendu le carillon, je l’ai reconnu et je l’ai fêté avec enthousiasme !
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