« Le Rabbi de Loubavitch a entrepris l’initiative spirituelle la plus audacieuse qu’on n’ait jamais vue... rechercher chaque Juif dans l’amour comme ils furent autrefois traqués dans la haine... »

— Dr. Jonathan Sacks, Grand Rabbin du Royaume-Uni

L’amour sans limite du Rabbi pour tous les Juifs était légendaire. Il se donnait énormément de peine pour aider tout Juif, que ce soit sur le plan spirituel ou matériel, dans quelque lieu qu’il se trouve et quelle que soit son niveau de pratique religieuse.

La douleur d’un Juif était sa douleur. La joie d’un Juif était sa joie.

Un Juif est un Juif, point final

Dans son amour pour tous les Juifs, le Rabbi ne faisait pas de distinction entre les ‘Hassidim et les non-‘Hassidim, les pratiquants ou les non-pratiquants. Il n’y avait pas d’étiquettes. Un Juif est un Juif, point final. Un « morceau » de D.ieu, placé dans un corps et planté dans ce monde.

Savant ou homme du commun, étudiant universitaire ou ‘Hassid, heureux ou abattu, riche ou démuni – tous étaient les bienvenus. Tous avaient leur place. Tous étaient chaleureusement accueillis.

Le sourire du Rabbi guérissait le cœur endolori. Le Rabbi était toujours là, offrant conseil et bénédiction, confort et espoir, et souvent de l’aide matérielle également.

Le Rabbi enseignait – par la parole et par l’acte – que l’amour du prochain ne repose pas sur des considérations superficielles comme son statut social ou même sa piété. Un tel amour ne serait qu’une appréciation de cette qualité spécifique et serait donc limité et proportionnel à sa cause. Le Rabbi enseignait que l’Ahavat Israël est l’amour de l’« essence » du Juif, l’étincelle de D.ieu présente de manière égale en chacun de nous. Seul un tel amour est véritablement inconditionnel.

C’est cet amour inconditionnel qui permet de traverser les couches des défauts et des bizarreries d’une autre personne pour toucher son cœur.

Et c’est cet amour personnel pour chaque Juif qui est sans doute au cœur du désir intense du Rabbi de partager avec chaque Juif leur héritage et leur essence, leur ouvrant la voie à l’étude de la Torah et leur donnant les moyens de vivre selon le mode de vie juif.

Il n’y a pas de petit Juif

Seul enfant juif de sa classe, un élève de 5e sur l’île caribéenne de Curaçao a connu de sérieux problèmes à l’école en raison de son statut religieux minoritaire. Sans y être invité, le Rabbi a surpris la petite communauté juive de Curaçao en envoyant une paire d’émissaires qui ont aidé la famille dans leur détresse. Profondément reconnaissant, le père du garçon envoya au Rabbi une lettre chargée d’émotion, le remerciant d’être venu en aide à « un petit Juif à Curaçao ».

Le Rabbi répondit : « Il n’y a pas de “petit Juif”... un Juif ne doit jamais sous-estimer son immense potentiel... »

Protester contre un affront fait à un Juif

« Après cette longue période, j’ai été heureux de recevoir votre lettre du 17 juin, où vous parlez de votre mariage...

« Vous dites avoir rencontré un Juif au cours de vos voyages qui vient à la synagogue pour aider à compléter le minyane, mais en même temps lit le journal.

Il n’y a pas de petit Juif

« Chacun, bien sûr, réagit à une expérience de la manière qui lui est la plus proche. Ainsi, pour ma part, je fais les deux observations extrêmes suivantes. D’abord, je vois en cela l’attachement extrême au judaïsme que l’on trouve chez chaque Juif. Car voici une personne qui s’est égarée dans un coin reculé du monde, et qui est devenue si éloignée, non seulement géographiquement, mais aussi mentalement et intellectuellement, au point de n’avoir aucun concept de ce qu’est la prière ou de ce qu’est une Maison de D.ieu, etc., et pourtant on trouve en lui cette étincelle juive, ou comme l’a exprimé l’Ademour Hazakène, le fondateur de ‘Habad, dans le Tanya : “L’âme divine qui est véritablement une partie de D.ieu”. Cette âme divine, qui est l’héritage de chaque Juif, cherche à s’exprimer du mieux qu’elle peut, et dans le cas de ce Juif particulier, elle cherche à s’exprimer en permettant au moins à d’autres Juifs de prier en congrégation ; et il se donne donc du mal pour les aider et en même temps être compté parmi eux. »

« Mon autre observation, découlant de ce qui précède, est la suivante : si, là où les obstacles à la pratique juive sont si grands, un Juif peut rester actif et conscient de son judaïsme, on peut facilement voir les grandes choses qui auraient pu être accomplis avec ce Juif particulier si, au bon moment, il avait reçu une éducation appropriée au début de sa vie, ou du moins une orientation spirituelle appropriée à l’âge adulte. Cette considération souligne sûrement la responsabilité mutuelle qui repose sur tous les Juifs, et en particulier sur ceux qui peuvent aider les autres... »

« Nous ne devons jamais désespérer d’aucun Juif, et en même temps nous devons faire tout notre possible pour tirer le meilleur parti de nos capacités et de nos aptitudes pour renforcer la conscience juive parmi tous les Juifs avec lesquels nous entrons en contact. Car on ne peut jamais dire jusqu’où une telle influence peut aller... »

Comme une abeille

Comme une abeille trouve la douceur dans chaque fleur, le Rabbi a révélé le concept d’Ahavat Israël dans chaque sujet de la Torah. En voici deux exemples :

  1. Le rituel de la vache rousse contient une loi paradoxale : le kohen (prêtre) qui prépare les éléments nécessaires à la purification de la personne impure devient lui-même impur. La leçon ici, dit le Rabbi, est qu’il faut parfois être prêt à sacrifier son propre statut spirituel pour aider à purifier autrui.
  2. Le dernier verset de la Torah énumère les louanges de Moïse. Étonnamment, la dernière louange, les tout derniers mots de la Torah, font allusion à la destruction des Tables de la Loi par Moïse au Mont Sinaï – apparemment un acte très négatif !

Le Rabbi explique que, parmi toutes les qualités de Moïse, celle-ci était en fait la plus grande.

Moïse était l’incarnation de la Torah, celle-ci était son être même. Pourtant, il était prêt à briser les Tables – le « document » qui était la preuve de l’alliance entre D.ieu et Son peuple – pour sauver ceux qui l’avaient violée en adorant un veau d’or. En brisant les Tables – qui étaient son essence même – Moïse a démontré un amour inconditionnel et une volonté de se sacrifier, même pour les adorateurs d’idoles parmi le peuple juif.

Pour le Rabbi, l’Ahavat Israël est au cœur même de la Torah. Ainsi, invariablement, chaque chapitre, chaque mot et chaque lettre de la Torah évoque cette vérité sous-jacente et omniprésente.

L’homme d’Auschwitz

Alors que nous attendions un taxi à 1 h du matin sur la Septième Avenue à Manhattan, l’un d’eux s’est finalement arrêté et le chauffeur a demandé : « Où allez-vous, mesdames ? »

En cours de route, le chauffeur, un homme au fort accent, nous interroge : « Vous êtes juives ? » Hésitantes, nous avons répondu par l’affirmative.

C’est alors que j’ai remarqué le nom sur sa carte professionnelle, affichée dans le véhicule : William Guttman. Qui était William Guttman, conduisant tranquillement un taxi dans Manhattan pendant le service de nuit ? Finalement, je lui ai demandé, comme il nous l’avait demandé : « Êtes-vous juif ? »

« Avec un nom comme Guttman, qu’en pensez-vous ? » L’idée que nous aurions pu le prendre pour autre chose qu’un Juif semblait susciter en lui une fierté concentrée. « D’où venez-vous ? » demandai-je, pensant à la Russie, ou peut-être au Maroc.

« D’Auschwitz. »

William Guttman était un survivant.

« Mes parents vivaient à Budapest. J’avais quatre ans quand ils nous ont emmenés. Ma mère travaillait dans le Frau Lager (camp de concentration pour femmes), puis ils l’ont mise dans la chambre à gaz. Mon père est mort dans le camp de travail. Je n’ai jamais vraiment connu mes parents. Je ne sais même pas si j’ai des frères ou des sœurs. »

Comment un Juif qui a survécu à Auschwitz peut-il penser qu’il a du mazal ?

« C’est qui je suis, continua-t-il sur un ton détaché. Après la guerre, je suis allé dans un orphelinat, et la Croix-Rouge m’a amené en Amérique. Je n’avais pas de famille quand je suis arrivé. J’ai épousé une Israélienne, mais nous n’étions pas religieux. Je ne porte pas de kippah, et je travaille sept jours sur sept pour aider mon fils à devenir médecin. Il termine ses études de médecine dans deux mois. »

« Vous devez être si fier de lui. »

« Oui. Je ne suis pas religieux. Mais j’ai beaucoup de mazal (chance). »

Je me demandais, comment un Juif qui a survécu à Auschwitz peut-il penser qu’il a du mazal ? Il nous a ensuite demandé : « Vos parents sont-ils des ‘Hassidim ? »

Les ‘Hassidim de nos familles se sont perdus quelque part entre le shtetl et la banlieue il y a très, très longtemps. Mais, nous avons dit à William Guttman que nous étions des Loubavitch.

Nous lui avons demandé s’il connaissait Loubavitch.

« Loubavitch, je connais bien. J’ai un dollar porte-bonheur du Rabbi. C’est le meilleur Rabbi du monde entier. Je suis allé le voir, il m’a donné un dollar et m’a dit que j’aurai du mazal et que mon fils aura de la hatslo’ha (succès). Depuis lors, tout va bien. Tout pour moi depuis que j’ai parlé au Rabbi est bon. Je ne me déferais jamais de ce dollar, même si c’était le dernier que je possède. »

Il y avait une sincérité profonde, une force de conviction, dans l’anglais brisé qu’il bégayait.

« Le Rabbi m’a parlé en hongrois, affirma-t-il. Il était de Hongrie, le saviez-vous ? »

J’allais le corriger, puis j’ai pensé qu’il valait mieux ne pas le faire. Le Rabbi était de Hongrie pour un Juif hongrois. Et du Brésil. Et de Hong Kong. Et de partout d’où venait le Juif dans les yeux duquel il regardait.

Et encore une fois, il répéta : « Je ne suis pas religieux. Et ma femme n’est pas religieuse, continua-t-il. Mais quand le Rabbi était à l’hôpital, elle appelait tous les jours pour savoir comment il allait. Quand il est décédé, nous avons pleuré pendant trois jours. »

« C’est comme un père pour nous... »