Par la grâce de D.ieu
Le 6 Tichri 5734
Brooklyn, N.Y.

Aux fils et aux filles de
notre peuple Israël,
partout où ils se trouvent
D.ieu vous bénisse tous :

Salutations et bénédictions :

Suite à la lettre pour Roch Hachana —

dont le thème était centré sur la tâche que le Créateur a confiée à l’homme, l’élu de toutes les créatures, ainsi que sur les forces considérables dont il dispose pour la mener à bien dans la vie —

je voudrais m’arrêter ici sur un autre point, à savoir que, si cette question concerne chaque Juif en tant qu’individu, elle s’applique aussi, et même plus fortement, au peuple juif dans son ensemble, le Peuple Élu,1 auquel D.ieu a confié une tâche spéciale en tant que nation parmi les nations du monde. Selon les mots du prophète Isaïe : « Ainsi parle le Seigneur D.ieu, Créateur des cieux... de la terre et de ses créatures... : “Je te protégerai et t’établirai comme peuple de l’alliance pour être la lumière des nations”. »2

Et de même que le Juif, en tant qu’individu, ne doit pas oublier sa tâche, mais être pénétré à tout moment de la responsabilité de celle-ci3 et ne pas sous-estimer ses capacités, de même le peuple juif, en tant que nation, doit toujours être conscient de son but spécial et ne pas sous-estimer ses capacités, et ne doit certainement pas suivre ou imiter servilement les autres nations.4

Il en va de même, à une échelle plus limitée, mais dans des cas plus concrets, pour toute communauté ou organisation juive, quel que soit le but officiel de sa création, et même pour un seul Juif dont le statut est tel que les gens le considèrent comme exemplaire ou représentatif de toute la nation juive.

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Cette affirmation n’est pas nécessaire, cela va sans dire, dans le domaine où l’unicité du peuple juif est évidente pour tous, à savoir dans la sphère de la vie purement spirituelle, de la vraie Yiddishkeit, c’est-à-dire de la Torah et des Mitsvot. Mais plutôt dans la sphère des choses où toutes les nations sont plus ou moins comparables extérieurement, c’est-à-dire dans la sphère des affaires dites5 générales et courantes, comme, par exemple, dans les relations des communautés et des organisations avec le monde extérieur, ou entre elles, quant à savoir quels devraient être les objectifs et les aspirations d’un organisme juif particulier, qui devraient en être les dirigeants, quelles priorités établir, comment les ressources devraient être allouées, et ainsi de suite.

On a parfois tendance à déterminer de telles choses sur la base de critères quantitatifs plutôt que qualitatifs. C’est pourquoi, dans le domaine de ces activités, le peuple juif a reçu la directive suivante : « Ce n’est ni par la force ni par la puissance, mais par Mon esprit, dit D.ieu ».6 Le peuple juif et la communauté juive (et même le Juif en tant qu’individu) ont reçu des capacités divines spéciales (« Mon esprit ») pour accomplir leur tâche dans toute sa mesure. Car en ce qui concerne les Juifs, leurs capacités physiques sont liées et subordonnées à des capacités spirituelles, qui sont infinies.

On en trouve un exemple historique à l’époque du roi Salomon, où le peuple juif se distinguait des autres nations du monde par le fait qu’il avait atteint le plus haut degré de sa perfection. Nos Sages de mémoire bénie, se référant à cet état, le décrivent comme étant comme « la lune dans sa plénitude ».7

— En effet, comme on le sait, le peuple juif est comparé à la lune, et il « compte » ses temps (ses mois calendaires) en fonction de la lune.8 L’une des explications de ce phénomène est que, de même que la lune change périodiquement d’aspect en fonction de sa position par rapport au soleil, dont elle reflète la lumière, le peuple juif change en fonction de la mesure selon laquelle il reflète la lumière de D.ieu, dont il est écrit : « Car D.ieu Elokim est soleil et bouclier ».9

Cette perfection à l’époque du roi Salomon (bien que les juifs constituaient déjà à cette époque, numériquement et physiquement, « la moindre de toutes les nations ») s’exprimait, sous une forme tout à fait particulière10, dans les relations entre le peuple juif et les autres nations du monde. La réputation de sagesse du roi Salomon suscitait chez les rois et les dirigeants un vif désir de venir voir sa conduite et d’apprendre de sa sagesse11 – cette sagesse qu’il avait demandée et reçue à travers sa prière à D.ieu, et qui était basée sur la Torah du D.ieu Vivant.12

Et quand ils venaient, ils voyaient aussi comment, sous sa direction, vivait un peuple, même dans sa vie matérielle, « en sécurité, chacun sous sa vigne et sous son figuier »,13 dans un pays où « les yeux de l’Éternel ton D.ieu sont constamment fixés sur lui, du début de l’année à la fin de l’année ».14 Et c’est ce qui a apporté la paix entre les Juifs et toutes les nations environnantes.

Ainsi, il a été clairement démontré que lorsque les Juifs vivent en accord avec la Torah, la véritable paix est atteinte, et ils servent de guide aux nations – « les nations suivront ta lumière »,15 la lumière de la Torah et des Mitsvot.16

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Ladite tâche du Juif et de la communauté juive ne se limite pas au moment où ils sont dans un état de « pleine lune », mais aussi lorsqu’ils sont en exil, « répandus et dispersés parmi les nations ». Car même dans ce cas, ils sont « un peuple un, dont les lois sont différentes de celles de toutes les autres nations »,17 un fait connu et reconnu par toutes les nations du monde.

Car même lorsque les Juifs sont en Galouth (exil), c’est seulement le corps juif qui est en exil, mais l’âme juive n’est jamais exilée18 et est libre de tout assujettissement extérieur. Par conséquent, même pendant l’exil, les Juifs ne doivent pas ignorer leur tâche, ni sous-estimer leurs capacités, aussi limitées que soient leurs capacités matérielles, dans la mesure où les ressources matérielles d’un Juif, comme nous l’avons déjà noté, sont liées au spirituel, et dans le domaine spirituel, il n’y a pas de limites, même pendant le temps de l’exil.

En termes clairs : où que se trouvent les Juifs, en diaspora ou en Terre d’Israël, même un Juif isolé dans un coin reculé de la terre, il incombe à chaque Juif et à chaque communauté juive de se rappeler qu’ils font partie de l’ensemble du peuple juif et qu’ils sont les représentants de l’ensemble du peuple juif, le peuple un depuis que la Torah a été donnée au mont Sinaï et jusqu’à la fin des temps.

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Ce qui précède a également une pertinence particulière pour la nouvelle année dans laquelle nous venons d’entrer, l’année de Hakhel – « Rassemble le peuple, les hommes, les femmes et les enfants »,19 qui nous rappelle la Mitsva qui était observée à l’époque du Beth Hamikdach, immédiatement après l’année de Chemita (l’année sabbatique), pendant la Fête de Soukkot. À cette occasion, tous les Juifs, hommes, femmes et même les petits enfants,20 étaient rassemblés dans le Beth Hamikdach, et le roi leur lisait certains passages de la Torah, et tous les présents « écoutaient avec une attention soutenue, avec respect, crainte et une joie révérencieuse, comme le jour où la Torah fut donnée au Sinaï... et ils avaient l’impression de recevoir la Torah pour la première fois de D.ieu lui-même, car le roi était l’émissaire chargé de transmettre les paroles de D.ieu ».21

Et bien que la Mitsva du Hakhel, dans son application pure et simple, soit liée à l’existence du Beth Hamikdach et ne puisse pas être réalisée actuellement, elle est néanmoins, comme les autres Mitsvot de cette catégorie, existante et applicable spirituellement également en temps d’exil et en tout lieu, puisque la Torah est éternelle également dans ses détails et n’est pas limitée dans le temps et l’espace.

Ainsi, la Mitsva du Hakhel nous rappelle que, où que soient les Juifs, et quelle que soit leur dispersion, chacun d’entre eux reste partie intégrante du peuple du Hakhel, le peuple un, en incarnant en soi-même et dans sa vie quotidienne la Torah une, comme au jour où elle a été donnée par le D.ieu un ; et chacun, sans exception, a la tâche donnée par D.ieu « d’écouter, d’apprendre, de craindre l’Éternel ton D.ieu, et d’observer et de mettre en pratique toutes les paroles de la Torah ».22

C’est également le but ultime et le facteur qui doit animer et diriger toutes les décisions de chaque société, organisation, communauté juive, etc.

C’est également la manière de se rapprocher de la véritable et complète Guéoula (Rédemption) par le biais de notre Juste Machia’h, qui « restaurera le Beth Hamikdach et rassemblera les dispersés du peuple d’Israël »,23 ce qui entraînera l’accomplissement de la prophétie : « Je rétablirai un langage clair pour les nations, afin qu’elles invoquent toutes le Nom de D.ieu et le servent d’un commun accord »24 et, enfin, amènera le monde entier à sa plus haute perfection d’être « rempli de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent les mers ».25

Avec ma bénédiction de ‘Hatima ouGmar ‘Hatima tova,

tant sur le plan matériel que spirituel,

/Signé : Mena’hem Schneerson/