Mena’hem Mendel Schneerson, le Rabbi de Loubavitch, a atteint hier l’âge biblique de 70 ans, mais il a vécu à l’époque de la Bible chacune de ces années.

« L’âge rend ma vie plus exigeante », a-t-il déclaré. « Mon âge exige davantage de moi. »

Pour lui, la loi révélée n’est pas seulement une règle de vie, mais aussi une vérité littérale. Pour des milliers d’adeptes dans le monde entier, c’est le Rabbi de Loubavitch lui-même qui est le guide des commandements et l’interprète de la vérité.

En “Une” du New York Times: Le Rabbi de Loubavitch marque sa 70ème année avec un appel à la “bonté”
En “Une” du New York Times: Le Rabbi de Loubavitch marque sa 70ème année avec un appel à la “bonté”

Il en est ainsi, sinon depuis le début du monde, il y a 5732 ans selon le calendrier juif, du moins depuis le XVIIIe siècle, lorsque le mouvement Loubavitch fut fondé.

Une mesure d’étude supplémentaire

Le Rabbi a décidé d’utiliser son anniversaire comme prétexte pour exiger de ses disciples ce qu’il a appelé « une part supplémentaire d’étude et de dévotion à la cause de la bonté et de la gentillesse ».

« Je pense que c’est un très bon défi, non seulement pour moi, mais aussi pour eux », a-t-il déclaré.

Un farbrenguen (rassemblement) est prévue pour son anniversaire, avec environ 1500 fidèles masculins entassés dans la synagogue (les femmes à l’étage, regardant derrière une vitre fumée) au 770 Eastern Parkway à Brooklyn, pour entendre le Loubavitcher Rebbé prononcer l’un de ses extraordinaires discours-marathon.

Comme d’habitude, le Rabbi commence par un discours d’échauffement d’une demi-heure. Pendant qu’il parle, de nombreuses personnes dans la foule se balancent d’avant en arrière ou d’un côté à l’autre.

Vêtus de noir, ils font penser à une vaste collection de sombres horloges de grand-père, chacune mesurant le temps à son propre rythme pendulaire. Parfois, des files entières de fidèles se balancent ensemble, comme des vagues balayant le rivage du Rabbi. Ici et là, une horloge reste immobile.

Un effet d’entraînement

Lorsque le Rabbi s’arrête enfin, les fidèles se lancent dans un joyeux hymne ‘hassidique, souvent sans paroles. Ici, le chant est perçu comme l’expression de l’âme, et sans mots, l’âme est libre.

Lentement, le Rabbi prend le rythme avec ses épaules et sa tête, et soudain, il rebondit vigoureusement sur sa chaise au rythme de la musique. Ses pieds se balancent de gauche à droite sous la nappe blanche qui recouvre la table devant lui. Plus il rebondit, plus le public chante fort.

Lentement, il revient à une position stationnaire et les chants se calment, passant de l’unisson tonitruant au silence.

Il reprend son discours – chaque portion d’une demi-heure est une homélie ou une argumentation distincte. Sauf le jour du Chabbat, ses paroles (du yiddish entrecoupé d’hébreu) sont transmises par haut-parleurs à ceux qui n’ont pas réussi à entrer dans la synagogue, et par lignes téléphoniques ouvertes à une douzaine de centres Loubavitch dans le monde.

Le Chabbat, lorsque les orthodoxes n’utilisent pas d’instruments d’enregistrement, deux ou trois fidèles dotés d’une mémoire extraordinaire écoutent attentivement et écrivent ensuite une transcription fidèle des propos. Le Rabbi de Loubavitch n’utilise jamais de notes et n’hésite jamais, même au cours de ses discours de six heures.

Paroles et musique sont des variations sur des thèmes qui doivent beaucoup aux enseignements du fondateur du ‘hassidisme, le Baal Chem Tov – Maître du Bon Nom –, un mystique du XVIIIe siècle qui enseignait la joie pieuse dans l’accomplissement des commandements. Le Baal Chem Tov a fait savoir qu’un homme simple qui priait sincèrement valait mieux qu’un érudit talmudique au cœur froid.

Un groupe de croyants s’est ensuite attaché au Rabbi Chnéour Zalman (1745-1812), dont le mouvement est devenu connu sous le nom de ‘Hassidisme ‘Habad – « ‘Habad » étant un acronyme des mots hébreux signifiant sagesse, compréhension et connaissance.

Rabbi Chnéour Zalman exhortait ses fidèles à servir D.ieu (les juifs orthodoxes s’abstiennent d’épeler complètement les noms de la divinité) avec un esprit qui comprend, un cœur qui ressent et une main qui agit.

Il fut connu sous le nom de Alter Rebbé (Vieux Rabbi), son fils fut le Mitteler Rebbé (Rabbi Intermédiaire) et son petit-fils (troisième de la dynastie) prit le nom de Schneersohn.

Arrivée aux États-Unis

C’est le Mitteler Rebbé qui s’est installé à Loubavitch, un village de Biélorussie qui allait être le centre de ‘Habad pendant 102 ans. En 1940, le sixième Rabbi de Loubavitch, un arrière-arrière-arrière-petit-fils du premier, vint aux États-Unis et s’installa à Brooklyn.

À sa mort en 1950, son second gendre, l’actuel Rabbi de Loubavitch, lui succéda. Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson (le « h » de Schneersohn a été supprimé, sans raison profonde) est également un arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils du fondateur.

Il n’y a pas eu d’élection, mais il était le candidat naturel pour des raisons dynastiques et en raison de son érudition et de ses qualités personnelles.

Ce rabbin d’origine russe habite à trois pâtés de maisons du siège de Loubavitch. Deux fois par mois, il effectue ses seuls déplacements en dehors de Brooklyn, dans le Queens, pour se recueillir en silence sur la tombe de son beau-père.

Comme le Rabbi de Loubavitch ne rend visite à personne, ce sont ses fidèles qui viennent à lui. Même le Président d’Israël, Zalman Shazar, qui porte le nom du premier Rabbi, effectue régulièrement deux visites aux États-Unis – d’abord au Président à Washington, puis au Rabbi qui habite President Street à Brooklyn.

Les fidèles de Loubavitch aiment plaisanter sur le fait que le Président Shazar vient voir le Président Nixon pour avoir une excuse pour rendre visite au Rabbi.

Séances avec les visiteurs

Le Rabbi reçoit des visiteurs deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche, à partir de 20 heures et souvent jusqu’à l’aube ou plus tard. Il explique qu’après 20 heures, il est difficile d’atteindre les gens à leur travail, ce qui permet de libérer du temps pour les visiteurs.

Les fidèles de Loubavitch viennent de nombreux pays, traversant souvent la moitié du monde simplement pour poser une question à leur Rabbi ou pour recevoir sa bénédiction. Ses fidèles – beaucoup lui écrivent au lieu de venir en personne, et il ouvre personnellement tout le courrier – lui posent des questions sur la théologie, les affaires familiales, et même les problèmes médicaux.

Comment peut-il répondre à un tel éventail de préoccupations ? « Je n’ai pas peur de répondre que je ne sais pas », répond-il.

« Si je sais, je n’ai pas le droit de ne pas répondre. Quand quelqu’un vient vous demander de l’aide et que vous pouvez l’aider au mieux de vos connaissances, et que vous lui refusez cette aide, vous devenez une cause de sa souffrance. »

Acceptation de D.ieu

Lors d’une récente audience, juste avant que les rayons de l’aube ne se lèvent sur Eastern Parkway, le Rabbi de Loubavitch a regardé attentivement son visiteur et, de temps à autre, un sourire chaleureux et remarquablement doux a illuminé son visage. Caressant sa barbe grise, il a expliqué que son rôle était « d’éveiller en chacun le potentiel qu’il possède ».

Sur les fondamentaux, le Rabbi n’a aucun doute. « Si vous pouvez accepter que D.ieu tout-puissant a créé des milliards et des milliards d’atomes, pourquoi ne pouvez-vous pas accepter que D.ieu tout-puissant a créé un être humain ? »

« Si vous êtes enthousiaste à l’idée de remplacer le terme “D.ieu” par le mot “mystère”, je vous poserai la même question à propos du “mystère”. Il est beaucoup plus facile d’accepter un être humain, deux êtres humains, que d’accepter que des milliards d’atomes désordonnés tourbillonnent sans aucun concept, sans aucun ordre, et soudain, par un big bang ou un small bang, l’univers est créé. »

À la suggestion que son orthodoxie le marque comme un conservateur, il s’est opposé en disant :

« Je ne crois pas que le judaïsme réformé soit libéral et que le judaïsme orthodoxe soit conservateur. Pour moi, un conservateur est quelqu’un qui est tellement pétrifié qu’il ne peut pas accepter quelque chose de nouveau. Pour moi, le judaïsme, ou la halakha (la loi religieuse juive), ou la Torah englobe tout l’univers, et englobe toute nouvelle invention, toute nouvelle théorie, tout nouvel élément de connaissance, de pensée ou d’action.

« Tout ce qui se passe en 1972 a sa place dans la Torah et doit être interprété, expliqué et évalué du point de vue de la Torah, même si cela s’est produit pour la première fois en mars 1972. »

Dissuader le culte de la personnalité

Ses disciples sont ouvertement révérencieux et les étudiants Loubavitch attendent des heures pour apercevoir leur Rabbi sortant de son bureau.

Les fidèles le considèrent comme un tsaddik (un saint homme), mais ce n’est pas ainsi que le Rabbi se voit lui-même – « Parce que je ne suis pas un tsaddik », explique-t-il. Il poursuit : « Je n’ai jamais donné de raison à un culte de la personnalité et je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour les dissuader de s’y livrer. »

Le Rabbi de Loubavitch et son épouse, mariés depuis 1929, n’ont pas d’enfant. Qui sera le huitième Rabbi de Loubavitch ?

« Le Messie viendra et il se débarrassera de tous ces problèmes et de tous ces doutes », a répondu le septième Rabbi, avant d’ajouter en souriant : « Il pourrait venir pendant que je suis ici. Pourquoi retarder sa venue ? »

Sur l’arrivée du Messie

« Mon intention est de vivre encore de nombreuses années, et le Messie peut venir demain ou après-demain », dit-il. « Il y a beaucoup de choses à accomplir, suffisamment non seulement pour ma vie, mais aussi pour plus de 120 ans. »

Il a ajouté : « Le Messie sera un véritable être humain. Ne le traduisez pas comme quelque chose d’abstrait. Il est tangible. Il a deux yeux, deux oreilles, deux jambes, deux mains et un cœur. Le cœur a quatre compartiments. L’un des compartiments est destiné au sang impur, que le cœur transforme en sang pur. Et c’est la fonction du Messie. »