Nous ne savons pas quand l’Admour Hazakène, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, a prononcé ce maamar, et seule une transcription abrégée nous est parvenue. Mais nous savons que le Rabbi – Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, de mémoire bénie – l’aimait beaucoup. Peu de temps avant le décès de sa mère, il l’a répété lors d’un farbrenguen, après quoi il l’a fait imprimer avec ses propres notes. Lors du farbrenguen du Chabbat Chouva, le six Tichri 5765 (1964), il développa le message du maamar, élucidant celui-ci à un profond niveau de compréhension. Au coucher du soleil de ce Chabbat, sa mère, la Rabbanit ‘Hanna, de mémoire bénie, rendit l’âme.

Ce qui suit n’est pas une restitution littérale, mais suit la structure du maamar et, nous l’espérons, est fidèle à son message.

« Je dors, mais mon cœur est éveillé. La voix de mon bien-aimé frappe. “Ouvre-moi, ma sœur, ma compagne, ma colombe, ma jumelle, car ma tête est trempée de rosée !” »1

« En chaque être humain, un amour divin s’agite dans le cœur. Car sans cet amour, il n’y a pas de vie. Même s’il vous semble que vous n’avez pas un tel amour – parce que vous ne ressentez pas un tel amour –, c’est assurément une illusion. Vous le ressentez. Le tréfonds même de votre cœur palpite de cet amour ». (Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi2 )

Il y a deux manières par lesquelles vous vous connectez au divin :

Vous vous connectez lorsque vous saisissez les merveilles de la nature, lorsque vous ouvrez les yeux sur les miracles qui vous entourent, lorsque vous percevez dans l’acte même de l’existence une certaine transcendance imposante. C’est une connexion rafraîchissante et joyeuse. Elle remplit votre psyché et vous élève.

Vous vous connectez également parce que ce mystère inconnaissable que nous appelons D.ieu est partout, qu’Il englobe toutes choses et est l’essence de toutes choses, y compris du cœur qui palpite en vous. Un feu tranquille y brûle, même si rien ne s’y consume. Vous êtes connecté parce que vous êtes intimement lié à quelque chose que vous ne pourrez jamais comprendre.

La première connexion peut s’endormir. Vous vous laissez prendre par ce que vous pouvez obtenir de ce monde et ce que ce monde vous arrache. La beauté transcendante qui respire dans la nature sort de votre champ de vision. Vous vous débarrassez de toute sensibilité au courant intérieur de la vie, comme quelqu’un qui jette le fruit parce que sa main n’a de place que pour la peau.

Mais la connexion cachée au fond de votre cœur, c’est seulement en vous débranchant de votre propre cœur que vous pourriez vous déconnecter de cet amour.

Et si vous dites : « Mais je ne ressens rien. Comment pourrais-je être connecté s’il n’y a aucun sentiment dans mon cœur ? »

Si vous ne remarquez plus les battements de votre cœur, cela signifie-t-il qu’il a cessé de battre ? Vous êtes en vie ! Chaque cellule de votre corps bat au rythme de ses pulsations ! Il fait simplement tellement partie de vous que vous n’avez pas conscience d’à quel point vous le ressentez.

Vous devez faire comme Moïse a dit au peuple : « Ramène-toi à ton cœur. »3

Frappez à sa porte. Et revenez-y. Elle est éveillée. Elle l’a toujours été.

La voix de mon bien-aimé frappe à la porte

« Ouvre-moi juste un trou d’épingle », crie une voix de l’autre côté de la porte, « et je t’ouvrirai un portail toujours plus grand vers la lumière infinie ! »4

La Chekhina, la présence divine, aspire à résider dans votre cœur.

Quelle est la taille d’un trou d’épingle ? La taille d’un point – zéro dimension.5

Pour un instant, mettez de côté vos soucis, vos préoccupations personnelles, tout ce qui vous tire vers le bas. Oubliez cela et il y a de la place pour la joie. Et ce n’est que là où la joie peut entrer que la Chekhina peut résider, car « la force et la joie remplissent sa place ».6

Célébrez avec la joie et la fête d’un enfant qui revient à la maison. Célébrez le fait qu’en retournant à votre cœur, vous créez un réseau de trajets par lesquels la lumière divine illimitée se répand dans ce monde.

Échappez au rêve. Soyez comme ceux qui ont vécu de la manne pendant quarante ans. Vivez avec la tranquillité par laquelle ils ont apporté la sagesse divine dans le monde. Célébrez la tranche de pain qui est tombée du ciel aujourd’hui et faites confiance à la Source de Toute Vie qu’elle pourvoira à demain. Sachez que vous ne manquez d’aucun bien – car si quelque chose était vraiment dans votre intérêt, le D.ieu qui vous aime comme un parent aime son enfant unique vous l’aurait certainement donné.

Contemplez cet amour. Inspirez-le profondément et expirez l’apitoiement sur soi et la morosité. Libéré des soucis et des préoccupations, un espace tranquille apparaît. L’oxygène divin entre. Une flamme silencieuse et oubliée éclate en une conflagration d’amour passionné.

Ma sœur

« Mais, pourriez-vous dire, tout cela n’a rien à voir avec moi. »

« Je suis plus éloigné de cette histoire d’amour qu’une grenouille d’une princesse. Je suis un être matériel et vous attendez de moi que je me lie à la Lumière infinie ! »

Votre Amoureux divin comprend. C’est pourquoi Il vous appelle « sœur ».

Il vous appelle aussi Son enfant. Il vous appelle Son épouse bien-aimée. Prenez toutes les relations intimes qui puisse exister entre deux êtres humains, extrayez l’essence de chacune, prenez leur somme, multipliez-la par l’infini, et vous aurez une idée de la proximité, de l’inséparabilité qui vous relie tous les deux.

Pourtant, au plus profond, vous êtes Sa sœur.

Un frère et une sœur, aussi éloignés qu’ils puissent être – dans le lieu, dans l’esprit et dans l’âme – resteront toujours liés par un lien d’amour secret. Votre âme est une sœur pour le Créateur. Dans son itinéraire qui l’a tant éloignée d’une vie spirituelle, elle n’a pas bougé d’un pouce de ce lien intrinsèque.

« Où puis-je fuir Ta présence ? Si je monte dans les cieux, Tu es là. Si je descends au plus profond de l’abîme, Tu es là aussi. »7

« Si tu devais être repoussé jusqu’à la distance la plus extrême des cieux, c’est de là que Je te rassemblerai... »8

Ma compagne

« Mais, protesteriez-vous, vous dites que je dois revenir avec joie ! Savez-vous où j’ai été, les choses que j’ai faites ? Mes vêtements sont souillés, mon sang a soif des addictions de mon passé. Qui suis-je pour faire la fête ? »

Vous avez raison. Ne célébrez pas ce que vous êtes en ce moment. Ignorez cela pour le moment. Continuez à avancer. Célébrez ce que vous êtes en train de créer. Célébrez ce que votre Créateur célèbre en vous.

C’est pour cela que votre Bien-aimé vous appelle Sa compagne, ce que les sages ont également traduit par « bergère » et « approvisionneuse ».9

Que Lui procurez-vous ? Une demeure.

Dans chaque mot de Torah que vous apprenez et prononcez, dans chaque mitsva que vous faites, vous construisez un palais, vous ouvrez des fenêtres et allumez des lumières, vous dépoussiérez des meubles précieux abandonnés et dressez une belle table pour un festin, vous construisez et réparez. Dans ce monde le plus physique de tous, vous Lui assurez, à Lui et à Sa lumière infinie, une plus grande présence que dans n’importe quel monde spirituel.

Ce que vous faisiez il y a un instant n’a aucune importance maintenant. La bête qui rugit encore dans votre sang, les taches et les cicatrices sur votre âme – pourquoi cela devrait-il gâcher la fête ?10

Oubliez-vous. Réjouissez-vous de la célébration de ce que vous, Son petit et précieux enfant, avez fait pour Lui.

C’est pour cela qu’Il a créé toutes choses. C’est en cela que réside Son désir le plus profond. Et vous êtes le pilier de Sa demeure dans ce monde, Son hôte, Sa partenaire, Sa compagne et son approvisionneuse.

Ma colombe

« Mais vous ne comprenez pas. Je ne suis pas une personne spirituelle. Je ne sais pas comment contempler le divin. Mes mitsvas ne sont que des actions. Mes prières sont sèches. Quelle sorte de lien spirituel cela pourrait-il être sans un esprit éveillé pour en faire l’assemblage ? »

C’est un lien qui transcende l’esprit. Votre main donne, vos pieds marchent, votre bouche prononce les mots, vos genoux plient – parce qu’au fond de vous, vous y êtes déjà. Votre corps, dans sa simplicité, ressent cette essence, quand bien même votre esprit, dans sa sophistication, n’en est pas conscient.11

Pourquoi notre âme est-elle comparée à une colombe ? Parce que la colombe est monogame par instinct. De même que la colombe ne se lie qu’avec son compagnon, l’âme ne se lie de manière innée qu’avec l’Être suprême.12

Certes, l’esprit peut transporter l’âme dans des lieux élevés, dans les couloirs complexes du palais, et même jusqu’à la porte de la chambre la plus intime du roi. Mais pour enfoncer cette porte, y entrer et y rester seul avec le Roi, il faut une bête sans esprit. Vous devez simplement agir.

Je suis un rustre. Je suis sans cervelle. Je suis comme les animaux avec Toi. Et je suis constamment avec Toi.13

Ma jumelle

« Néanmoins, mon esprit est marqué. Comment serai-je guéri ? »

C’est vrai. Ce monde fait des ravages sur le souffle de D.ieu qui a pénétré en toute pureté dans votre corps à la naissance.

Mais ce souffle divin, même s’il s’efforce de remplir sa mission depuis l’intérieur de vous, reste lié à Celui qui vous l’a insufflé, comme des vrais jumeaux restent liés même s’ils vivent dans des corps séparés – comme s’ils partageaient un seul et même corps.

Rabbi Yochoua de Si’hni a dit au nom de Rabbi Levi : Tout comme des jumeaux, quand l’un a mal à la tête, l’autre ressent la douleur, ainsi D.ieu dit14 : « Je suis avec toi dans tes malheurs. »15

De même que le cerveau et le cœur ressentent la douleur du plus petit orteil – plus encore que l’orteil ne ressent sa propre douleur –, de même votre Bien-aimé ressent chaque douleur et cicatrice de votre âme. Il aura de la compassion pour vous comme pour Lui-même et vous guérira. Car vous et Lui ne faites qu’un.

Car Tu es un D.ieu et un roi sur lequel on peut compter pour guérir, car Tu es un D.ieu de compassion.16

Vous vous chargez de revenir à Lui, et cela ne peut se faire qu’avec de la joie dans votre cœur et dans tout ce que vous faites. Lui se chargera de guérir vos blessures.

« Car ma tête est trempée dans la rosée. »

La rosée n’est jamais retenue.17 Même lorsqu’Élie a décrété que la pluie et la rosée devaient cesser, il n’a pu agir que sur la pluie, mais la rosée a continué.18

De même, l’amour de D.ieu pour chaque âme ne peut jamais cesser ou être retenu. Quelles que soient les fautes, les imperfections ou les cicatrices issues de la bataille contre les ténèbres, cet amour vient d’un endroit trop élevé pour que tout cela puisse l’abimer.

Et ainsi il guérit tout.19


Basé sur Maamarei Admour Hazakène, Ketouvim vol. 2, p. 207-209, avec des notes et des biourim du Rabbi. Likoutei Si’hot, vol. 9, p. 194.