La retenue peut sembler épuisante. On a envie de quelque chose, mais on se dit « non ». Le désir refait surface, et l’on fait preuve d’une maîtrise de soi exemplaire en s’abstenant. Cela se répète encore et encore, et l’on fait face tout en se demandant s’il n’y aurait pas un moyen de transformer ce désir négatif pour ne plus avoir à lutter contre lui.
Un changement durable est-il possible ?
Ce que l’on veut, c’est un changement durable, parvenir à ce que l’âme animale cesse de désirer quelque chose qui n’est pas compatible avec l’âme divine, mais éprouve au contraire du plaisir à étudier la Torah ou à faire une mitsva. On ne veut pas se contenter de contrôler ses pulsions ou d’affaiblir l’âme animale, mais l’on aimerait voir une transformation dans laquelle le négatif de l’âme animale lui-même se transforme en une véritable passion et un désir pour la sainteté. Plutôt que d’avoir soif de plaisirs physiques ou interdits, on veut qu’elle développe un désir et une appréciation des plaisirs spirituels.
Réprimer un désir ou le transformer
Dans la terminologie ‘hassidique, il s’agit de la différence entre itkafia, qui signifie « réprimer » un désir négatif, et ithapkha, qui signifie « transformer » ce désir en quelque chose de positif. La prière est un process de blocs de construction spirituels par lesquels on peut réprimer et transformer ce qui doit l’être. Tout comme il existe une section de la prière consacrée à itkafia, la section suivante de la prière permet de réaliser ithapkha.
Mais d’abord, un avertissement : si la section que nous allons décrire ne représente que quelques mots de la prière du Chéma, la méditation qui l’accompagne est beaucoup plus longue. Dans un monde plein de distractions, il peut sembler décourageant d’essayer de suivre tout un train de pensées pour seulement quelques mots. C’est pourquoi, en tant qu’auteure, je vous mets au défi d’éteindre mentalement toutes les « notifications » et de suivre tout le fil de la pensée sur la transformation des ténèbres en lumière.
La première phrase de cette prière se lit comme suit :
Chéma Israël A-donaï E-loheinou Adonaï E’had. Cela se traduit par : « Écoute, Israël, l’Éternel est notre D.ieu, l’Éternel est Un. »
Pourquoi le verset ne combine-t-il pas les deux mentions du mot « l’Éternel » pour dire : « Écoute, Israël, l’Éternel notre D.ieu est Un » ? Pourquoi la répétition du mot « l’Éternel », qui implique deux affirmations distinctes : a) l’Éternel est notre D.ieu ; et b) l’Éternel est Un ?
Vous l’avez deviné : c’est parce que chacune de ces affirmations parle de niveaux de l’Éternel entièrement différents – l’un se référant à D.ieu au-delà de la création du monde et l’autre se référant à D.ieu en relation avec la création du monde.
D.ieu est un
Expliquons d’abord le second : Adonaï E’had, « l’Éternel est Un ».
Il est intéressant que la prière utilise le mot « un », e’had, pour décrire l’unicité de D.ieu, car il peut être mal interprété et impliquer que si D.ieu est numéro un, alors quelque chose d’autre est numéro deux et qu’Il n’est donc pas la seule existence. La prière du Chéma aurait pu utiliser un mot hébreu similaire, ya’hid, qui ne signifie pas « un » mais « unique ».
Pourtant, le mot « un », e’had, est intentionnel. Ce mot est composé des lettres hébraïques alef, ‘het et dalet qui ont des valeurs numériques respectives de un, huit et quatre. Le mot e’had enseigne ainsi qu’en dépit de la création du monde, D.ieu est toujours « un ». Même avec la création de sept cieux plus la terre (huit), même avec la création des quatre vents ou directions des dimensions physiques, D.ieu demeure toujours un.
Il y a une conscience profonde que D.ieu n’est pas seulement l’unique D.ieu, mais qu’il n’y a rien d’autre que D.ieu. La récitation du Chéma est le moment de contempler que notre existence entière est due à D.ieu, et qu’il n’y a donc rien d’autre que D.ieu. Même après qu’il y ait un huit et un quatre, Il est toujours un. Même après avoir créé des espèces vivantes, des pays, le vaste univers tout entier, D.ieu est toujours un. Unique. Singulier.
D.ieu est nôtre
Voilà donc un niveau de D.ieu auquel nous pouvons méditer. Puissant. Et pourtant, c’est en contraste avec la première partie A-donaï E-loheinou – « l’Éternel est notre D.ieu ». À quoi ces mots font-ils référence ? Ils font référence à l’essence de D.ieu, qui est bien au-delà de tout lien avec un univers créé.
E’had (« unicité ») ne s’applique pas à D.ieu avant la création de l’univers car il n’y a rien d’autre : Son essence est ya’hid, singulier, car « il n’y a rien d’autre ». C’est un niveau de D.ieu qui est franchement insaisissable. Comment une créature pourrait-elle appréhender son Créateur ? Et pourtant, l’Éternel, Son essence, est « notre D.ieu ».
Même les anges ne peuvent pas saisir ce niveau de D.ieu, et pourtant nos âmes, qui sont en fait issues de Son essence, le peuvent. Il est à nous, et nous sommes les seuls à pouvoir dire qu’Il est à nous ! C’est comme si notre âme pouvait capter une gamme de fréquences à laquelle même les anges n’ont pas accès. Il ne s’agit pas d’une compréhension intellectuelle de D.ieu, mais d’une familiarité avec notre essence, avec notre moi le plus profond.
Pense à cela !
Et ainsi va la méditation : Chéma Israël – « Écoute, Israël ». Pense à cela ! Comprend cela ! L’essence de D.ieu est révélée exclusivement au peuple juif, ce qui est un reflet direct de l’immense amour de D.ieu pour Son peuple. D.ieu a choisi de nous donner littéralement un morceau de Son essence. Et cette même âme, dont la source se situe à un niveau si élevé, est descendue dans ce monde physique en divergeant fortement de sa source d’origine. Elle se retrouve soudainement colocataire d’une énergie opposée, une énergie qui l’empêche souvent de contempler la lumière infinie de D.ieu.
Une soif intense de revenir à notre Source
Ce train de pensées – la grandeur de l’âme par rapport à la grandeur de la descente – suscite dans l’âme des sentiments de soif et de désir intenses de retourner à sa source, un désir de ne faire qu’un avec D.ieu, comme avant qu’elle n’habite un corps physique avec une âme animale.
C’est comme si l’âme divine se mettait à penser à sa source, et veut désespérément se connecter à Son essence et déborde d’amour, comme le dit ensuite la prière du Chéma : « Tu aimeras l’Éternel ton D.ieu de tout ton cœur. » On ressent cet amour, et l’on veut simplement faire l’expérience de « l’Éternel est notre D.ieu » – cette relation spéciale avec D.ieu. On veut que la puissance de l’âme animale n’empêche pas de ressentir comment l’Éternel est notre D.ieu, notre D.ieu personnel.
Un amour explosif pour D.ieu
Voici ce qui est étonnant : on met alors en marche un cycle d’amour. Nous désirons D.ieu, Il nous révèle un grand amour et cela révèle un amour encore plus profond dans notre cœur qui est tout simplement explosif – un amour qui fait sauter et danser l’âme de joie. Ce n’est pas l’amour qui naît de l’intellect, mais celui qui naît de la révélation de l’amour de D.ieu dans notre cœur. Cet amour est si grand qu’il est décrit comme le fait d’aimer D.ieu « de toutes ses forces ».
Cet amour est si puissant qu’il englobe tout. Il n’a pas de limites, et il n’y a aucun endroit dans l’esprit et le cœur qui ne soit pas rempli d’amour de D.ieu. Il est si puissant qu’il prend la nature même de l’âme animale et la transforme.
Un amour si fort qu’il transforme l’âme animale
C’est donc de cela qu’il s’agit : éveiller un amour si grand que les ténèbres de l’âme animale changent réellement de nature et commencent à désirer la sainteté. L’âme animale est tellement transportée spirituellement que les plaisirs physiques ne lui semblent plus aussi tentants. Plus l’on se concentre sur cette méditation du Chéma, plus l’âme animale désire réellement la sainteté.
L’âme animale commence à désirer la sainteté
Si vous avez relevé le défi et lu jusqu’ici, c’est formidable ! Je vais maintenant pousser le défi un peu plus loin et vous demander de méditer sur ce sujet pendant la prière du Chéma et de voir votre âme animale intérieure se transformer. Avec le temps, vous constaterez qu’au lieu de dire constamment « non » à votre âme animale parce qu’elle veut quelque chose de négatif, vous serez parfois amené-e à lui dire un « oui » retentissant parce qu’elle aura un véritable désir de sainteté.
Au lieu d’investir de l’énergie pour vous opposer à l’âme animale, vous investissez de l’énergie pour la transformer afin de pouvoir exaucer ses désirs en abondance. Quelle métamorphose ! Cette transformation par l’amour change complètement la donne.
Note de l’âme : Je transforme mes désirs négatifs non pas avec des munitions, mais en contemplant profondément l’amour de D.ieu pour moi et mon amour pour Lui.
Source : Le Maamar Ki Tihiyena Le-ich dans Likoutei Torah, tel qu’expliqué dans ‘Hassidout Mevouéret, chapitre 5.
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