Avant la pandémie et la fermeture de cette belle attraction, j’ai emmené mes enfants au National Geographic Encounter: Ocean Odyssey à Times Square, à New York. Grâce au mapping vidéo, à l’animation photographique 8K, aux écrans géants, au son et au suivi interactif en temps réel, mes enfants se sont retrouvés immergés dans la vie marine virtuelle, face aux grands requins blancs, aux baleines à bosse en passant par les calmars de Humboldt et les otaries. Ils se sont amusés à prendre des photos près de créatures marines à l’aspect réaliste et à porter des lunettes 3D pour avoir l’impression que des requins venaient vers eux.

Ça m’a fait réfléchir. Je savais, et les enfants savaient, que les créatures n’étaient en réalité qu’un tas de pixels de lumière qui ressemblaient aux poissons qu’ils étaient censés incarner. Mais pourriez-vous imaginer une seconde qu’une otarie virtuelle se considère comme un être indépendant ? Que parce qu’elle était si interactive, elle n’avait pas vraiment besoin de projecteurs pour continuer à exister ? C’est absurde !

Et pourtant, tout comme une technologie puissante maintient le requin en existence, la création n’existe qu’aussi longtemps que notre Créateur nous crée continuellement. Bien sûr, nous avons le libre arbitre et une illusion d’autonomie, comme si le monde pouvait exister sans l’intervention de D.ieu, mais la vérité est que nous n’existons pas indépendamment de D.ieu.

Notre ego nous dit le contraire. L’ego « évince D.ieu ». Notre ego aime gonfler notre existence, nous donner de l’assurance avec une absurde suffisance et l’illusion d’une existence indépendante. Le mot hébreu pour désigner ce sentiment d’orgueil est la yechouth – le sentiment d’être une entité indépendante de D.ieu. La vérité de notre réalité, la création continue de D.ieu, fait fondre la fausseté de l’ego.

C’est tout l’objet de la prière. La prière est appelée une guerre, car il y a une bataille entre notre âme divine et notre âme animale. La tactique n’est pas de combattre des désirs négatifs spécifiques de l’âme animale, mais d’affaiblir globalement son pouvoir en employant notre énergie intellectuelle et émotionnelle à réfléchir à la vérité de l’Unicité de D.ieu et du fait que tout dans notre vie est recréé par D.ieu à chaque instant. La stratégie consiste à utiliser le pouvoir de notre imagination et de notre pensée non pas pour la fantaisie ou l’obsession de soi, mais en concentrant nos pensées sur D.ieu et Sa grandeur. Nous ne combattons pas activement le mal ; à la place, nous gravons la vérité dans notre psyché.

De fait, une section entière de la prière est consacrée à cela : il s’agit des Psoukei Dezimra, ou « Versets de Chant ». Nous louons D.ieu pour Sa grandeur et nous prenons conscience de Sa Puissance. Lorsque cette conscience est au premier plan, notre ego fond alors automatiquement.

Comme il est dit dans les Psaumes : « Des louanges exaltées de D.ieu sur les lèvres, une épée à deux tranchants dans leur main. »1 Lorsque nous passons du temps à louer D.ieu pendant la prière, nous avons une épée à double tranchant qui est efficace dans notre combat contre notre âme animale. Pourquoi à double tranchant ? Parce que notre âme animale est un mélange de bon et de mauvais. Elle est peut-être intrinsèquement égoïste, mais elle comporte des aspects positifs et négatifs. Lorsque nous louons D.ieu, l’effet à double tranchant est que, simultanément, le bien de l’âme animale s’élève, tandis que le mal de l’âme animale se sépare et s’affaiblit. Être conscient que D.ieu me fait exister à ce moment précis, et que je ne suis pas séparé de Lui mais au contraire « un » avec Lui, cela chasse les désirs négatifs en moi comme la lumière chasse automatiquement l’obscurité.

L’âme animale elle-même s’enthousiasme à l’idée que non seulement D.ieu recrée le monde entier à chaque instant, mais que cela signifie que le monde est en réalité annulé à Lui. Tout comme les pixels sont annulés au projecteur – c’est-à-dire qu’ils n’ont pas d’existence indépendante du projecteur –, le monde entier est annulé à D.ieu, car nous n’existons pas indépendamment de Lui.

C’est comme s’il y avait un immense déclic pour l’âme animale et intellectuelle quand elle réalise que D.ieu est infiniment plus grand que le monde qu’Il crée. L’âme animale réalise que non seulement le monde est annulé à D.ieu, mais que même les descriptions de la personnalité de D.ieu ne Lui rendent pas vraiment justice, comme le fait d’appeler D.ieu « grand », parce que cela implique quelque chose de relatif, à savoir qu’Il est plus grand que quelque chose, alors qu’en réalité, Il est infiniment plus grand que la création, de manière incommensurable !

Nous y faisons allusion dans les Psoukei Dezimra lorsque nous disons : « Lekha A-donaï haguedoula vehaguevoura vehatiféreth vehahod » – « Éternel, c’est à Toi qu’appartiennent la grâce, la puissance, la gloire, la victoire et la majesté... ». C’est à Toi, ce qui signifie que ces descriptions de D.ieu sont annulées et subordonnées à Lui, étant donné qu’Il est tellement plus grand qu’elles. Les anges disent aussi que D.ieu est kadoch, « séparé », complètement hors du domaine de Ses créations.

Il ne s’agit pas seulement d’un exercice intellectuel, mais aussi d’une profonde expérience spirituelle et émotionnelle. L’âme animale réalise que non seulement la création tout entière et même toutes les qualités de D.ieu sont annulées devant D.ieu, mais que cela signifie qu’elle-même est également annulée vis-à-vis de D.ieu. Elle fait l’expérience du bitoul, un sentiment qui est l’opposé de la yechouth, où elle n’a pas l’impression d’avoir une existence indépendante. Le b itoul et la yechouth sont inversement proportionnels : plus j’ai de bitoul, moins j’ai de yechouth et vice versa.

En me concentrant sur D.ieu et en affirmant Sa création constante, j’ai une stratégie sûre pour faire fondre l’ego. Plus j’assimile le fait que D.ieu maintient l’univers en existence, plus l’emprise de l’âme animale sur moi est faible. Le mal ou la négativité ne peuvent provenir que d’un sentiment de yechouth, d’existence autonome, de sorte que plus je me sens comme un pixel de lumière métaphorique dans le monde de D.ieu, plus j’ai de bitoul, d’annulation, et plus j’ai la victoire de la lumière sur les ténèbres.

Mais quel ego aime être éteint de la sorte ? Aucun. Et c’est pourquoi chaque matin, de bonne heure, l’ego essaie désespérément de créer l’illusion du soi, de l’existence indépendante. Et c’est aussi pourquoi, chaque matin, nous devons prendre le temps de prier, pour percer cette illusion et nous donner la possibilité de nous élever dans l’unicité absolue de D.ieu.

Et cela est plus réel que n’importe quelle attraction du National Geographic.

Source : le Maamar Ki Tihiyena Léish dans Likoutei Torah, tel qu’expliqué dans ‘Hassidout Mevouéret, chapitres 4.