Prononcez le mot « péché » et vous évoquerez des notions très différentes chez différentes sortes de gens.

Pour les angoissés de l’enfer, ce mot a des relents de soufre, de honte et de chair roussie. À l’oreille des hédonistes – les fameux « kiffeurs » d’aujourd’hui – ça a une connotation assurément plus fun. Certains pensent qu’il s’agit d’un concept exclusivement chrétien, alors que d’autres l’attribuent aux Hébreux des temps bibliques. Mais pour les sages du Talmud, le péché est avant tout un acte de stupidité.

« Une personne ne pèche, écrivent-ils, que lorsque qu’un esprit de folie est entré en elle. »

Avant que j’aie ce travail, mon métier était de rédiger des modes d’emploi pour différents appareils domestiques. Vous savez, ces livrets de 30 pages que l’on trouve dans la boite avec les perceuses, les fours à micro-ondes, etc. C’était un boulot assez ennuyeux, mais assez bien payé et surtout c’était le genre de chose que l’on peut rédiger avec deux enfants sur les genoux. Le bon côté était que je n’avais pas besoin de signer mes écrits.

Bref, un jour je reçois du service client d’une des sociétés pour lesquelles je travaillais une lettre que, s’agissant de la première réponse jamais reçue de la part d’un lecteur de mon « œuvre », je me suis empressé de lire.

« Monsieur, commençait la lettre. J’ai entre les mains un livret dont vous êtes l’auteur qui se trouvait dans l’emballage de mon nouveau caméscope. Je dois avouer que je suis scandalisé par votre suffisance et votre audace. Il s’agit de ma caméra, pour le prix de laquelle j’ai dépensé mon argent, durement gagné. Elle a beaucoup de boutons, interrupteurs et diodes indicatrices, et ce sont tous mes boutons, mes interrupteurs et mes diodes indicatrices. Comment osez-vous me dire ce que je dois en faire ! J’ai bien l’intention d’appuyer sur chacun de mes boutons ou d’actionner chacun de mes interrupteurs comme il me plaira. Et concernant les diodes indicatrices, c’est moi, et non pas vous, qui vais déterminer ce qu’elles vont indiquer. Qui plus est, je me réserve le droit de n’en tenir aucun compte, si tel est mon bon plaisir. Bien cordialement, un client très stupide. »

Évidemment, il n’a pas signé comme cela, mais il aurait pu. Inutile de dire que je ne lui ai pas répondu.

Les sages du Talmud ne faisaient pas vraiment de différence entre mon client stupide et le pécheur moyen. Dans leur optique, quand une personne agit à l’encontre des instructions du Créateur sur la manière dont la vie doit être vécue, il se peut qu’il commette un acte qu’il conviendra de qualifier de mauvais, méchant, égoïste, destructeur, agréable, provoquant, lâche, etc, selon le cas. Mais, avant tout, il commet quelque chose de profondément stupide...