A quelques jours de la fête de Pourim, le dernier Chabbat qui la précède, les synagogues retentissent d’une lecture particulière, celle d’un texte de la Torah qui donne justement son nom à ce jour : « Zakhor » ou « souviens-toi ». On le dit souvent, de manière générale et avec juste raison, le peuple juif a une longue mémoire. De fait, il a appris, depuis bien longtemps, à se souvenir car il sait que l’oubli du passé engendre les avenirs dépourvus de sens. Pourtant, il y a ici quelque chose de plus. Le souvenir auquel nous sommes conviés avec une insistance remarquable est celui de la guerre cruelle que fit Amalek aux Hébreux alors que, sortant d’Egypte, ceux-ci marchaient vers le Sinaï et le Don de la Torah. Il est vrai que cette histoire dépasse largement le niveau de l’anecdote. Ce n’est pas d’une rencontre belliqueuse avec un autre peuple qu’il s’agit, comme il en exista tant dans l’antiquité. Amalek incarne ici une véritable opposition à tout ce qui est saint et, d’abord, au lien qui se tisse alors entre D.ieu et Son peuple.

Si on relit ce texte à proximité immédiate de Pourim, c’est parce que, selon la généalogie traditionnelle, Amalek fut aussi l’ancêtre d’Haman et que, dans un cas comme dans l’autre, leur tentative d’en finir avec le peuple juif et son message aboutit à leur défaite et à leur disparition. L’ordre « souviens-toi » prend ainsi tout son sens. Depuis lors, le peuple juif a traversé bien des siècles, bien des pays et bien des cultures. Il a parfois rencontré le bonheur et souvent l’épreuve. Il a parfois vécu dans la sérénité et souvent dans l’incertitude. Et, lorsque les ombres ont grandi, lorsque l’exil a semblé devenir plus obscur encore, il a su ne pas désespérer, continuer son chemin avec le courage et la ténacité que donnent l’expérience des choses déjà vécues et la conscience du but à atteindre. Il a su voir la chute de ceux qui voulaient sa perte.

Alors que Pourim se lève à l’horizon, tel une indépassable lumière, les échos de cette histoire résonnent à nos oreilles avec un bruit familier, presque comme si l’on parlait d’événements de notre temps. Ce n’est guère étonnant : la Torah n’est-elle pas parole d’éternité ? Il existe toujours des « Amalek » ou des « Haman » que le peuple juif dérange par sa fidélité et sa constance. Prêts à tout, ils n’ont de cesse que d’éteindre sa voix. Nous savons qu’ils n’y parviendront pas. Eternellement libre, le peuple juif reste lui-même. Ne renonçant jamais à son héritage spirituel ni à sa mission, il sait que, derrière les nuages qui s’amoncellent, le soleil brille toujours. Il sait que le sort de l’obscurité est de s’évanouir et qu’inéluctablement, la lumière vaincra. Pourim n’est-il pas le temps de la joie ?