« Maintenant, je vais commencer une phrase et je veux que vous la terminiez, OK ? », dis-je dans le discours que je prononce devant la classe de ma fille.
Les filles acquiescent.
« Voici la phrase : Chéma Israël... » Un rire se fait entendre. Bien sûr, elles terminent la phrase : « Hachem Elokeinou, Hachem e’had ». Ce sont des jeunes filles religieuses d’Israël. Elles connaissent le Chéma – la proclamation éternelle de tous les Juifs – depuis presque avant leur naissance.
Au fur et à mesure que les récits du massacre du 7 octobre émergent, de nombreux survivants se souviennent de ces moments où ils se sont agrippés au Chéma Israël aussi fermement qu’ils se sont accrochés à leurs armes. Et dans de nombreux cas, c’était la seule arme dont ils disposaient. Ils murmuraient, criaient, fermaient les yeux et remuaient les lèvres encore et encore : « Chéma Israël, Hachem Elokeinou, Hachem e’had ».
Benni Chasson vivait au kibboutz Kissoufim. Lui et sa femme ont passé des heures et des heures dans leur « pièce sécurisée », jusqu’à ce que des soldats arrivent pour les secourir à 4 heures du matin. S’agissait-il de terroristes ou d’Israéliens ? Il ne savait pas.
Il dit au soldat à l’extérieur : « Terminez cette phrase : Chéma Israël... ».
Le soldat répondit : « Hachem Elokeinou, Hachem E’had ». Ils se sentirent enfin en sécurité et ont ouvert la porte.
Lorsqu’un enfant commence à parler, il nous est demandé de lui enseigner deux versets fondamentaux pour notre foi : « La Torah que Moïse nous a prescrite est un héritage pour l’assemblée de Jacob » (Dt 33, 4). Et : « Écoute Israël : l’Éternel est notre D.ieu, l’Éternel est un. » (Dt 6,4).
À travers les âges, le « Chéma Israël » a poussé le peuple juif à aller de l’avant, mais à chaque époque, il a pris des nuances différentes.
Un homme est parti sauver sa femme, qui travaillait comme agent de sécurité à la fête Supernova le 7 octobre.
« J’ai pris mes armes et mes munitions et j’ai sauté dans la voiture. J’ai crié “Chéma Israël” en passant à toute allure devant les terroristes, les balles fusant de toutes parts », se souvient-il. Il a finalement sauvé sa femme blessée et d’autres personnes et s’est rendu directement à l’hôpital. Le Chéma faisait partie intégrante de ses munitions.
Lorsqu’Abraham est entré en scène, il y a 3 836 ans, les gens adoraient de multiples dieux. Par une analyse logique, Abraham a affirmé qu’il n’y avait qu’un seul D.ieu. Plus tard, le peuple juif eut une compulsion d’adorer des idoles. Nous ne pouvons pas comprendre pleinement cette dépendance, car D.ieu a fini par annuler cette puissante pulsion, mais le Chéma Israël a toujours été le serment d’allégeance au D.ieu Un.
Le Chéma est notre guide, notre déclaration de foi. Sa récitation deux fois par jour (matin et soir) est un commandement biblique.
Un autre survivant décrit sa fuite dans la voiture : « J’ai poussé la tête de ma femme vers le bas, j’ai dit Chéma Israël et je suis parti en trombe, une main sur le volant. Les balles sifflaient de tous les côtés. »
Les Grecs pensaient qu’après avoir formé l’univers, le Créateur l’avait laissé à lui-même, comme une horloge que l’on remonte et qu’on laisse ensuite tranquille. Nous ne croyons pas à cela. En tant que Juifs, nous croyons qu’il n’existe qu’une seule entité véritable, un seul D.ieu qui est l’essence de toute chose.
Tout ce qui se trouve dans l’univers dépend entièrement de D.ieu. D.ieu a créé l’univers il y a longtemps, mais Il le recrée aussi perpétuellement. S’Il supprimait cette force vitale, tout cesserait d’exister.
Quatre amis ont passé des heures et des heures à fuir la terreur, les balles, les grenades et même les haches – se cachant, courant, conduisant, se cachant, jusqu’à ce qu’ils soient finalement secourus. L’un d’eux a déclaré : « La seule arme dont je disposais était le Chéma Israël ».
Noah Hertz était un pilote de chasse israélien retenu en captivité en Syrie après l’attaque de Yom Kippour en 1973. Il avait perdu une jambe lorsqu’il avait été éjecté de son avion et avait été emprisonné pendant huit mois.
« Il y a un moment que je n’oublierai jamais », a-t-il déclaré lors d’une interview. « J’avais très froid, j’avais de graves infections et je sentais que j’étais épuisé. J’ai regardé la porte et j’ai commencé à pleurer amèrement... J’ai crié Chéma Israël... » Bien que Noah ne fût pas pratiquant à l’époque, il savait comment dire le Chéma.
« Le lendemain matin, je me suis réveillé et j’ai vu que j’étais vivant, que je n’étais pas mort, et j’ai décidé [...] que je resterais optimiste. C’est ainsi que j’ai passé un jour et un autre avec de l’espoir et des conversations. Je chantais pour moi-même, je criais des choses, je sifflais et je sentais que mon âme était libre, que j’étais peut-être emprisonné mais que mon esprit n’était pas brisé. »
Après sa libération, Noah Hertz et sa femme ont poursuivi le voyage qu’il avait entamé en prison, devenant finalement totalement des Juifs observant la Torah et ses commandements.
Dans la vie d’une personne, comme dans celle de Noah Hertz, le Chéma Israël peut revêtir différentes significations.
Lorsque j’étais jeune, dans le Colorado, je m’asseyais au sommet des montagnes pour contempler l’unité de toute chose. Lorsque j’ai découvert que le thème du Chéma Israël était l’Unicité, j’ai été stupéfaite de voir qu’il correspondait à ma vision de la spiritualité.
J’ai grandi et je suis partie vivre en Israël. Je suis devenue mère, puis grand-mère. J’avais plus de soucis, et je voyais plus d’incohérences dans le monde. Mais j’ai appris à connaître deux aspects de D.ieu : D.ieu est miséricordieux et D.ieu est un juge sévère. Le Chéma synthétise ces deux aspects de D.ieu.
En tant que Juive pratiquante, j’essaie de voir la main de D.ieu dans tout, même dans les mauvaises choses. Bien que nos cerveaux soient trop petits pour comprendre complètement ce concept, D.ieu introduit à la fois le bien et le mal dans le monde. Lorsque nous nous couvrons les yeux en disant le Chéma, nous cachons l’apparente dichotomie, l’apparente séparation, afin de proclamer son unité.
Il existe une prière que nous disons de Roch Hachana à Yom Kipour, appelée « Avinou Malkeinou ». Deux de ses versets se ressemblent beaucoup :
« Notre Père, notre Roi, agis en faveur de ceux qui ont été assassinés pour Ton Saint Nom. »
« Notre Père, notre Roi, agis en faveur de ceux qui ont été massacrés pour ton Unicité. »
Un survivant de la Seconde Guerre mondiale a dit un jour : « Je vais vous dire la différence entre les deux : Lorsque les nazis nous ont forcés à creuser un fossé et à nous tenir devant, ils ont commencé à tirer de droite à gauche. Les Juifs qui se tenaient à droite ne pouvaient que dire “Chéma Israël Hachem...” Ils ne pouvaient que proclamer le Saint Nom de D.ieu. Mais ceux qui se tenaient à gauche atteignaient le mot “E’had”, et purent ainsi proclamer l’unité de D.ieu. »
Le Chéma Israël est l’épée et le bouclier du peuple juif auxquels nous nous accrochons depuis des millénaires.
Parfois, je me demande si, en cas de danger de mort, D.ieu m’en garde, j’aurais la présence d’esprit de dire « Chéma Israël », de mourir comme une Juive.
Les victimes du 7 octobre ont-elles eu le temps et/ou la conscience de dire le Chéma ? D.ieu seul le sait.
« Le peuple juif gagnera cette guerre », a déclaré Yoni Asher, dont la femme et les deux filles ont été retenues en captivité à Gaza. Il s’adressait au Parlement de l’Union européenne. Puis, devant tous les représentants de l’UE, Yoni s’est levé et a déclaré : « Chéma Israël – D.ieu est Un ! »
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